Question de M. MAZUIR Rachel (Ain - Socialiste et républicain) publiée le 13/07/2017

M. Rachel Mazuir appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la chronologie des médias, mécanisme qui fixe un calendrier entre la sortie d'un film en salle et sa diffusion sur d'autres supports, afin de permettre le financement des œuvres cinématographiques.
Issu d'un accord interprofessionnel signé le 6 juillet 2009 rendu obligatoire par un arrêté du 9 juillet 2009, ce système impose ainsi un délai de quatre mois entre l'exploitation d'un film au cinéma et sa sortie en VOD (Vidéo à la demande) ou DVD. Le délai se situe entre 10 ou 12 mois pour leur diffusion sur les chaînes payantes comme Canal+ ; entre 22 ou 30 mois pour les chaînes gratuites (en fonction de leur part dans la production du film) ; et enfin à 36 mois pour la SVOD (Video à la demande par abonnement), c'est-à-dire sur Netflix ou Canalplay.
Or lors de la signature de cet accord, les plateformes de diffusion en ligne par abonnement, telles Netflix ou Amazon, n'étaient pas présentes en France. Leur arrivée a bouleversé les usages et remet en cause la chronologie des médias. Une polémique a d'ailleurs éclaté lors du dernier Festival de Cannes, du fait de la présence de deux films produits par Netflix. La plateforme a en effet refusé leur sortie au cinéma, qui la contraignait à attendre 36 mois pour les diffuser en ligne.
Les délais, jugés trop longs par certains et favorisant le piratage, font régulièrement l'objet de débat. Début 2017, des discussions sur la révision de la chronologie des médias avaient à nouveau été engagées sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et en partenariat des principaux acteurs du secteur. Mais elles ne semblent pas aboutir.
Il souhaitait donc connaître l'avis du Gouvernement sur le sujet et les éventuelles mesures qu'il envisage pour adapter la chronologie des médias aux attentes des opérateurs de la filière cinématographique et des consommateurs qui souhaitent un accès plus rapides aux films.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 16/11/2017

La chronologie des médias, qui régule l'ordre et la durée des principales fenêtres d'exploitation des films après leur sortie en salles de cinéma, constitue un pilier essentiel du système vertueux de préfinancement des œuvres cinématographiques en France. Cette chronologie, résultant d'un accord interprofessionnel étendu par arrêté, repose sur la cohérence et la proportionnalité des différentes fenêtres vis-à-vis du poids et des contributions de chacun dans le préfinancement des œuvres. Le dispositif en vigueur date de 2009. Il appelle une modernisation désormais urgente, compte tenu des évolutions importantes de marché et d'usages intervenues depuis lors, particulièrement du développement rapide de la vidéo à la demande (VàD) par abonnement, afin de préserver l'efficacité du système de préfinancement. L'amélioration des conditions de diffusion des œuvres en ligne constitue l'axe prioritaire d'une réforme de la chronologie. La chronologie a ainsi fait l'objet de négociations professionnelles dès le premier trimestre 2012, sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Elles ont permis de dégager, au second semestre 2015, un consensus sur trois points : une avancée de quatre à trois mois de l'exploitation en VàD pour la moitié des films sortant en salles chaque année ; une interdiction des pratiques de « gel » en matière de VàD en téléchargement définitif, c'est-à-dire interdiction aux chaînes de télévision de demander l'interruption d'une exploitation dans ce mode, permettant ainsi d'envisager une exploitation continue des œuvres en ligne ; une exclusion des œuvres de court métrage de l'accord. Par ailleurs, la plupart des acteurs avaient sollicité la mise en place d'un mécanisme de fenêtres glissantes : lorsqu'une œuvre n'a pas trouvé de diffuseur sur une fenêtre, les diffuseurs de la fenêtre suivante pourraient anticiper leur exploitation, évitant ainsi que le film ne se retrouve inexploité pendant cette fenêtre. La demande exprimée publiquement par Canal+, premier financeur du cinéma français, à l'automne 2016, d'avancer la première fenêtre d'exploitation en télévision payante a ensuite conduit, dans un contexte économique difficile pour la chaîne, à relancer les discussions. Le dernier projet établi par le CNC, discuté lors de la réunion du 28 avril 2017, prévoyait ainsi un délai standard de huit mois pour la première fenêtre de télévision payante, pouvant être réduit de un à deux mois selon l'investissement de la chaîne dans le budget du film. Ce mécanisme innovant irait dans le sens d'un assouplissement de la chronologie et d'une meilleure prise en compte des investissements des diffuseurs dans les œuvres. Le projet prévoyait également : un raccourcissement généralisé des principaux délais de diffusion, notamment de la VàD ; une interdiction de gel totale de la VàD, y compris pour la VàD transactionnelle ; un mécanisme de fenêtres glissantes, notamment pour les services de VàD par abonnement promouvant la diversité culturelle et investissant significativement dans la création. Les positions exprimées par les différentes parties prenantes s'avérant toutefois une nouvelle fois irréconciliables, l'échec du cycle de discussions initié en 2012 a été acté. Un changement de méthode apparaît désormais nécessaire pour donner une nouvelle impulsion aux discussions. À l'initiative de la ministre de la culture, un nouveau cycle de négociations a été ouvert à l'été 2017. Dans un premier temps, l'ensemble des signataires de l'accord sont reçus de façon individuelle, afin de mieux comprendre la position de chacun et de recenser les propositions nouvelles que chaque signataire pourrait faire pour moderniser le système. Ce nouveau cycle de discussions a permis d'approfondir les points suivants : la cohérence du positionnement des différentes fenêtres, au vu de la contribution des diffuseurs à la création, dans le respect des principes fondamentaux du dispositif ; en particulier, la place de la fenêtre de VàD par abonnement, mode d'exploitation qui connaît la plus forte croissance et qui apparaît en même temps directement concurrent de la télévision payante ; l'introduction de dérogations et de possibilités d'expérimentations, dans un dispositif que de nombreux acteurs considèrent excessivement rigide. À la suite ce ces entretiens, il a été décidé de changer de méthode et de mettre en place une médiation. Cette mission de médiation a été confiée par la ministre de la culture à M. Dominique D'Hinnin, président du Conseil d'administration d'Eutelsat et ancien dirigeant du groupe Lagardère. Il aura six mois pour faire aboutir un nouvel accord. À défaut, le Gouvernement n'exclut pas de proposer au Parlement de légiférer. À l'été 2017, le Sénat a également pris l'initiative d'une série d'auditions, dont il a tiré des recommandations pour une réforme de la chronologie des médias. Ces propositions sont proches des dernières propositions discutées sous l'égide du CNC. En particulier, il est proposé de placer la VàD à l'acte à trois mois et d'aligner la fenêtre de VàD par abonnement sur celle de la télévision payante. Une intervention du législateur est recommandée pour suppléer une éventuelle absence d'accord d'ici la fin de l'année 2017. Il s'agirait notamment de consacrer un principe général prévoyant un traitement différencié des acteurs en fonction de leur contribution au financement et à la diversité de la création cinématographique.

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