Question de M. SAVIN Michel (Isère - Les Républicains) publiée le 22/02/2018

M. Michel Savin attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la situation des jeunes étrangers suivant des formations dans les centres de formation d'apprentis (CFA) au sein de certaines chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Bien que motivés, ces jeunes ne disposent que d'un niveau très faible en français. Cela engendre des difficultés évidentes, complique le travail des équipes pédagogiques, ralentit les enseignements et oblige les CFA à mettre en place des cours de français langue étrangère, pour lesquels ils n'ont pas de financements particuliers.

Une crainte supplémentaire est la mise en danger de ces jeunes, en incapacité de lire et de comprendre les consignes de sécurité, tant en entreprise qu'au CFA face à l'utilisation de machines et équipements dangereux pour eux ou leurs collègues de travail.

De plus, de nombreux jeunes suivent ces cursus d'apprentissage dans l'espoir de voir leur situation administrative se régulariser, instrumentalisant donc le parcours d'apprentissage.

Il souhaite donc connaître sa position à ce sujet, alors qu'il est important d'accompagner spécifiquement ces jeunes, qui, dans ces conditions, n'ont quasiment aucune chance d'être diplômés, tandis que ce détournement de l'apprentissage déstabilise le système.

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Réponse du Ministère du travail publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

M. Michel Savin. Madame la ministre, je vous interpelle aujourd'hui sur la situation des jeunes étrangers suivant des formations dans les centres de formation d'apprentis, les CFA, au sein de certaines chambres de commerce et d'industrie, et ce dans la perspective du projet de loi relatif à l'asile et l'immigration et de la réforme de l'apprentissage.

En effet, bien qu'ils soient motivés, ces jeunes qui signent des contrats d'apprentissage avec des entreprises au sein de ces instituts de formation ne disposent souvent que d'un niveau très faible en français. Cela suscite des difficultés évidentes, complique le travail des équipes pédagogique et ralentit les enseignements. Surtout, cela oblige les CFA à mettre en place des cours de français pour lesquels ils n'ont pas de financements particuliers.

Une crainte supplémentaire est la mise en danger de ces jeunes, dans l'incapacité de lire et de comprendre les consignes de sécurité, aussi bien en entreprise qu'au CFA, face à l'utilisation de machines et des équipements dangereux pour eux ou leurs collègues de travail.

De plus, de nombreux jeunes suivent ces cursus d'apprentissage dans l'espoir de voir leur situation administrative se régulariser, instrumentalisant donc grandement le parcours d'apprentissage.

Enfin, il convient de noter que certaines entreprises peu scrupuleuses pourraient utiliser ces réseaux pour avoir accès à une main-d'œuvre peu chère et peu regardante sur les conditions de travail.

Madame la ministre, il est important d'accompagner spécifiquement ces jeunes qui, dans ces conditions, n'ont quasiment aucune chance d'être diplômés, tandis que ce détournement de l'apprentissage déstabilise le système. La question est non pas de fermer les voies d'apprentissage à ces jeunes étrangers, mais bien de les aider et de les protéger.

Aussi, comment comptez-vous accompagner les centres de formation qui se trouvent aujourd'hui en grande difficulté ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Savin, vous posez la question de l'apprentissage des jeunes mineurs, notamment de ceux qui ne sont pas ressortissants de l'Union européenne. En effet, les ressortissants de l'Union européenne bénéficient des conditions de droit commun s'ils répondent aux conditions d'éligibilité au dispositif de formation ; le problème se pose donc moins pour eux.

En ce qui concerne l'accès à l'apprentissage, les primomigrants n'ont pas droit la première année de leur séjour aux contrats d'apprentissage, ni aux contrats en alternance, sauf les jeunes mineurs isolés bénéficiant de l'aide sociale à l'enfance française, qui entrent dans le droit commun.

Cela dit, en situation régulière sur le sol national, ils peuvent, sous le statut scolaire ou étudiant, suivre une première année de formation professionnelle et conclure ensuite un contrat d'apprentissage. Mais la question que vous posez porte plus sur les prérequis, et il s'agit là d'un problème important.

Dans le cadre de la réforme de l'apprentissage que j'aurai l'honneur de vous présenter dans quelques mois, nous avons prévu que les centres de formation d'apprentis puissent proposer un dispositif de prérequis, c'est-à-dire un mélange de savoirs de base pour se débrouiller en France, mais aussi de savoir-être dans tous les domaines. Ce dispositif concerne non pas uniquement les jeunes étrangers, mais aussi une partie des jeunes Français ayant besoin d'un sas préalable.

Permettez-moi surtout de parler ici des résultats prometteurs du programme expérimental HOPE, hébergement orientation parcours vers l'emploi, que j'ai eu le plaisir d'observer sur le terrain à deux reprises, le 6 février dernier et plus récemment. L'une des expérimentations a été menée par l'AFPA, l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, avec les travaux de la ligne de métro 14, et l'autre avec les Compagnons du Devoir.

Ce dispositif offre, après une sélection de volontaires bénéficiant de la protection internationale de la France en tant que demandeurs d'asile, réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, une formation approfondie en français et une formation qualifiante : pour réussir, il faut à la fois faire du français de manière intensive et suivre une formation qualifiante. Il est financé par les branches professionnelles, qui le définissent elles-mêmes pour les métiers en tension, ce qui permet de résoudre deux problèmes à la fois.

Ce dispositif vertueux concerne aujourd'hui 660 stagiaires en France, avec une montée en puissance prévue de mille places. C'est là aussi une voie de formation en français, de qualification et d'insertion.

Puisque ce dispositif porte sur les métiers en tension, les bénéficiaires, qui sont mobiles sur toute la France, sont quasi certains de trouver un emploi, comme j'ai pu le constater. Ces conditions vont leur permettre de s'insérer tout à fait légalement, vous avez raison – par ailleurs, nous traquons le travail illégal –, pour leur bénéfice et pour celui de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Je formulerai deux remarques, madame la ministre.

Ces jeunes ne sont pas uniquement des mineurs ; de nombreux majeurs sont dans ces filières de formation. Vous me faites observer que l'accès à la formation n'est possible qu'après une année de présence sur le territoire français, mais certains sont là depuis plusieurs années, ont même déjà intégré une entreprise ou ont une activité commerciale, ce qui pose un véritable problème.

Aussi, je ferai deux propositions. Vous l'avez souligné, il est important, dans le cadre du projet de loi sur l'apprentissage que vous élaborez, de prévoir, dans cette filière, une année préparatoire pour la maîtrise de la langue française. La langue française est la base même d'une bonne formation.

Par ailleurs, nous demandons un soutien particulier aux CFA pour les aider à assurer ces formations. Il faut leur donner les moyens financiers et humains nécessaires pour assurer cette année supplémentaire.

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