Question de Mme TROENDLÉ Catherine (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 15/02/2017

Question posée en séance publique le 14/02/2017

Mme Catherine Troendlé. Ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le mois de juillet 2016 restera tristement célèbre pour les deux attentats perpétrés par de jeunes djihadistes qui ont endeuillé notre pays.

Le premier jour de ce même mois, le Gouvernement ouvrait un centre destiné à accueillir des « jeunes volontaires en phase précoce de radicalisation » – en clair, un centre aéré pour apprentis djihadistes (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) – sur le domaine de Pontourny, à Beaumont-sur-Vernon, en Indre-et-Loire.

De l'avis de tous, y compris les députés de votre parti, ce centre cumule de graves dysfonctionnements depuis son ouverture.

Tout d'abord, il a été difficile de recruter des volontaires. Le dispositif de sélection est complexe et inefficace, voire dangereux. Imaginez de jeunes recrues en faible nombre, parmi lesquelles une personne fichée « S » en raison de sa dangerosité. Et que penser du pensionnaire Mustafa Savas, interpellé et mis en examen parce qu'il faisait partie de la filière djihadiste de Strasbourg…

Ensuite, la structure était censée accueillir quatorze pensionnaires fin novembre et vingt-cinq fin décembre. Or ces objectifs n'ont jamais été atteints : début janvier, les pensionnaires n'étaient plus que trois. Le vendredi 3 février, j'ai pu constater sur place qu'il n'y en avait plus qu'un et que celui-ci séjournait seul dans cette structure depuis trois semaines.

Depuis la semaine passée, le centre de Pontourny est vide. Je me suis empressée d'interpeller le ministre de l'intérieur sur cette situation intenable. Il faut se rendre à l'évidence : les vingt-cinq salariés de ce centre sont désœuvrés, faute de pensionnaires !

La création du centre de Pontourny a été conçue comme une opération de communication. Ouvrir douze autres centres, pour 2,5 millions d'euros de frais de fonctionnement chacun, serait une hérésie !

Monsieur le ministre, entendez-vous tirer les leçons de cet échec ? La radicalisation est un sujet trop grave pour que l'on ne tienne pas compte des enseignements apportés par l'expérience. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)


M. Alain Gournac. Bravo !

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 15/02/2017

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2017

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question. La déradicalisation est en effet un sujet essentiel, sachant qu'une jeune fille de 16 ans ayant prêté allégeance à une organisation terroriste faisait partie de la cellule qui préparait l'attentat finalement déjoué à Montpellier.

Aujourd'hui, 1 200 jeunes sont suivis au titre de la déradicalisation, notamment au sein de cellules départementales qui s'appuient sur les dispositifs de l'État et des départements, en particulier, et de plus en plus, la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et l'aide sociale à l'enfance, l'ASE. Je voudrais remercier tous les élus locaux, notamment départementaux, qui prêtent leur concours à la mise en œuvre de ces dispositifs sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, nul ne peut avoir la moindre certitude ni la moindre assurance quant à ces derniers.

Le centre de Pontourny avait pour vocation de constituer un moyen terme entre un milieu totalement ouvert et la prison. Il accueillait des jeunes non judiciarisés, qui ne faisaient pas l'objet d'un traitement particulier.

Le fonctionnement de ce centre reposait sur une approche pluridisciplinaire, sans obligation pour les jeunes d'y rester, ce qui constitue peut-être un point à revoir. Nous ferons le bilan au terme de cette expérience.

Les élus locaux ont demandé un moratoire. Ce moratoire existe de fait, puisque je n'ai pas demandé au préfet de faire des propositions en vue de la prise en charge de nouveaux pensionnaires dans ce centre. Il y en aura cependant d'autres dans le futur.

Je tiens à vous dire, madame la sénatrice, qu'aucun des jeunes que vous venez d'évoquer n'a posé le moindre problème à l'entourage du centre. Cela étant, je conçois qu'il puisse être nécessaire de rassurer ceux qui vivent près du centre de Pontourny.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Roux, ministre. Faisons en sorte que cette expérimentation se poursuive et continuons d'échanger sur la question capitale de la déradicalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour la réplique.

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le ministre, vous venez de faire le constat de l'échec de l'ensemble des dispositifs que vous avez mis en place. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je vous ai posé une question très précise : qu'allons-nous faire du centre de Pontourny, qui coûte 2,5 millions d'euros en frais de fonctionnement et n'abrite plus aucun pensionnaire ? Je crois qu'il faut le fermer et revoir tous les dispositifs de déradicalisation. Je vous invite à prendre connaissance du bilan d'étape que dressera la mission d'information de la commission des lois sur la déradicalisation la semaine prochaine. Beaucoup de choses sont à revoir, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

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