Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 21/07/2017

Question posée en séance publique le 20/07/2017

M. Cédric Perrin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Gouvernement, ainsi qu'il a été rapporté, envisage de réduire de 850 millions d'euros le budget de la défense pour cette année.

Chacun ici est au fait des événements aussi inhabituels que regrettables qui ont abouti, hier, fait rarissime, voire unique, à la démission du chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers.

Je veux en cet instant rendre hommage au général de Villiers, grand soldat et grand serviteur de l'État, dont j'ai pu, comme tous ceux qui l'ont côtoyé, constater l'engagement sans réserve au service de la France et de la défense de celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

S'il est souvent dit qu'il ne faut pas gâcher l'opportunité d'une crise, gageons que celle-ci, grave, est l'occasion de s'interroger sur certains faits.

Le premier de ces faits, c'est que nul de sérieux ne conteste qu'il n'est pas d'autorité plus habilitée que le chef d'état-major des armées pour porter un diagnostic sur l'état de nos forces. Ce diagnostic, en dépit du départ du général de Villiers, reste valide.

Oui, trois fois oui, les moyens de nos armées, vous le savez, ont été consciencieusement réduits au cours des années récentes. L'usure de quantité de nos matériels compromet non seulement les missions, mais, dans certains cas, jusqu'à la sécurité de nos soldats.

Le second de ces faits, c'est l'extrême légèreté avec laquelle le travail parlementaire a été considéré. Car, jusqu'à preuve du contraire, les propos tenus à huis clos par le chef d'état-major des armées devant une commission parlementaire – je mets de côté certaines expressions – n'étaient nullement déplacés. À moins, monsieur le Premier ministre, qu'il n'existe désormais ce qu'il faudrait bien appeler une « jurisprudence Soubelet »…

Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, j'ai deux questions à vous poser.

Le Gouvernement est-il sincère quand il prétend que nos forces disposeront des moyens de leur mission, alors qu'il leur coupe les crédits ?

Pouvez-vous prendre l'engagement que le travail du Parlement sera pleinement respecté et que les personnalités auditionnées par les commissions ne seront pas sanctionnées s'ils posent un diagnostic potentiellement dérangeant pour l'exécutif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/07/2017

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2017

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Perrin, il y a un chef d'état-major des armées et un chef des armées. Ce sont deux fonctions différentes, deux légitimités différentes, deux expériences différentes, et s'il y a un désaccord entre le chef d'état-major des armées et le chef des armées, dans notre République, sous la Ve République, c'est le pouvoir politique qui prévaut ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)

Le chef d'état-major des armées a exprimé son désaccord avec des décisions prises par le Président de la République. Il en a tiré les conséquences. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de lui adresser un salut républicain au moment où il quitte ses fonctions, et je m'y associe.

Je me permets de saluer de la même façon celui qui entre en fonction, le général Lecointre, que vous connaissez sûrement, parce que vous êtes passionné par les questions de défense.

Mais, encore une fois, soyons clairs : dans notre pays, dans ce régime, le chef des armées a le dernier mot en matière de choix militaires, et il ne peut pas en aller autrement.

M. Alain Gournac. À quoi sert le chef d'état-major des armées, alors ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le Président de la République s'est engagé à porter l'effort de défense à 2 % du PIB en 2025. Il s'agit d'un engagement ferme. Et s'il faut élever notre effort de défense à 2 % du PIB, monsieur le sénateur, c'est parce qu'il n'a probablement pas été au niveau du danger et de l'instabilité du monde pendant de longues années.

Mme Bariza Khiari. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et je ne crois pas, même si vous nous en faites le grief aujourd'hui, monsieur le sénateur, que cette situation et cet état de fait datent d'il y a deux mois. Malheureusement, le diagnostic est ancien.

Ce n'est pas la première fois que nous opérons des régulations budgétaires. Et quand je dis « nous », je prends la responsabilité de parler au nom de tous les gouvernements qui nous ont précédés. (M. Martial Bourquin proteste.) Tout cela n'est donc pas nouveau.

Je voudrais citer quelques chiffres, car, après tout, autant être précis. Initialement, la loi de finances pour 2016 a fixé les crédits du ministère de la défense à 31,8 milliards d'euros. Pour 2017, ces crédits ont été votés à hauteur de 32,4 milliards d'euros, budget qui devrait d'ailleurs être exécuté à peu près à ce niveau.

M. Cédric Perrin. Sans les OPEX !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur ! D'ailleurs, j'apprécie vivement que vous précisiez que ce chiffre ne tient pas compte des OPEX.

Encore une fois, je ne suis pas là pour désigner des coupables ou même des responsables, mais je pose la question : qu'avons-nous fait collectivement depuis plusieurs années ? Nous avons accepté tranquillement, année après année, un report des crédits consacrés aux OPEX, report qui s'établit à 750 millions d'euros cette année et que nous allons faire descendre à 700 millions d'euros.

Vous savez très bien que cela n'est pas satisfaisant. Vous savez également que, depuis de nombreuses années, pour des raisons budgétaires qui peuvent s'expliquer, nous n'intégrons pas complètement le coût réel des OPEX dans le budget de la défense. Or nous savons que ces opérations coûtent cher !

Cela fait longtemps que nous ne regardons pas en face ce que coûte réellement notre effort de défense. Le Président de la République l'a dit le 13 juillet dernier, il l'a répété ce matin : les ressources du budget de la défense s'élèveront à 34,2 milliards d'euros en 2018, soit 1,8 milliard d'euros de plus que le montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2017. Il s'agit d'un effort supplémentaire de 5,25 % pour le budget des armées. C'est plus que la progression du PIB ou l'inflation. Le budget de la défense sera le seul budget qui augmentera en volume.

Monsieur le sénateur, je me permets également d'indiquer que cet effort important ne s'arrêtera pas en 2018. En effet, si nous voulons atteindre les 2 % du PIB en 2025, ce qui est un effort considérable, la courbe des dépenses devra croître année après année. Et si nous favorisons cette évolution, c'est non pas pour faire plaisir à tel ou tel, mais parce que la modernisation de nos équipements, de notre capacité de dissuasion, les engagements que la France prend à l'étranger exigent que nous préparions notre outil de défense à la satisfaction et la protection de nos intérêts.

Je peux comprendre toutes les polémiques. Après tout, dans cet hémicycle, tout le monde aime son pays et aime la politique. Mais regardez ce qu'il se passe en matière de défense en analysant les trois derniers mois, alors que les crédits sont en diminution depuis très longtemps, depuis trop longtemps, et alors que nous nous sommes engagés à faire l'effort dont je viens de parler pour 2018 : ce n'est pas totalement à la hauteur des enjeux, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)

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