Question de M. BAILLY Dominique (Nord - Socialiste et républicain) publiée le 21/07/2017

Question posée en séance publique le 20/07/2017

M. Dominique Bailly. Monsieur le Premier ministre, alors que la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages est annoncée pour 2018, je serais tenté de vous dire : « chiche ! »

De l'avis général, en effet, cet impôt est injuste, « socialement » et « territorialement », pour reprendre les termes employés par le Président de la République au Sénat, lors de la Conférence nationale des territoires.

Je pourrais même vous dire : « deux fois chiche ! » Car si la taxe d'habitation est à ce point injuste, pourquoi ne pas la supprimer pour 100 % des ménages ?


Mme Catherine Procaccia. Très juste !


M. Dominique Bailly. C'est du reste ce qu'avait proposé Lionel Jospin en 2000, sans pouvoir, malheureusement, aller au bout de sa volonté politique, au-delà de la suppression de la part régionale de cette taxe.

Reste que si nous supprimons pour 80 % ou 100 % des ménages la taxe d'habitation, une question politique essentielle se pose : celle de l'autonomie financière des collectivités territoriales, dont cette taxe est aujourd'hui le pilier. Or fragiliser cette autonomie, c'est porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Alors oui, monsieur le Premier ministre, les élus locaux sont très inquiets, et c'est normal !

J'ai entendu que vous procéderiez par dégrèvement. D'accord ! Mais je pense qu'il faut aller plus loin : comme M. le ministre de l'action et des comptes publics l'a suggéré il y a quelques instants, il faut une véritable réforme de la fiscalité locale pour rassurer durablement les élus locaux. Oui, il faut une véritable révolution fiscale ! Tout le monde en parle et tous les gouvernements en ont parlé… Aurez-vous la volonté politique d'aboutir ?


M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.


M. Dominique Bailly. Monsieur le Premier ministre, allez-vous rassurer durablement les élus locaux, qui font face à des dépenses dynamiques aujourd'hui impossibles à pérenniser, et quel est votre sentiment sur ma proposition de supprimer la taxe d'habitation pour 100 % des ménages ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 21/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2017

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Bailly nous aurions aimé, pour la bonne intelligibilité de nos débats, que vous nous proposiez aussi des économies correspondantes à la suppression totale de la taxe d'habitation…

Pour notre part, nous trouverons les économies nécessaires pour financer la mesure que nous avons annoncée, de façon progressive : 3 milliards d'euros, puis 3 autres milliards, et encore une fois 3 milliards.

Réfléchir au renouveau de la fiscalité locale, imaginer une révolution fiscale pour rendre le système plus équitable pour les collectivités territoriales et plus juste pour les citoyens, pourquoi pas ? Le Président de la République et le Premier ministre en ont parlé. Mais, monsieur le sénateur, vous n'avez rien dit des économies qui le permettraient…

La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages représente un peu moins de 9 milliards d'euros ; supprimer cette taxe aussi pour les 20 % qui restent coûterait plus de 12 milliards d'euros. Au total, cela fait donc tout de même quelque 20 milliards d'euros à trouver.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, de dire que la taxe d'habitation est injuste. Ainsi, dans la commune d'Orchies, que vous connaissez bien (Sourires), un couple sans enfant percevant un revenu annuel de 45 000 euros paie 1 309 euros pour une maison construite en 1920, tandis qu'un ménage identique paie 938 euros pour une maison de même surface construite auparavant.

Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur le renouveau de la fiscalité locale, et nous irons jusqu'au bout. Je me permets toutefois de vous corriger sur un point : si la Constitution prévoit l'autonomie financière des collectivités territoriales – une autonomie confortée par le dégrèvement que nous proposons, comme du reste elle l'aurait été par une exonération –, il n'y a pas, pour l'instant, d'autonomie fiscale des collectivités territoriales. En effet, toutes n'ont pas un pouvoir de taux ; les régions, notamment, n'en ont presque pas.

Il faut donc que nous travaillions sur ces questions d'autonomie financière et d'autonomie fiscale, étant entendu que, même si ce n'est pas le projet du Gouvernement, il peut y avoir une décentralisation très avancée, et même un État fédéral, comme en Allemagne, sans autonomie fiscale des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – MM. Alain Bertrand et Didier Guillaume applaudissent également.)

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