Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains) publiée le 30/11/2017

Mme Agnès Canayer attire l'attention de Mme la ministre du travail sur les moyens octroyés aux missions locales.
Les missions locales sont des acteurs essentiels de l'accompagnement des jeunes vers l'emploi. Leur grande connaissance des problématiques rencontrées par les jeunes, leur capacité à prendre en charge globalement les difficultés de ces derniers et leurs liens forts avec les entreprises créatrices d'emploi sont les atouts majeurs de ces dernières.
Or, successivement, des décisions politiques et budgétaires viennent entraver et freiner la bonne exécution de leur mission : la qualité du logiciel i-milo , les procédures administratives nombreuses qui requièrent l'embauche de personnel dédié à leur traitement au détriment des jeunes à suivre, la suppression des médiateurs qui effectuent un travail en prison pour préparer la sortie de prison ou encore la généralisation de la garantie jeunes sans moyens réels affectés, sont autant de freins à la bonne conduite de la politique d'accompagnement des jeunes dans l'emploi.
Aussi, elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour donner des réels moyens aux missions locales afin qu'elles poursuivent leurs missions.

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Réponse du Ministère du travail publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les préoccupations des missions locales.

L'universalisation de la garantie jeunes a considérablement modifié les conditions d'exercice des actions d'accompagnement vers l'emploi et la formation des missions locales. En effet, l'accès à la garantie jeunes de tous les jeunes NEET – Not in Education, Employment or Training – de seize à vingt-cinq ans impose de multiplier les actions et d'intensifier l'accompagnement global, afin de responsabiliser les publics qui cumulent de nombreux freins à l'emploi.

Malheureusement, les contraintes administratives et financières pesant sur les missions locales sont de plus en plus nombreuses. La multiplication des justificatifs à fournir pour obtenir les financements, notamment européens, l'évolution permanente et peu concertée des objectifs fixés par les financeurs et l'utilisation d'un outil numérique i-milo peu didactique entravent au quotidien l'action des missions locales.

Ces contraintes obligent les conseillers à passer plus de temps pour accomplir les missions administratives qu'à accompagner les jeunes ou encore à tisser des liens avec les employeurs.

À l'heure où les réformes engagées en matière d'apprentissage, d'orientation et de formation visent à mieux répondre aux besoins d'emplois des territoires, les missions locales ont la volonté d'être des acteurs efficaces, notamment celle du Havre, que je préside, dans la réussite de l'accès du plus grand nombre de jeunes à ces dispositifs.

Au moment où se dessine le plan d'investissement dans les compétences et les parcours d'accès à l'emploi, qui nécessiteront un accompagnement fort et global, une bonne adéquation entre l'offre et la demande est nécessaire.

Cependant, force est de constater que les incertitudes pèsent tant sur le financement que sur la place réservée aux missions locales. Ces dernières ont besoin pour remplir justement leur mission que les conférences des financeurs soient installées sur tous les territoires, à commencer par la Normandie, pour donner de la lisibilité aux attentes de chacun. Elles ont aussi besoin d'un outil numérique partagé et interactif avec les partenaires de l'emploi, notamment Pôle emploi, et les acteurs de la formation, pour mieux accompagner les jeunes.

C'est pourquoi je me permets de vous interroger, madame la ministre, sur ces sujets et sur la volonté du Gouvernement pour donner aux missions locales les moyens de remplir efficacement leur mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame Canayer, je suis d'accord avec vous, les missions locales sont un maillon important du service public de l'emploi. Je les connais bien pour avoir dirigé dans ma jeunesse, il y a bien longtemps, l'une des trois premières missions locales en France ; je n'ai donc cessé de suivre ce sujet.

Cela dit, nous avons aujourd'hui un défi majeur à relever. En effet, comme vous le savez, quelque 1,3 million de jeunes en France ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. La question des missions locales et l'efficacité de notre accompagnement sont plus critiques que jamais, puisque le problème s'est aggravé au fil du temps.

