Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRCE) publiée le 26/10/2017

M. Dominique Watrin appelle l'attention de M. le Premier ministre sur la situation des mineurs grévistes survivants de 1948 et 1952 ou de leurs familles. En effet, bien que la République ait reconnu officiellement leur préjudice, à ce jour seuls trente-six dossiers de mineurs ont pu bénéficier des nouvelles dispositions des lois n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, tandis que quarante-et-un d'entre eux devaient pouvoir y être éligibles.

Restent cent cinquante cas identifiés qui se heurtent, soixante-dix ans après les événements, au caractère fermé de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 : les enfants d'ayants-droit en cas de décès de leurs parents ne peuvent en effet avoir recours aux indemnisations prévues par la loi de finances pour 2005 ni donc aux indemnisations proposées en 2015 (30 000 euros et 5 000 euros par enfant). Cette situation est d'autant plus choquante que le processus de réhabilitation morale des mineurs et d'indemnisation est loin d'être achevé.

Il souhaiterait savoir quelles dispositions le Gouvernement compte prendre, notamment dans le cadre du projet de loi n° 235 (Assemblée nationale, XVème législature) de finances pour 2018.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, dès son installation à la tête du Gouvernement, j'ai écrit au Premier ministre au sujet du dossier des mineurs grévistes de 1948 et 1952 injustement licenciés. Aujourd'hui, bien du chemin reste encore à parcourir par l'État pour une réhabilitation complète.

En effet, bien que la République ait reconnu officiellement leur préjudice depuis plusieurs années maintenant, à ce jour seuls 36 dossiers de mineurs ont pu bénéficier des nouvelles dispositions des lois de finances pour 2015 et pour 2017, tandis que 41 d'entre eux devaient pouvoir y être éligibles.

Il reste 150 cas identifiés qui se heurtent, soixante-dix ans après les événements, au caractère fermé de la loi de finances pour 2005 : les enfants d'ayants droit en cas de décès de leurs parents ne peuvent en effet avoir recours aux indemnisations prévues par la loi de finances pour 2005 ni donc aux indemnisations proposées en 2015, une fin de non-recevoir que les intéressés vivent légitimement comme une « discrimination, une ségrégation ».

Sur le plan du droit, l'ancienne garde des sceaux, Mme Taubira, a fait son possible. Mais sans mise en œuvre des moyens nécessaires, sans implication des autres ministères concernés et du fait du mépris affiché par M. Urvoas, successeur de Mme Taubira, la situation n'a plus évolué. Le dossier semble même aujourd'hui au point mort, si j'en juge par la non-réponse du Premier ministre à mon courrier du 29 mai 2017, dans lequel j'évoquais le long combat mené par ces victimes et le syndicat CGT-Mines. Norbert Gilmez, fer de lance de cette lutte, aujourd'hui âgé de 96 ans, décoré de la Légion d'honneur, n'a pas reçu de réponse non plus. Il attend lui aussi une réparation complète.

Monsieur le ministre, le temps presse : les mineurs, pour la plupart d'anciens résistants à l'occupation nazie, se sont battus pour leurs droits sociaux et ont été lourdement condamnés. Assimilés à des terroristes, ils ont subi la répression, puis ont été licenciés et chassés, avec leur famille, de leur logement, des écoles des mines, de leur ville. Leurs épouses et leurs enfants ont beaucoup souffert.

Après les attentes et les espoirs déçus, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il inscrire dans le projet de loi de finances pour 2018 ou dans un prochain budget rectificatif pour rendre justice aux mineurs et à leurs familles ? Comment comptez-vous permettre aux filles et fils de mineurs, eux-mêmes victimes, d'accéder eux aussi aux dispositifs en cours ? Avez-vous la volonté de réparer ce terrorisme d'État, par exemple en faisant bénéficier ces mineurs d'une reconstitution de carrière en application de la loi d'amnistie de 1981, comme cela a été le cas pour les fonctionnaires concernés ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de ma collègue la garde des sceaux, ministre de la justice, Nicole Belloubet, qui est actuellement en déplacement à Nouméa avec le Premier ministre.

