Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 11/04/2018

Question posée en séance publique le 10/04/2018

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, en Arabie Saoudite, Raif Badawi, un intellectuel de trente-quatre ans, blogueur et libre-penseur, est en prison depuis 2012.

Il a été condamné à dix ans de prison et à mille coups de fouet en place publique, pour ajouter à la souffrance physique de la torture, celle de l'humiliation. Il a été reconnu coupable d'avoir troublé par ses écrits « l'ordre public, les valeurs religieuses et la morale ».


M. François Grosdidier. Cela ne choquait pas François Hollande à l'époque !


Mme Laurence Rossignol. Il a défendu, en effet, les droits des femmes saoudiennes, la liberté de conscience et la liberté d'expression. Raif Badawi est même accusé d'avoir déclaré que les musulmans, les chrétiens, les juifs et les athées sont tous égaux. Bien entendu, il ne l'a jamais dit, sinon cela ferait de lui un apostat.

Il a défendu un droit universel que revendiquent tous les défenseurs et militants des droits humains partout dans le monde : la liberté d'expression. Raif Badawi est devenu un symbole, celui de la liberté d'opinion dans des pays où règne l'arbitraire.

Le prince Mohammed ben Salmane achève aujourd'hui sa visite officielle à Paris. J'ai cru comprendre que le Président de la République se rendrait prochainement en visite à Riyad.

Monsieur le Premier ministre, au nom de Ensaf, sa femme, et de ses enfants qui vivent désormais au Canada, et au nom de tous ceux qui pensent que la France n'a pas que des contrats à vendre, mais qu'elle a aussi une autorité particulière à faire valoir en matière de droits humains, pourriez-vous nous dire si vous avez indiqué au prince Mohammed ben Salmane que la France et l'ONU considéraient que la détention de Raif Badawi était une atteinte aux droits fondamentaux et que sa libération contribuerait grandement à crédibiliser les faibles signaux que l'Arabie Saoudite nous envoie pour nous convaincre de ces évolutions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 11/04/2018

Réponse apportée en séance publique le 10/04/2018

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Rossignol, comme vous l'avez rappelé, Raif Badawi a été accusé d'apostasie et d'insulte à l'islam et a été condamné en appel à mille coups de fouet et à dix ans de prison en 2014.

M. Simon Sutour. On le sait déjà !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Il est détenu dans l'attente du réexamen de son dossier par la Cour suprême saoudienne. Son avocat a également été condamné à une lourde peine.

La situation de Raif Badawi a suscité une mobilisation internationale forte et légitime, animée en particulier par son épouse. Le Parlement européen lui a décerné le prix Sakharov en 2015. (Marques d'impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Martial Bourquin. Il faut répondre à la question !

M. le président. Poursuivez, madame la ministre !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. La France suit attentivement sa situation : nous sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des autorités saoudiennes, y compris directement auprès du roi Salmane, pour que Raif Badawi bénéficie de mesures de clémence.

Au-delà de son cas personnel, la situation de Raif Badawi est emblématique des obstacles que rencontrent au Moyen-Orient, et notamment en Arabie Saoudite, les défenseurs des libertés d'expression, de conviction et de croyance. Nous parlons de libertés qui sont fondamentales. Nous parlons de valeurs universelles. Cela est d'autant plus nécessaire au moment où l'Arabie Saoudite est engagée, sous l'impulsion du prince Mohammed ben Salmane, dans un ambitieux programme de réformes qui ne porte pas que sur l'économie, mais qui dit viser aussi à moderniser la société et à promouvoir un islam de tolérance et d'ouverture.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est bien parti !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Ces questions et le cas de M. Badawi sont des sujets que notre relation avec l'Arabie Saoudite nous permet d'évoquer sans détour, et c'est ce que nous faisons !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très précise. Il manque juste l'un des aspects de ma question : à l'occasion de la visite en France du prince Mohammed ben Salmane, hier et avant-hier, le Président de la République et le Premier ministre ont-ils directement évoqué la libération de Raif Badawi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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