Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 11/04/2018

Question posée en séance publique le 10/04/2018

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Selon vos propos, monsieur le ministre d'État, le discours du Président de la République devant la Conférence des évêques de France ne rompt en rien avec la laïcité. (Mme Esther Benbassa s'exclame.)

Telle n'est pas notre lecture ! Telle n'est pas la lecture de nombre de nos concitoyens, qu'ils croient au ciel ou qu'ils n'y croient pas !

Les propos présidentiels sur la nécessité de « réparer » le lien « abîmé » entre l'Église catholique et l'État constituent incontestablement une remise en cause de la loi de 1905, et il en aurait été de même pour toute autre religion. (Mme Christine Prunaud et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)

C'est une remise en cause particulièrement dangereuse dans un contexte où l'intégrisme religieux mine au quotidien le vivre ensemble dans trop de nos quartiers, où le communautarisme et la loi religieuse priment sur la loi républicaine, avec les conséquences désastreuses que chacun peut mesurer au jour le jour.

Qu'il y ait chez l'homme une quête d'absolu, une recherche de sens n'est pas sujet à caution, mais ce n'est pas l'apanage des religions et bien des athées ont, heureusement, une vie spirituelle.

Que, selon ses propos, « pour des raisons à la fois biographiques, personnelles et intellectuelles », M. Macron se fasse « une plus haute idée des catholiques » est son droit le plus absolu. Mais M. Macron est Président de la République française et sa fonction l'oblige, plus que tout autre, à ne pas amalgamer ce qui doit relever de la sphère privée et ce qui relève de la sphère publique.

La question est donc simple, monsieur le ministre d'État : à quelle fin le Président de la République a-t-il délibérément franchi la ligne rouge ? (Mmes Sylvie Goy-Chavent et Michèle Vullien s'exclament.)

Entend-il remettre en cause cette pierre angulaire de notre République qu'est la séparation des Églises et de l'État, ce qui constituerait un séisme lourd de conséquences, ou bien, plus prosaïquement, était-il dans des propos de diversion pour détourner l'attention médiatique des multiples crispations qui traversent actuellement notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 11/04/2018

Réponse apportée en séance publique le 10/04/2018

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vous conseille de lire le texte intégral du discours du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union centriste.)

M. David Assouline. Je l'ai lu !

M. Vincent Éblé. Nous n'avons pas besoin de vos conseils !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Vous verrez qu'il est d'une haute portée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Rachel Mazuir. C'est de la pensée complexe !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le Président de la République s'est adressé hier aux chrétiens de France, comme il s'est adressé, au cours des mois précédents, aux représentants du judaïsme, du protestantisme, des musulmans de France.

M. Simon Sutour. C'est du communautarisme !

M. Pierre-Yves Collombat. Et les athées ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Il pense que sa tâche est effectivement de pouvoir réunir…

M. Simon Sutour. Ce n'est pas réussi !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. … et que le Président de la République doit réunir tous les Français.

Mme Esther Benbassa. Et la loi de 1905 ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. C'est cela la laïcité ; c'est cela la loi de 1905 ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi de 1905 avait initialement été portée comme une loi de combat contre les religions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Mais son rapporteur devant l'Assemblée nationale, Aristide Briand, l'a bien écrit dans son rapport : cette loi est une loi de liberté (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de pratiquer la religion de son choix.

M. David Assouline. Nous ne parlons pas de ça !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Mais il y a une condition, c'est que la pratique de cette religion ne porte pas atteinte à l'ordre public. Il n'y a rien à ajouter ni rien à retirer à cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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