Question de Mme MONIER Marie-Pierre (Drôme - Socialiste et républicain) publiée le 05/10/2017

Mme Marie-Pierre Monier appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la nécessité de faire évoluer le classement du loup vers une protection moins contraignante.

En effet, le loup fait actuellement partie des espèces « strictement protégées » énumérées à l'annexe IV de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, ainsi qu'à l'annexe II de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe.

Or, malgré l'évolution des dispositifs de protection mis en œuvre dans le cadre du plan national loup 2013-2017 et les mesures d'assouplissement des conditions de prélèvement de loups, la recrudescence et l'expansion territoriale des attaques de loup sur les troupeaux sont constatées chaque année.
Parallèlement, le développement continu de la population de loups sur le territoire français est attesté, y compris par les recensements de l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Dans ce contexte, les éleveurs sont en détresse et expriment de plus en plus leur colère en constatant la faible efficacité des protections et mesures préconisées par les services de l'État, face à la pression de prédation du loup.

Aussi, elle lui demande de lui faire connaître les intentions du Gouvernement en matière d'évolution du statut du loup vers une protection moins contraignante et notamment de lui indiquer les démarches qu'il compte entreprendre dans ce sens au niveau européen.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 22/11/2017

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2017

Mme Marie-Pierre Monier. « Au moment où j'écris ces mots, une meute de loups est en train de hurler à moins de 100 mètres de notre troupeau sur la commune de Séderon.

« Mon compagnon est parti précipitamment pour passer la nuit auprès du troupeau, en ayant l'intention de dormir dans la voiture, sachant qu'il est prévu moins de zéro degré cette nuit.

« Suite à l'attaque que nous avons subie dimanche dernier, et la perte de 15 brebis sur notre troupeau de 150 têtes, nous ne pourrons pas supporter de pertes supplémentaires. Le troupeau est actuellement très stressé, nous craignons des avortements.

« Quelle profession peut accepter cette pression ? Nous sommes désemparés.

« Nous sommes installés depuis trois ans ; nous avons investi toute notre énergie, nos convictions et nos finances dans notre projet d'élevage de brebis avec valorisation en vente directe des agneaux et de la laine, certifiés en agriculture biologique.

« Nous bénéficions d'un réel accueil et soutien local pour la remise en pâturage de collines et la vente de laine et de viande d'agneau. Nous avons mis en œuvre, depuis notre installation, toutes les mesures de protection préconisées : parcs électrifiés, chiens de protection, surveillances “pluriquotidiennes”.

« Ce soir, je souhaite donc exprimer notre sentiment d'impuissance et de découragement face à la pression de prédation du loup, qui depuis quelques mois s'est nettement intensifiée dans le sud des Baronnies.

« Ne sous-estimez pas l'urgence de la situation ! Nous avons besoin de réponses concrètes. »

Voilà, madame la secrétaire d'État, le témoignage que j'ai reçu dernièrement à ma permanence. Je n'aurais pas pu poser plus clairement la problématique du loup dans nos territoires et exprimer de façon plus éloquente le désarroi des éleveurs.

En Drôme, les chiffres les plus récents indiquent une augmentation de 31 % du nombre d'attaques et de bêtes tuées par rapport à 2016, après un doublement l'année précédente ! La pression de prédation devient insupportable. Le pastoralisme est menacé et, avec lui, l'élevage à taille humaine et la qualité de ses productions. L'entretien des espaces ruraux est également en danger : sans l'élevage, ces derniers seraient voués à l'embroussaillement et aux risques d'incendie.

Le bulletin d'information d'août 2017 du réseau « loup » de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, reprend l'expertise biologique collective sur la viabilité à long terme de la population de loups en France qui a été commandée en juin 2016 par le ministère de l'environnement. Il indique que « dans tous les cas, l'état actuel de la population en France, en termes d'effectifs et de croissance, semble garantir la viabilité démographique ».

Compte tenu de ces éléments scientifiques et du témoignage dont je viens de vous faire part, je souhaite, madame la secrétaire d'État, que vous me fassiez connaître les intentions du Gouvernement en matière de déclassement du statut du loup en vue d'une protection moins stricte et que vous m'indiquiez si vous envisagez d'entreprendre des démarches en ce sens au niveau européen.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant malheureusement être présent au Sénat ce matin, il m'a chargée de vous répondre.

