Question de Mme DINDAR Nassimah (La Réunion - UC) publiée le 14/12/2017

Mme Nassimah Dindar attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le statut particulier qui régit les forêts dites « départemento-domaniales » en outre-mer.

En effet, à La Réunion, ainsi qu'en Martinique et en Guadeloupe, les forêts issues de l'ancien domaine colonial relèvent d'un statut juridique spécial exorbitant instauré par un décret de 1947 et un arrêté de 1948. Ce régime confère en effet à l'État, déclaré affectataire, un droit d'usage illimité sur ces forêts, alors même que les collectivités concernées ne disposent que d'un droit de propriété extrêmement ténu, puisque « suspendu » à une éventuelle décision de l'État de renoncer à exercer son droit d'usage.

Il en résulte que les trois collectivités précitées ne peuvent décider librement de l'utilisation de ces espaces. Ce statut constitue un vestige particulièrement étrange dans le paysage juridique français, puisqu'il n'existe, ni en métropole, ni dans les autres régions et départements d'outre-mer (telles Mayotte ou la Guyane).

Ce régime juridique s'oppose au principe de libre administration des collectivités territoriales en imposant une quasi-tutelle de l'État sur les départements. Il traduit également une rupture manifeste de traitement entre collectivités territoriales, certaines étant considérées comme « majeures » et aptes à gérer leur patrimoine, alors que d'autres sont considérées comme incapables de remplir cette mission.

À La Réunion, les forêts départemento-domaniales représentent une surface de 100 000 ha. Elles rassemblent la majeure partie des milieux naturels de forte valeur patrimoniale où se concentre 80 % de la biodiversité terrestre. Elles sont incluses pour cette raison dans le cœur du parc national et sont inscrites au patrimoine de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et soumises au régime forestier.

Le département de La Réunion les a intégrées à sa politique de préservation des espaces naturels sensibles et consacre à ce titre chaque année de l'ordre de 6 millions d'euros à leur protection et à leur entretien.

L'État s'est déjà engagé vers l'abrogation de ce statut obsolète en acceptant de renoncer à son droit d'usage sur certains zones agricoles. Des discussions sont également en cours pour adopter une solution similaire pour des gîtes touristiques.

Dans ces conditions, concernant plus spécialement les terrains en nature de forêts, les conseillers départementaux de La Réunion réitèrent leur souhait de voir le droit de propriété applicable à ces espaces aligné sur le droit commun dont relèvent, au sein de la République, toutes les autres forêts appartenant aux collectivités territoriales.

La fragilité de ces milieux naturels ne leur a pas échappé. Ils souhaitent donc aussi attirer l'attention du Gouvernement sur les garanties de protection qu'offriraient en cas d'évolution statutaire, la présence du parc national, le régime forestier et la politique active que mène le département en faveur de ces espaces naturels sensibles.

Elle lui demande la position du Gouvernement sur l'opportunité d'abroger ce vestige déplorable de la période coloniale.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/02/2018

Les termes de l'article 3 du décret n°  47-2222 du 6 novembre 1947 et de l'article 3 de l'arrêté interministériel du 30 juin 1948 ont défini l'affectation des biens de l'ancien domaine colonial, parmi lesquels les bois et forêts relevant du régime dit « départemento-domanial ». Ce régime est également appliqué à d'autres catégories de biens, notamment immobiliers, et concerne le département de La Réunion mais aussi, la Guadeloupe et la Martinique. Considérant les impacts potentiels d'un changement de régime sur les plans économique, social et environnemental pour les bois et forêts, et dans la mesure où d'autres départements et d'autres biens hors du champ de compétence du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont concernés, une décision ne peut être prise sur ce sujet en l'état. Par ailleurs, le contrat d'objectifs et de performance de l'office national des forêts (ONF) 2016-2020 a mis en lumière la nécessité de mieux associer les élus ultramarins à la gouvernance. À ce titre, un comité consultatif des forêts d'outre-mer a été créé au sein du conseil d'administration de l'ONF, la réunion inaugurale de ce comité s'est tenue le 20 juin 2017.

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