Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 21/09/2017

Mme Dominique Estrosi Sassone attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les incendies qui ont ravagé les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, la Haute-Corse, le Var et le Vaucluse où plus de 13 000 hectares de forêt et de maquis ont été détruits au cours de l'été 2017.

De plus de deux fois la moyenne annuelle depuis 2007, le nombre de ces incendies dans ces cinq départements ont blessé une vingtaine de secouristes et deux pompiers grièvement, plus de douze mille personnes ont été déplacées, des habitations ont été évacuées et même l'aéroport de Toulon a dû être fermé.

Ces incendies auraient pu avoir des conséquences bien plus graves puisque des communes ont été ravagées par les flammes et que le feu s'est propagé jusqu'aux portes de certaines grandes villes comme à Nice.

Malgré une mobilisation pleine de courage de l'ensemble des pompiers, certaines failles matérielles sont apparues au fil des jours, révélant des moyens vieillissants et surexploités dans la lutte contre les incendies.

En effet, en juillet 2017, le syndicat national du personnel navigant de l'aéronautique civile a dénoncé la gestion des moyens aériens par l'État, dénonçant un « manque d'avions bombardiers d'eau » et que « la moitié de la flotte de Canadairs (était) clouée au sol parce qu'il manque des pièces détachées ».

Quant à la lutte terrestre qui repose essentiellement sur les sapeurs-pompiers locaux, le manque de moyens matériel est confirmé par les soldats du feu eux-mêmes : « l'investissement nécessaire à l'achat des matériels a diminué de 25 %, ce sont donc moins de véhicules, et ceux qui restent vieillissent ».

Enfin, ces incendies ont un coût élevé puisque une journée de lutte contre le feu s'élève en moyenne à 1,5 million d'euros.

Alors que la France a dû faire appel à ses voisins européens dans la lutte aérienne contre le feu cet été, elle voudrait savoir quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre pour les prochaines années alors que ces incendies d'une intensité particulièrement soutenue ont démontré les limites de notre stratégie nationale de lutte contre les feux de forêt, alors même que le délai de réaction et la rapidité d'intervention sont des facteurs essentiels.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/06/2018