Le loup est une espèce protégée, qui fait son retour en France depuis une vingtaine d'années. C'est une bonne nouvelle pour la biodiversité, qui est notre bien commun, mais c'est aussi un véritable défi pour les éleveurs qui font face à la prédation des loups.

Dans ce contexte, le Gouvernement se fixe un double objectif : la viabilité – encore non acquise – de l'espèce sur notre territoire et la protection des éleveurs. Nous comprenons la détresse et la souffrance de ceux qui sont confrontés aux conséquences des attaques sur leur troupeau.

La méthode employée jusqu'ici n'était pas satisfaisante. Elle privilégiait le court terme, en autorisant l'abattage de quelques dizaines de loups chaque année de manière assez arbitraire.

Le Premier ministre a donc chargé Nicolas Hulot et Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, de réfléchir à une méthode s'appuyant sur des données scientifiques. Cette méthode fait l'objet, en ce moment même, d'une concertation avec les acteurs. L'objectif est de sortir de la confrontation et de l'opposition binaire et de construire ensemble des solutions qui soient viables pour tous sur le long terme.

Le Gouvernement a posé quelques principes pour cette concertation. Je le redis ici, ceux qui voudraient l'éradication de tous les loups et ceux qui nient la détresse des éleveurs doivent entendre raison.

Par ailleurs, nous devons passer à une logique de protection et de défense des troupeaux pour aider les éleveurs, qui doivent pouvoir éviter les attaques, mais aussi se défendre. C'est pourquoi les tirs de défense et de défense renforcée doivent être privilégiés. C'est en quelque sorte de la légitime défense, mais cela ne peut se faire que si tout a été fait pour protéger les troupeaux avant. C'est aussi cela, la cohérence.

Les études du ministère de l'agriculture montrent que les mesures de protection sont efficaces quand elles sont combinées : présence du berger, chien de protection, parc de nuit, d'où la nécessité de les mettre en place y compris là où le loup n'est pas encore installé.

La concertation se poursuit pour développer une panoplie d'outils obéissant à ces principes et le plan Loup du Gouvernement sera présenté au premier trimestre de 2018.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éléments d'information, mais vous n'avez pas vraiment répondu sur le déclassement du statut du loup.

Comme l'explique l'éleveuse que j'ai citée tout à l'heure, des attaques surviennent même si toutes les mesures ont été prises pour protéger le troupeau.

Le 17 novembre dernier, le Parlement européen a adopté, à une large majorité, une recommandation sur la biodiversité, fondée sur le constat que certaines espèces protégées par la directive Habitats sont devenues des menaces pour d'autres espèces, en particulier pour les animaux d'élevage.

Une brèche a donc été ouverte, et il serait important que la France s'y engouffre en sollicitant un changement de statut du loup auprès du commissaire européen chargé de l'environnement. Il y a urgence, car les éleveurs ne peuvent plus attendre.

Par ailleurs, la question de l'hybridation des loups fait l'objet d'une forte controverse avec les éleveurs. Un communiqué de l'ONCFS de septembre 2017 fait état, pour la première fois en France, d'une telle hybridation. Cet élément constitue une raison supplémentaire de s'interroger sur la pertinence de la protection stricte du loup et d'accorder un peu de considération à nos éleveurs.

Dimanche dernier était organisée à Ballons, dans les Hautes Baronnies, une manifestation de soutien au couple d'éleveurs dont je vous ai lu le témoignage. Ce fut un moment très émouvant pour moi : quarante-quatre éleveurs m'ont symboliquement remis les clés de leur élevage, signifiant ainsi qu'ils mettaient l'avenir de leur activité dans les mains des élus.

Ces clés, je les ai avec moi, madame la secrétaire d'État. (Mme Marie-Pierre Monier brandit un sac rempli de clés.) Nous voulons vous les remettre et je prendrai l'attache de votre cabinet à cette fin. Je crois que vous ne résidez pas très loin de la Drôme. Je compte sur vous pour convaincre MM. Nicolas Hulot et Stéphane Travert de se rendre avec vous dans notre département, que ce soit dans les Baronnies, le Vercors ou le Diois, pour rencontrer ces familles en détresse, qui sont continuellement sous la pression des attaques du loup, vivent la peur au ventre et se demandent vraiment de quoi leur avenir sera fait !

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