Question de Mme GATEL Françoise (Ille-et-Vilaine - UC) publiée le 15/02/2018

Mme Françoise Gatel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des élus placés en arrêt maladie.
Deux maires adjoints du Morbihan sont sous la menace de poursuites de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) à cause d'un non-paiement d'indemnités journalières.
La CPAM du Morbihan exige de ces élus le remboursement des indemnités journalières qu'ils ont perçues au titre d'un arrêt de travail indemnisé, car, selon eux, l'exercice de leur mandat électoral n'était pas autorisé.
Ces élus ont eu, malgré la maladie, le courage d'assumer leur fonction d'adjoint, qui ne constitue en rien un travail salarié.
La valeur essentielle de l'engagement des élus locaux pour la démocratie et la République doit être saluée et non pénalisée. La décision de la CPAM constitue une atteinte à la liberté de la fonction d'élu local et un coup porté à l'envie de s'investir.
Aussi, elle lui demande ce que le Gouvernement pense faire pour remédier à cette situation particulièrement injuste et s'il envisage d'alléger les contraintes administratives conditionnant l'exercice du mandat d'élu local lors d'un congé maladie.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je ne pensais pas devoir un jour poser une question aussi incongrue et inattendue. Celle-ci concerne la situation d'élus municipaux, et plus particulièrement d'adjoints au maire, placés en arrêt maladie dans le contexte de leur activité professionnelle.

Deux adjoints au maire d'une commune du Morbihan sont aujourd'hui sous la menace de poursuites de la caisse primaire d'assurance maladie – la CPAM – à cause du paiement d'indemnités journalières que celle-ci considère comme indu. La CPAM du Morbihan exige de ces élus le remboursement des indemnités journalières qu'ils ont perçues au titre de leur arrêt de travail : pour l'un, il s'agit de 8 000 euros, pour l'autre, de 15 000 euros.

Pendant leur arrêt de travail, ces élus ont continué à exercer leur mandat d'adjoint au maire, en aucun cas assimilable à un travail salarié, puisqu'il est interdit au salarié d'une collectivité locale d'être élu de cette même collectivité. Malgré leur état sévère et sérieux, ces élus ont donc eu le courage d'assumer leur mandat d'adjoint.

La valeur essentielle de l'engagement des élus locaux pour la démocratie et la République doit être saluée, ce que nous faisons tous ici, y compris le Gouvernement. Il me semblerait incongru que cet engagement soit ainsi pénalisé ! La décision de la CPAM constitue une atteinte à la liberté d'exercice du mandat d'élu local et un coup porté à l'envie de s'engager à un moment où les vocations politiques se font un peu plus rares et où nous réfléchissons au statut de l'élu local. Madame la ministre, il me semble qu'il y a là une situation extrêmement grave, étonnante et totalement injuste !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Françoise Gatel, on va parler de droit !

Comme vous le savez, la protection des élus face au risque maladie a été renforcée par leur affiliation, au titre de leur mandat, au régime général de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale de décembre 2012. Tout le monde se souvient ici de cette mesure.

Lorsque les élus locaux qui exercent une activité professionnelle sont placés en congé maladie, ils perçoivent naturellement des indemnités journalières. Celles-ci peuvent être perçues au titre de leur mandat ou au titre de leur activité professionnelle. Elles peuvent se cumuler dans le cas où l'incapacité de travail s'étend à cette activité.

Le bénéfice de ces indemnités journalières est subordonné au respect des dispositions de l'article L. 323–6 du code de la sécurité sociale : le bénéficiaire placé en congé de maladie doit observer les prescriptions du médecin, se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, respecter les heures de sortie autorisées par le praticien et s'abstenir de toute activité non autorisée. Ainsi un salarié, par ailleurs élu local, placé en congé de maladie peut-il régulièrement exercer son mandat électif, dès lors que cet exercice aura été préalablement autorisé par le médecin.

Dans la même logique, un élu qui exercerait une activité professionnelle dont le régime social ne lui ouvre pas droit aux prestations en espèces devra cesser ces deux activités pour percevoir les indemnités journalières dues au titre de son mandat, sauf autorisation du médecin.