En 2017, la saison des feux a été d'une intensité exceptionnelle depuis douze ans en France. À la fois précoce et longue, elle a dévasté 17 500 hectares de forêts et d'espaces naturels. Le sud de la France, où le climat et la végétation méditerranéenne rendent particulièrement vulnérables les massifs forestiers au risque d'incendie, a durement été touché. Mais au-delà de la saison 2017, des études sur les effets du dérèglement climatique laissent présager une intensification et une récurrence de ces événements. L'année 2017 n'est donc pas une exception et il est plus que jamais essentiel de renforcer nos capacités de réponse face à ces menaces. Dans ce contexte, la lutte contre les incendies repose à la fois sur une parfaite adéquation des moyens aux risques et à l'intensité des feux (1), mais également sur une politique de prévention partagée, s'articulant autour de l'action de l'État et de la vigilance de chacun (2). 1/ Des moyens calibrés et une stratégie adaptée : sous l'autorité des préfets, d'importants moyens ont été engagés en juillet 2017 par le ministère de l'intérieur, à l'occasion de la saison des feux 2017 : 700 militaires des formations militaires de la sécurité civile et une dizaine de colonnes de renfort zonal de sapeurs-pompiers, soit 730 hommes disposant de 130 engins de lutte ; d'autres colonnes ont été déployées à titre prévisionnel ou curatif pour renforcer les dispositifs locaux. Enfin, les zones Est, Nord, Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest et Île-de-France ont également été mobilisées pour renforcer les moyens méditerranéens. L'activité des forces aériennes a été soutenue et décisive avec, au total, près de 8 000 heures de vol et 10 000 largages : vingt-trois avions bombardiers d'eau, positionnés à Nîmes, Cannes, Ajaccio, Solenzara, ont permis de soutenir l'action des équipes engagées au sol ; certains étaient prépositionnés à Marignane, à Carcassonne et à Bordeaux ; un hélicoptère bombardier d'eau, trois avions de reconnaissance et deux avions dotés de dispositif de transmission d'images ont complété ce dispositif. Les moyens aériens de la sécurité civile sont calibrés pour répondre aux trois missions principales : la lutte contre les feux de forêts, le transport, l'investigation et la coordination. Actuellement, ces moyens aériens sont composés de quatre types d'appareil : douze Canadair CL415,  neuf Tracker,  deux Dash 8 et trois Beechkraft 200. L'attaque des feux naissants est rendue possible et efficace grâce à un guet aérien armé dit « GAAR », c'est-à-dire réalisé par des avions bombardier d'eau, effectuant des vols de surveillance et prêts à effectuer des largages d'eau ou de produit retardant sur les départs de feux détectés au cours de leur mission. Ce guet aérien est aujourd'hui principalement assuré par la flotte des Tracker qui seront retirés du service entre 2018 et 2022, puisque l'État va engager l'acquisition, dès cette année, de six avions polyvalents gros porteurs pour un montant de plus de 400 millions d'euros. Ces avions seront mobilisés pour les feux de forêt mais aussi pour les évacuations sanitaires ou le transport de personnels ou de modules de sécurité civile. Cet investissement permettra à la France de se doter d'une capacité de transport et de projection unique en Europe, d'environ 600 personnes. Ce dispositif viendra renforcer encore l'efficacité et la pertinence de la stratégie française, qui consiste à intervenir dans les airs comme au sol contre les feux naissants dans les dix minutes et qui repose sur une politique de surveillance dynamique. En outre, la création de la base de la sécurité civile à Nîmes, opérationnelle depuis le printemps 2017, a conduit à modifier le dispositif opérationnel. Après concertation avec les préfets et les services départementaux d'incendie et de secours concernés, ce dispositif a été adapté pour tenir compte de la nouvelle localisation du groupement des avions. Ainsi, les détachements saisonniers en Corse (Ajaccio et Solenzara) ont été maintenus et celui de Carcassonne a été relocalisé à Cannes-Mandelieu pour améliorer la couverture de l'est de l'arc méditerranéen. Les préfets des zones de défense et de sécurité Sud et Sud-Ouest conservent la capacité de positionner des appareils bombardiers d'eau respectivement à Marignane ou Carcassonne et à Bordeaux au regard de l'analyse quotidienne des risques. Il convient de rappeler qu'en période de risque très sévère, la mise en œuvre du guet aérien armé relativise l'importance du lieu où sont stationnés les aéronefs. La pertinence de la nouvelle configuration du dispositif a été évaluée à l'issue de la saison des feux de forêts 2017. Le retour d'expérience fait apparaître que le déplacement du groupement des avions bombardiers d'eau de Marignane vers Nîmes a été sans incidence sur l'activité opérationnelle des moyens aériens. Au plan technique, le réseau des stations de ravitaillement en eau ou produit retardant des avions qui ne sont pas amphibies (Tracker et Dash) a été renforcé avec le nouvel équipement de Nîmes dimensionné pour le remplissage concomitant de quatre avions. Les perspectives de dérèglement climatique décrites par les prévisions de Météo-France et les interprétations de l'Office national des forêts (ONF), impliquent d'étudier le prépositionnement d'un pélicandrome mobile sur un aérodrome au centre de la zone qui s'étend du sud parisien à la Bretagne. Enfin, la programmation des opérations de maintenance est conçue pour obtenir un taux de disponibilité des aéronefs supérieur à 80 % pendant la saison des feux de forêts. En 2017, il a été de 84 % en moyenne malgré ponctuellement de fortes sollicitations des flottes. Dans le cadre de la loi de finances pour 2018, le programme 161 « sécurité civile » intègre un indicateur d'efficience permettant de mesurer le taux de disponibilité opérationnelle des avions de la sécurité civile. Le suivi de cet indicateur dépend étroitement de l'adéquation risque-niveau d'alerte. Le taux de disponibilité opérationnelle est ambitieux au niveau aéronautique mais est défini de manière contractuelle dans le marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions à 98 %. Ce point est une priorité d'action du ministère de l'intérieur. 2/ La politique de prévention des feux de forêts : face à ces risques, l'État conduit une politique de prévention des feux de forêts ambitieuse avec notamment l'équipement, l'aménagement et l'entretien de l'espace forestier. Cette stratégie nationale concerne la réglementation de l'emploi du feu, la limitation de l'accès aux massifs, les dispositifs de surveillance et de guet, la création d'équipements de lutte contre les feux, etc. La lutte contre les incendies de forêts exigeant une pénétration facile des massifs par les véhicules de prévention et de lutte incendie, il est nécessaire d'assurer un réseau de pistes spécialisées : les pistes DFCI (défense de la forêt contre les incendies). Le code forestier prévoit en outre que les départements concernés établissent un plan départemental de protection des forêts contre l'incendie qui a pour objectifs la diminution du nombre de départs de feux de forêts, la réduction des surfaces brûlées, ainsi que la prévention des risques d'incendies et la limitation de leurs conséquences. Cette politique de prévention repose également sur l'action, la vigilance et l'implication des particuliers. Le débroussaillement fait ainsi partie intégrante de cette stratégie globale. Il permet à la fois de lutter contre les feux de forêt et de protéger les habitations menacées. Il consiste à éclaircir la végétation autour des constructions dans le but de diminuer l'intensité et la propagation des incendies. Dans les circonstances exceptionnelles de la saison des feux de 2017, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a insisté sur le courage, le professionnalisme, l'exemplarité et l'engagement sans faille des sapeurs-pompiers qui ont permis de protéger des milliers de nos concitoyens sans que nous ayons eu à déplorer le moindre décès. La saison des feux de 2017 a également durement touché l'Europe, où ce sont plus d'un million d'hectares qui ont été détruits. Le Président de la République a rappelé son ambition de renforcer le mécanisme européen de protection civile pour répondre par une plus grande solidarité aux nombreux défis du dérèglement climatique et à notre exposition croissante aux risques.

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