Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 08/02/2018

Mme Véronique Guillotin attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur afin d'évoquer la situation inégalitaire en terme de parité au sein des collectivités territoriales. Depuis 2014, dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers communautaires sont élus en même temps que les conseillers municipaux, au suffrage universel direct. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe pour chaque commune. Pourtant, il suffit d'interroger les élus sur la situation dans leur département pour se rendre compte que la parité n'est pas la règle dans la plupart des intercommunalités. Ainsi, au 1er janvier 2017, selon le haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, 34 % seulement des conseillers communautaires sont des femmes. Ce chiffre demeure peu élevé mais, à la faveur de l'obligation de parité lors des élections, il est en constante augmentation. C'est bien le cadre législatif qui fait en ce domaine évoluer les choses. On ne retrouve pas ces chiffres dans les exécutifs. Dans le département de Meurthe-et-Moselle, les exemples sont nombreux. A la communauté d'agglomération de Longwy, les 10 vice-présidences sont attribuées à des hommes. A la communauté de communes Terres Touloises, une seule femme occupe l'un des 14 postes de vice-présidents. Au total, les femmes ne représentent que 18 % des membres de l'exécutif intercommunal dans le département. Et tous les sénateurs ont des exemples analogues sur leurs territoires. Une étude publiée par l'association « Elles Aussi », portant sur 2015, nous apprend qu'au niveau national, les femmes occupaient seulement 18 % des postes exécutifs intercommunaux et 8 % des présidences. Les intercommunalités sont les dernières assemblées locales de cette importance où la parité ne s'exerce pas sur les exécutifs. L'impact de l'obligation de parité étant tout à fait remarquable sur les assemblées - il y a de plus en plus de conseillères communautaires - pourquoi le règlement ne s'applique-t-il pas aux exécutifs ? Les intercommunalités, depuis la réforme territoriale et l'apparition des nouvelles régions, prennent naturellement plus de poids. Alors que la société donne petit à petit davantage de place aux femmes, il est impératif que les espaces de décision en fassent autant. La part de collectivités locales dirigées par des femmes étant extrêmement faible (16 % seulement), une obligation de tandem paritaire à la tête des exécutifs locaux semble même souhaitable, comme le préconise le haut conseil à l'égalité. Alors que l'égalité femmes-hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat par le président de la République, elle souhaite connaitre l'intention du Gouvernement concernant la parité dans les exécutifs intercommunaux, et plus largement à la tête des exécutifs locaux.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 07/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 06/03/2018

Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, ma question porte sur la parité dans les exécutifs intercommunaux.

Alors que nous nous apprêtons à célébrer la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, je souhaite appeler l'attention d'une ministre, membre d'un gouvernement paritaire, au sujet d'une situation parfaitement inégalitaire au sein de nos collectivités.

Depuis 2014, dans les communes de 1 000 habitants et plus, les élections municipales ont lieu au scrutin proportionnel de liste et les conseillers communautaires sont élus en même temps par un système de fléchage, les deux devant respecter la parité. Cette modification législative a permis d'améliorer la représentativité des femmes, même si du chemin reste à parcourir. Au 1er janvier 2017, elles ne représentaient en effet que 34 % des conseillers communautaires.

Lorsque l'on s'intéresse à la composition des exécutifs intercommunaux, on constate que ces chiffres baissent dramatiquement. Dans mon département, comme dans de nombreux autres, les exemples sont malheureusement multiples.

Dans la communauté d'agglomération de Longwy, les dix vice-présidences sont attribuées à des hommes. La communauté de communes Terres Touloises compte seulement une vice-présidente, contre treize vice-présidents. Au total, les femmes ne représentent que 18 % des membres des exécutifs intercommunaux en Meurthe-et-Moselle.

Une étude, publiée en 2015 par l'association Elles aussi, nous apprend que cette proportion est identique à l'échelle nationale et que seules 8 % des présidences sont occupées par des femmes. Or l'échelon intercommunal a vu croître ses prérogatives, à l'issue des récentes lois de réforme territoriale. Plus grands, les EPCI se sont vu et se verront transférer plus de compétences. Il est donc d'autant plus inacceptable qu'ils demeurent les dernières assemblées locales où la parité ne s'exerce pas au sein des exécutifs.

