Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 01/03/2018

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la fermeture de la maternité de Creil et lui demande pour quelles raisons cette fermeture est envisagée.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la maternité de Creil et le projet de fermeture de cette maternité et de fusion de celle-ci avec la maternité de Senlis.

Je rappelle que les centres hospitaliers de Senlis et de Creil ont fusionné pour n'en former qu'un. Ces deux centres hospitaliers comportent chacun une maternité : celle de Creil, de niveau 3, réalise 1 700 accouchements par an, celle de Senlis, de niveau 2, 1 900. Le directeur du centre hospitalier a annoncé, il y a quelque temps, la fusion de ces deux maternités en un seul grand établissement.

Je n'ai jamais eu pour habitude de défendre, y compris dans mon département, toutes les maternités, quels que soient le nombre d'accouchements qu'elles réalisent et l'offre qui existe aux alentours. Pour autant, à la logique comptable du directeur de l'hôpital, j'opposerai la logique de la géographie humaine et de ses chiffres.

Le bassin creillois est un bassin de population important et difficile, avec un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale et une population plus jeune que la moyenne nationale. En outre, 40 % de la population n'a pas de moyen de transport autonome, et il n'existe bien entendu aucun moyen de transport entre l'hôpital de Creil et celui de Senlis.

Cette décision de fermeture de la maternité est grave, d'abord, du point de vue sanitaire, parce que, en raison de la population de la ville de Creil, plus le suivi est proche et durable, mieux les parturientes sont prises en charge et mieux les enfants, également, sont suivis

Par ailleurs, je m'étonne de l'absence de cohérence des politiques publiques et du cloisonnement entre les différents ministères.

Dans le bassin creillois, des sommes importantes sont investies depuis des années au titre de la politique de la ville. Or, au-delà de sa fonction sanitaire, la maternité de Creil remplit une fonction démographique : elle garantit la mixité dans le bassin creillois et la proximité. Elle est indispensable pour que l'argent investi dans le cadre de la politique de la ville ait du sens ! Comment peut-on investir en politique de la ville et, en même temps, détruire ce que la politique de la ville vise à réparer ?

Madame la ministre, j'ai demandé pour M. le président de l'agglomération creilloise et moi-même un rendez-vous auprès de vous-même et de votre cabinet. Ce matin déjà, je tiens à attirer votre attention sur ce dossier, en insistant sur l'absence de justification à la fermeture de la maternité de Creil, qui réalise bien plus que 1 200 accouchements par an, soit le seuil souvent repris pour l'équilibre des maternités, remplit une fonction locale au service de la mixité des populations et constitue un outil de politique sociale auprès des populations les plus défavorisées.

Pourquoi, dans ces conditions, fermer Creil plutôt que de rapprocher Senlis de Creil ? Je ne peux pas m'empêcher de penser que, entre Senlis et Creil, le choix annoncé n'est pas positif au regard de la spécificité du bassin creillois.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Rossignol, le groupe hospitalier public de l'Oise, établissement bisite du sud de l'Oise et établissement support du groupement hospitalier de territoire Oise Sud, dispose en effet de deux maternités : l'une sur le site de Creil, de niveau 3, l'autre sur le site de Senlis, de niveau 2A. Le niveau d'activité était en 2017 de plus de 1 400 accouchements à Creil et de plus de 1 700 à Senlis.

L'autorisation d'exercer l'activité de soins de gynécologie-obstétrique et de néonatalogie sur les sites de Creil et Senlis et de réanimation néonatale sur le site de Creil a été renouvelée le 23 août 2017, à compter du 20 avril 2018 et pour cinq ans, soit jusqu'au 19 avril 2023.

Le sud de l'Oise bénéficie de deux autres maternités : une, de niveau 2B, au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon et une autre, de niveau 1, à la polyclinique Saint-Côme, à Compiègne.

Madame la sénatrice, vous me parlez de fermeture, mais il s'agit en fait d'une unification des deux sites de maternité. Le projet d'unification de la maternité, actuellement proposée sur les deux sites de Creil et Senlis, est porté par la communauté médicale de l'établissement, qui soutient sans réserve l'unification.

Le projet consisterait à opérer un regroupement en un lieu unique de la maternité, de la néonatalogie et des blocs obstétricaux sur le site de Senlis, afin de rationaliser la permanence des soins, de répondre aux problèmes de démographie médicale et de renforcer l'attractivité du service.

En revanche, le suivi obstétrical des femmes, qu'il soit prénatal ou postnatal, resterait organisé sur les deux sites, ce qui répondrait à la question de la proximité, que vous avez soulevée.

Le développement de nouvelles techniques innovantes pour la prise en charge de la douleur serait également possible sur le site de Senlis ; je pense à l'hypnose ou à l'accouchement en baignoire.

Ce projet s'inscrit dans l'actualisation du projet médical de l'établissement, qui vient d'être adressé à l'Agence régionale de santé Hauts-de-France, laquelle doit procéder prochainement à son instruction. J'ajoute que d'autres activités médicales pourraient, à l'inverse, être transférées à Creil. Il s'agit donc bien de la rationalisation de l'offre de soins sur les deux sites.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je commencerai par une précision factuelle. Non, le sud de l'Oise ne bénéficie pas de trois maternités : le site de Compiègne-Noyon, que vous avez cité, se trouvant dans le nord du département, il y a, dans le sud de l'Oise, Creil et Senlis, pour le moment.

Ensuite, vous évoquez une unification et non une fermeture. Le vocable semble moins douloureux, mais, en réalité, il s'agit bien d'un transfert de la maternité de Creil et de son activité à Senlis et de la fermeture de la maternité de Creil. On ne pourra plus accoucher à Creil : appelons cela comme l'on veut, moi j'appelle ça une fermeture – même si les femmes ne se retrouveront pas pour autant sans aucune solution.

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à ma question sur la cohérence avec la politique de la ville dans un bassin en grande difficulté. Je répète que 40 % de la population n'a pas de moyen de transport pour se rendre de Creil à Senlis, ce qui est une donnée importante. La population de Creil est une population qu'il faut accompagner, parce que, comme je l'ai expliqué, elle est plus pauvre et plus jeune que la moyenne nationale.

S'agissant enfin de l'éventuel accord de la communauté médicale, croyez-moi : en rencontrant les sages-femmes et les personnels hospitaliers de la maternité de Creil, je n'ai pas recueilli l'adhésion que vous avez évoquée et qu'évoquent les autorités administratives qui suivent ce dossier.

Madame la ministre, la décision que vous vous apprêtez à prendre n'est bonne ni sur le plan sanitaire, ni sur celui de l'accompagnement, ni sur celui de l'aménagement du territoire. Ce n'est pas une bonne décision pour les femmes et les enfants !

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