Si la poursuite de l'activité du mandat électoral n'a pas été autorisée expressément et préalablement par le médecin, l'élu peut effectivement se voir réclamer le remboursement des indemnités journalières. (Mme Françoise Gatel opine.) C'est probablement le cas que vous me soumettez.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Moi-même, dans mon département, le Loir-et-Cher, je connaissais un élu municipal de Blois à qui cette mésaventure est arrivée et à qui on réclame 30 000 euros. Croyez-moi, je connais bien la situation !

Comme je l'ai récemment souligné devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, madame Gatel, ce statut de l'élu – il existe, même si on peut probablement le retravailler, comme vous l'avez suggér頖 souffre sans doute d'un déficit de publicité qui fait que des élus qui ont la capacité physique de le faire, et qui sont évidemment de bonne foi, se rendent à des réunions et se retrouvent coincés de ce fait.

Je crois pourtant savoir que le guide de l'élu local mis en ligne et régulièrement actualisé par l'Association des maires de France dont vous êtes, je crois, vice-présidente,…

Mme Françoise Gatel. Je l'étais !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … met en garde les élus dans ce type de situation.

Toutefois, pour bien connaître le monde des élus locaux, je sais que cette règle n'est pas vraiment connue et qu'il s'agit d'un vrai problème !

En vous écoutant, madame Gatel, je me disais qu'en définitive vous auriez peut-être dû poser votre question à la ministre qui m'a précédée au banc du Gouvernement, à savoir la ministre des solidarités et de la santé, dont dépend la sécurité sociale.

Mme Françoise Gatel. Oui, vous avez raison !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En tout cas, je lui transmettrai votre question. Vous pouvez compter sur moi !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Merci, madame la ministre !

Je suis évidemment très heureuse de vous voir ce matin et de vous poser ma question, mais je tiens à dire que cette question a déjà suivi un certain cheminement. Ce fut d'abord une question écrite qui, je dois l'avouer, est apparue tellement saugrenue que tous les ministres se sont sentis un peu embarrassés d'y répondre.

Ce n'était pas votre cas ce matin et vous avez eu parfaitement raison de rappeler que la loi est aujourd'hui très claire sur le sujet. Toutefois, je voudrais m'arrêter sur deux points.

Premièrement, comme vous l'avez mentionné à raison, il existe un vrai déficit d'information : pour qu'un adjoint qui aurait uniquement exercé son mandat d'adjoint n'ait pas à verser de pénalités sur les indemnités journalières qu'il a perçues, il faut que le médecin inscrive sur son arrêt de travail que l'exercice de son mandat est autorisé. Or, non seulement les élus ne le savent pas, mais les médecins ne le savent pas non plus ! Si les associations d'élus doivent compléter et intensifier l'information qu'elles communiquent aux élus, il faudrait aussi que les CPAM informent mieux les médecins, parce que tout le monde est de bonne foi.

Deuxièmement, j'ai bien compris l'état du droit et je ne le conteste pas. Toutefois, il me semble qu'il existe un problème d'ordre juridique ! La loi précise qu'un salarié d'une collectivité locale ne peut pas être élu dans ladite collectivité locale et pourtant des cotisations sociales sont appliquées sur les indemnités des élus, c'est-à-dire que l'on assimile le mandat exercé par l'élu à un travail salarié et il y a exigence de remboursement des indemnités journalières perçues alors qu'elles ne peuvent pas avoir été perçues au titre de l'exercice d'un mandat qui n'est pas un travail salarié.

À un moment où les élus locaux exercent de plus en plus difficilement leur mandat – je pense surtout aux maires, aux adjoints et aux conseillers municipaux – et où ceux-ci ne perçoivent parfois aucune indemnité en contrepartie d'un engagement très prenant, qui pénalise parfois leur travail, il faudrait réexaminer la situation, madame la ministre.

M. Claude Kern. Très bien !

Mme Françoise Gatel. Je suis certaine que vous serez heureuse d'entendre parler à nouveau de ce sujet ! (Mme la ministre opine.)

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