Permettre à ces jeunes d'obtenir une qualification et un emploi est une priorité absolue sur le plan humain – ils vivent un drame –, mais aussi sur le plan économique, car la situation actuelle est coûteuse et crée évidemment un risque social majeur.

Aussi, le plan d'investissement compétences, avec ses 15 milliards d'euros, est principalement ciblé sur les jeunes et les demandeurs d'emploi de longue durée, avec l'ambition de former dans les cinq ans qui viennent 1 million de jeunes. Nombre d'entre eux n'ont pas encore travaillé et vont découvrir ce qu'est la situation de travail. Ce n'est pas donc uniquement un sujet de qualification ; il y va également de la compréhension du mode de travail, ainsi que des savoir-être et des savoir-faire de base.

Dans ce contexte, les missions locales auront toute leur place. Elles ont été créées à l'origine par Bertrand Schwartz avec l'idée qu'elles avaient une vision complètement pluridisciplinaire : leur approche était centrée sur le jeune, mais elles s'occupaient d'emploi, de formation, de santé, de justice, etc. ; à cet égard, je salue la garde des sceaux, qui nous a rejoints. L'un des risques des missions locales est de ne devenir que gestionnaire de dispositifs et de s'appauvrir, si j'ose dire, en étant un service administratif, ce qui n'est pas, selon moi, la mission d'origine des missions locales.

Un certain nombre de dispositifs leur ont permis de renouer avec leurs racines ; je pense notamment à la garantie jeunes qui, d'après les premières estimations – je suis prudente, car on ne dispose pas encore de toutes les évaluations –, semble donner des résultats satisfaisants, avec de meilleurs taux d'insertion pour les jeunes : c'est une notion de parcours et non pas de gestion de dispositif.

Toutefois, la mobilisation pour ce dispositif, qui apporte en plus une ressource financière supplémentaire aux intéressés, ne doit pas faire perdre aux missions locales leur allant pour aider les jeunes à entrer dans les EPIDE, les établissements pour l'insertion dans l'emploi, les écoles de la deuxième chance ou les centres de formation d'apprentis.

S'agissant des contributions au budget des missions locales, je vous rappelle que la contribution de l'État a été reconduite pour un montant de 206 millions d'euros. À cet égard, permettez-moi de regretter que le Sénat n'ait pas voté les crédits de la mission Travail et emploi que j'ai présentés, mais j'espère qu'il en sera autrement l'année prochaine… Ces crédits permettront de pérenniser les postes, y compris ceux des « référents justice » au sein des missions locales, car c'est là un point important.

En ce qui concerne les sujets opérationnels, vous avez raison, on a besoin – c'est évident – d'un outil numérique partagé, et je dirais même d'une meilleure articulation avec Pôle emploi. En effet, les missions locales ont les jeunes, mais ne disposent pas des offres d'emploi. Aujourd'hui, les deux dispositifs sont trop éloignés. Certes, il existe de bonnes coopérations localement, mais nous devons travailler sur cette question.

De même, et c'est un autre point important, les missions locales doivent aussi aller chercher les jeunes là où ils sont et non pas attendre simplement que ces derniers viennent dans leurs locaux. De nombreux jeunes, dans les quartiers ou les zones rurales, ne vont pas jusqu'à elles. J'ai constaté que certaines missions locales commençaient à être mobiles, en allant sur le terrain avec des permanences dans des bus. C'est une démarche que nous devons encourager. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question.

L'État joue son rôle dans le financement, à hauteur de la moitié du budget des missions, outre la garantie jeunes, l'autre moitié étant à la charge des collectivités territoriales.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Néanmoins, nous devons encore travailler sur cette question, afin que les missions locales soient plus efficaces.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, je vois que vous êtes aussi passionnée que moi par les missions locales et leur place dans l'accompagnement global des jeunes !

Nous avons vraiment besoin des moyens suffisants pour contribuer à la résorption du chômage sur nos territoires – ce n'est pas simple, je le sais –, en lien – c'est une petite révolution ! – avec les employeurs de nos territoires. Il est nécessaire de faire évoluer la place des missions locales.

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