Vous avez appelé l'attention du Premier ministre sur la question de l'indemnisation des mineurs grévistes de 1948 et 1952, amnistiés par la loi du 4 août 1981.

Vous l'avez rappelé, sur l'initiative personnelle de Christiane Taubira, le gouvernement précédent a été à l'origine de l'adoption d'un amendement, devenu l'article 100 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, par lequel la République reconnaît solennellement, d'une part, le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et en 1952, et, d'autre part, les atteintes portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices en résultant.

À ce titre, la loi a ouvert aux mineurs dont les dossiers avaient été antérieurement instruits par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, en application de l'article 107 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, le bénéfice d'une allocation forfaitaire d'un montant de 30 000 euros. Étaient éligibles à ce dispositif les mineurs concernés ou leur conjoint survivant. Une allocation complémentaire spécifique de 5 000 euros a également été prévue au bénéfice direct de chaque enfant de ces mineurs.

Les demandes de bénéfice des allocations devaient être adressées avant le 31 décembre 2015 à l'ANGDM, chargée de garantir, au nom de l'État, l'application des droits sociaux et des prestations des anciens mineurs.

Cette agence a instruit l'ensemble des dossiers qui lui ont été adressés avant cette date. Au vu des informations qui lui ont été communiquées, elle a versé à sept mineurs et à quinze conjoints survivants, ainsi qu'à quatre-vingt-dix-sept enfants, les allocations prévues par ce dispositif, pour un montant total de 1,46 million d'euros.

Soucieux de voir examinés les dossiers qui n'auraient pas été adressés avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement a souhaité reporter au 1er juin 2017 la date limite de dépôt des demandes de bénéfice du dispositif d'allocation. Un amendement en ce sens a ainsi été voté lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

En outre, en vertu de la loi de finances pour 2015, les mineurs bénéficiaires des prestations de chauffage et de logement en espèces prévues par le statut minier ou leur conjoint survivant peuvent faire valoir auprès de l'ANGDM tout élément qui pourrait conduire à un calcul plus favorable de ces prestations. Il appartient aux intéressés de faire valoir ces éléments auprès de l'agence, qui relève de la double tutelle du ministère de l'environnement et de l'énergie et du ministère de l'économie et des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle me déçoit plutôt.

Je regrette qu'aucun ministre concerné par ce dossier ne soit présent au banc du Gouvernement pour répondre aux filles et fils de mineurs à qui l'on refuse toujours le bénéfice de l'indemnisation au prétexte que leurs parents sont décédés. Sur ce point, vous n'annoncez aucune avancée.

Vous n'avez pas non plus répondu sur l'application de la loi d'amnistie de 1981. Je rappelle que les généraux félons de l'Organisation armée secrète, l'OAS, ont obtenu une reconstitution de carrière et une indemnisation complète… C'est tout de même un comble que ces mineurs qui, pour beaucoup, ont contribué à libérer notre pays du joug fasciste, qui n'ont pas épargné leur sueur au lendemain de la guerre contre les nazis et ont ainsi permis de redresser notre pays, restent exclus du bénéfice de ce dispositif ! La loi d'amnistie comportait une clause d'indignité, mais elle ne peut plus valoir aujourd'hui, ces mineurs ayant été officiellement réhabilités par la République.

Pour conclure, je poserai une dernière question : qui s'occupe de ce dossier ? Trois ministères de tutelle : ceux de l'environnement et de l'énergie, de l'économie et des finances, de la justice.

À mon sens, il serait judicieux que le Premier ministre lui-même se saisisse de cette question. On éviterait ainsi que les uns et les autres ne se renvoient la balle, et une véritable volonté politique serait affichée. Il faut qu'un signal politique fort soit émis au plus haut niveau de l'État pour que ce contentieux puisse être définitivement réglé.

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