Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 01/02/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le sort d'un jeune interprète afghan réfugié en France et menacé d'expulsion.
Entre août 2011 et septembre 2012, cet homme a travaillé pour l'armée française comme interprète anglophone. Menacé par les talibans, il quitte l'Afghanistan en novembre 2015, souhaitant rejoindre la France, mais, l'état d'urgence ayant conduit à la fermeture des frontières, c'est finalement aux Pays-Bas que ses empreintes sont relevées et qu'il dépose donc sa demande d'asile, en application du règlement de Dublin. Cette demande est refusée et l'interprète, qui a rejoint la France en mai 2017, se trouve actuellement dans un foyer pour migrants de Charleville-Mézières. Sous le coup d'un arrêté de transfert vers les Pays-Bas, il a fait appel de cette décision préfectorale devant la cour administrative d'appel de Nancy. En effet, cela signifierait pour lui un retour en Afghanistan. Or, non seulement, comme le souligne le rapport d'Amnesty international du 5 octobre 2017 intitulé « Afghanistan : Retour forcé vers l'insécurité », le pays est en proie à de graves violences, mais son passé d'auxiliaire de l'armée française le désigne particulièrement comme une cible.
Son cas est loin d'être isolé et, en février 2017, l'actuel président de la République comparait la situation de ces anciens interprètes de l'armée française à celle des harkis avec des mots très forts, parlant de la « trahison » de la France envers ceux qui l'avaient servie et concluant : « Nous avons commis une faute comparable avec nos interprètes afghans. »
En conséquence, il lui demande ce qui peut être mis en œuvre pour réparer cette « faute ».

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/12/2018

Près de 800 personnes civiles de recrutement local (PCRL), dont une majorité d'interprètes, ont œuvré au profit des forces françaises déployées en Afghanistan entre 2011 et 2014. Le Gouvernement français a mis en place en 2012 un dispositif spécifique afin d'accueillir ces personnes en France. La sélection des dossiers éligibles reposait sur des critères prenant en compte le souhait de la personne d'être relocalisée en France, le niveau de la menace pesant sur elle, la qualité des services rendus et enfin la capacité à s'insérer en France. Sur cette base, les deux campagnes successives organisées entre 2012 et 2014 puis en 2015 ont conduit à l'accueil sur le territoire français de 176 PCRL et leur famille, soit plus de 550 personnes. Du fait de l'aggravation des conditions sécuritaires, notamment à Kaboul, l'association des anciens interprètes afghans a demandé que les personnes déboutées lors des précédentes demandes voient leur demande de visa réexaminée. Le Gouvernement a accédé à cette demande pour des motifs humanitaires, sous réserve de la prise en compte des risques d'atteinte à la sécurité nationale et à l'ordre public. En dehors de ces procédures, qui ont permis un traitement approprié de la situation des personnes concernées, certains ressortissants afghans ont fait le choix de solliciter l'asile auprès d'autres États membres de l'Union européenne. Cette démarche entraîne obligatoirement un relevé des empreintes digitales dans la base Eurodac afin de déterminer, conformément au règlement Dublin, l'État responsable de sa prise en charge. Maillon essentiel du système de l'asile en Europe, ce règlement repose sur le principe qu'un seul État membre doit être responsable d'une demande d'asile et fixe les critères permettant de déterminer cet État, le demandeur d'asile ne pouvant, à cet égard, exprimer un choix. Tous les États membres instruisent les demandes d'asile sur la base des mêmes éléments d'information sur les pays d'origine élaborés par le bureau européen d'appui en matière d'asile. Dans ces circonstances, les craintes éventuelles en raison d'une activité d'interprète auprès d'une armée étrangère sont prises en compte et évaluées au regard des textes instituant le droit d'asile, quel que soit l'État membre concerné. Pour les demandeurs qui résident encore sur place, une mission pilotée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a été envoyée mi-novembre, pour un mois, afin de réexaminer leur demande. L'accueil en France des personnes retenues dans ce cadre sera coordonné par le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés.

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