Question de Mme JASMIN Victoire (Guadeloupe - SOCR) publiée le 12/04/2018

Mme Victoire Jasmin attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur les difficultés que rencontrent nombre d'élus locaux d'outre-mer pour faire face à la recrudescence d'échouages massifs d'algues brunes (sargassum) sur l'ensemble de notre littoral, depuis février 2018.

Le phénomène, observé depuis 2011, n'est pas nouveau et se traduit lors de la décomposition de ces algues par des émanations nauséabondes et toxiques, pouvant entraîner, chez les personnes particulièrement sensibles, des irritations des yeux et des voies respiratoires.

Outre son impact sur la santé des populations, cette invasion s'accompagne de conséquences environnementales, économiques et touristiques, pour lesquelles les communes et les collectivités locales ne disposent ni des moyens juridiques, techniques et financiers pour protéger efficacement leurs plages et leurs côtes.

Les demandes sont protéiformes, en termes financiers pour l'acquisition de matériels ou la mobilisation de moyens humains bien sûr, mais également en termes procéduraux, puisque d'aucuns réclament une clarification des compétences de chaque collectivité pouvant œuvrer en la matière.

Ainsi, il est donc urgent de trouver des réponses pérennes et opérationnelles afin d'accompagner au mieux les élus de terrain, d'autant qu'il s'agit parallèlement d'un préjudice causé par un phénomène naturel.

Dans ces conditions, il semblerait cohérent et pragmatique que les dommages causés par les sargasses relèvent, pour les communes les plus touchées, du régime des catastrophes naturelles.

Aussi la prie-t-elle de lui indiquer si une telle mesure est envisageable et envisagée par le Gouvernement.

Par ailleurs, en raison de la récurrence de ce phénomène, elle souhaite savoir si le Gouvernement prévoit de développer la recherche fondamentale notamment par le biais d'appels à projets, ce qui permettrait ainsi la structuration rapide d'une filière innovante pour la valorisation et le retraitement de ces algues brunes directement sur nos territoires.

Elle la remercie de ses réponses.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, j'ai souhaité vous alerter, voilà déjà quelques mois, sur les difficultés rencontrées par les élus locaux des Antilles et de la Guyane pour faire face au phénomène récurrent que constitue l'invasion répétée et massive des algues sargasses sur une partie de notre littoral depuis le mois de février dernier.

Pour autant, force est de constater que, en dépit de la venue, certes tardive, de M. le ministre d'État Nicolas Hulot, en votre compagnie, en Guadeloupe et Martinique les 10 et 11 juin dernier, la situation reste préoccupante.

Les inquiétudes légitimes de la population, des élus et des acteurs socioéconomiques face aux problèmes sanitaires sont grandissantes. Ces inquiétudes demeurent malgré les annonces faites et les mesures prises pour faire face à ce phénomène naturel, notamment en termes d'assurances. L'incidence sur la santé des riverains et sur l'environnement, ainsi que sur l'activité économique et touristique, reste problématique, au vu de l'ampleur du désastre dans certaines zones. Des collectifs se sont également organisés.

Madame la ministre, quelles mesures pérennes et opérationnelles le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accompagner la recherche et l'innovation en vue de récupérer et de valoriser ces algues brunes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Comme vous le savez, madame Jasmin, l'État est fortement mobilisé sur la question des sargasses. Dès le mois d'avril dernier, j'ai organisé une réunion avec l'ensemble des parlementaires des territoires touchés, pour annoncer un fonds d'urgence de 3 millions d'euros.

Un plan national « sargasses » a été mis en place, ainsi que des plans locaux, pour améliorer la coordination et la réactivité. Notre objectif est de ramasser les algues en quarante-huit heures, pour éviter d'ajouter à une crise écologique et économique une crise sanitaire.

Malheureusement, les échouages continuent depuis plusieurs mois et même s'intensifient. La situation dans les Caraïbes est aujourd'hui inédite.

Mon collègue Nicolas Hulot, ministre de la transition énergétique et solidaire, et moi-même nous sommes rendus sur place en juin dernier pour annoncer des mesures complémentaires, d'ampleur plus importante que les premières mesures annoncées. Une nouvelle enveloppe de 3 millions d'euros a ainsi été débloquée pour faire face à l'urgence du ramassage, ainsi qu'une enveloppe de 5 millions d'euros d'investissements pour équiper les collectivités territoriales en matériel de ramassage.

À cela s'ajoute un réseau de suivi par satellite, le renforcement du suivi sanitaire, avec l'installation de nouveaux capteurs, la mobilisation d'un certain nombre de ressources humaines et une nouvelle ambition dans la coopération régionale. À cet égard, une mission vient d'être confiée par le Premier ministre à votre collègue Dominique Théophile pour analyser les stratégies de prévention et de lutte contre les sargasses suivies dans les États voisins.

Vous le voyez, madame la sénatrice, l'engagement de l'État est réel, dans tous les domaines, au côté des collectivités territoriales. En effet, personne ne pourra répondre seul à ce qui touche aujourd'hui les Caraïbes ! Vous m'avez interrogée plus particulièrement sur deux points.

S'agissant tout d'abord des conséquences économiques des échouages et des assurances, j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que, si les échouages massifs sont une catastrophe et que la cause en semble bien naturelle, l'outil CAT-NAT n'est pas adapté. C'est pourquoi nous avons préféré travailler sur l'urgence du ramassage.

L'outil CAT-NAT n'est pas adapté, parce qu'il ne couvre pas les pertes d'exploitation pour les professionnels. Pour y faire face, nous avons mobilisé l'ensemble des outils d'accompagnement des entreprises, notamment en cas de catastrophe naturelle : moratoire sur les charges fiscales et sociales, suspension des procédures de recouvrement, délais de paiement pour le régime social des indépendants, dispositif de chômage partiel. Toutes ces mesures sont mises en œuvre par les préfets.

Pour ce qui est ensuite de la recherche, l'État, qui organise la recherche publique, est pleinement investi sur ces questions. Il est important de connaître le phénomène et ses origines, mais, soyons clairs, cela ne le ralentira pas.

C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la recherche en matière de techniques innovantes de ramassage et de valorisation. Un appel à projets de l'ADEME va être lancé en ce sens dans les prochains jours, pour un million d'euros. Des filières bioplastiques ou de compostage semblent pouvoir offrir des solutions de valorisation.

Ainsi, madame la sénatrice, nous essayons de faire face sur tous les plans au problème des sargasses qui touche aujourd'hui la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et, quelquefois, la Guyane.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je reconnais que des moyens importants sont mobilisés et de nombreux efforts entrepris.

Il s'agit maintenant de mieux connaître ces algues et leur composition : on pourra ainsi déterminer si elles contiennent des substances susceptibles d'être toxiques et trouver les moyens de mieux les valoriser, pour la fabrication de plastiques, mais aussi peut-être d'engrais.

Malgré les moyens mis en œuvre, la situation reste catastrophique au niveau sanitaire. Les recherches doivent donc absolument être poursuivies.

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