En matière de parité, c'est bien la législation qui fait changer les choses. On voit d'ailleurs que la moindre faille est prétexte à un retour en arrière, comme le montrent les fusions d'EPCI ou les recompositions de conseils communautaires, rendues obligatoires à la suite de la décision Commune de Salbris du Conseil constitutionnel.

Des propositions existent pourtant. Je pense notamment à la préconisation du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes en faveur de tandems paritaires à la tête des exécutifs locaux.

L'égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale du quinquennat par le Président de la République. Pouvez-vous donc, madame la ministre, nous indiquer quelles initiatives le Gouvernement entend prendre en faveur de la parité dans les exécutifs intercommunaux et, plus largement, à la tête des exécutifs locaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, comme vous venez de le rappeler, la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes est une grande cause nationale du quinquennat. Elle vise à obtenir des changements dans les pratiques et dans les comportements, dans la sphère tant publique que privée, en posant les jalons d'une politique intégrée cohérente, transversale et interministérielle. La parité est un outil autant qu'une fin. Elle est une exigence de justice et de démocratie.

C'est la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a instauré la parité en modifiant les articles 3 et 4 de la Constitution française. Depuis cette réforme, plusieurs lois ont permis d'instaurer cette règle dans les différentes instances de représentation politique, notamment dans les collectivités territoriales. La loi, comme vous l'avez dit, a été décisive pour atteindre ces objectifs. Ainsi, avant la réforme de l'élection départementale, les conseillères départementales représentaient 13 % des assemblées, tandis qu'elles représentent désormais 50 % des élus.

Dans les intercommunalités, on constate en effet des inégalités de représentation dans les exécutifs. Les modalités de constitution des listes aux élections municipales, qui doivent être composées d'autant de femmes que d'hommes, avec alternance obligatoire, concernent les communes de plus de 1 000 habitants. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, le scrutin municipal est majoritaire. En outre, contrairement aux dispositions applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, il n'y a pas d'obligation de parité entre les femmes et les hommes. Ces modalités particulières d'élection sont destinées à faciliter l'émergence de candidatures dans les communes les plus petites, qui doivent souvent faire face à des difficultés pour susciter des candidatures aux élections municipales.

Je me souviens que, lorsque le débat a eu lieu sur ces questions, certains parlementaires plaidaient pour que la parité soit obligatoire dans toutes les communes, y compris dans celles qui comptent moins de 1 000 habitants. Beaucoup en revanche arguaient que cela serait parfois difficile.

Le déséquilibre que vous avez pointé du doigt au sein des intercommunalités est un fait reconnu. À cet égard, il faut écouter les propositions des associations d'élus, telles que l'association Elles aussi, que je connais bien.

Je suis tout à fait ouverte, tout comme M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui est responsable des élections, à l'idée d'étudier toutes ces possibilités. Ce sujet n'est pas très facile, notamment dans les intercommunalités, qui comptent de nombreuses petites communes. C'est là que le déséquilibre entre les femmes et les hommes est le plus grand. Il nous faut donc véritablement débattre de nouveau de ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, j'ai bien entendu votre détermination à lever les obstacles à l'engagement des femmes dans les collectivités sur les territoires. Je comprends la difficulté de représentativité lorsque les communautés de communes sont composées de petites communes, mais le fait est que l'on constate dans les communautés d'agglomération, qui sont quelquefois importantes, ce même déséquilibre.

Permettez-moi de citer Simone Veil, qui, en 1986, se disait déjà favorable aux quotas pour renforcer la représentativité des femmes dans les parlements : « Il n'y a pas d'autres moyens et on le sait depuis vingt ans. » Cela fait donc cinquante ans qu'on le sait, et le constat est le même s'agissant des EPCI. Il n'y a pas d'autre moyen, et on l'a vu, que la loi pour infléchir la situation et accroître la parité.

Je prends acte de votre volonté de réfléchir à l'amélioration de cet état de fait à chaque fois que cela sera possible, dans l'écoute et la concertation, et je vous en remercie, madame la ministre. Je suis heureuse de trouver au sein du Gouvernement une écoute bienveillante.

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