Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - CRCE-R) publiée le 26/04/2018

M. Pierre-Yves Collombat interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les effets pervers de la tendance à déléguer l'instruction des visas français, prérogative par essence régalienne, à des entreprises privées trop souvent dépourvues des qualités en principe requises. Ainsi, ayant été saisi des difficultés rencontrées par la mère d'un enfant, français par son père, résidant avec l'enfant au Maroc à obtenir des explications sur le refus de visa d'accès au territoire français qu'elle s'est vu opposer pour des motifs inexacts, il s'est heurté aux mêmes portes closes : impossible de joindre la société délégataire et, plus étonnant encore, aucune réponse à la demande d'explications adressée au consul général de France au Maroc.

Il souhaiterait donc savoir s'il trouve normal ce mode de gestion de la représentation française à Casablanca et la désinvolture de celui qui la dirige envers les élus de la République.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d'État, à l'origine de ma question, il y a les fins de non-recevoir récurrentes du consulat de France à Casablanca aux demandes de visa de Mme Gracia Fuamba, demeurant régulièrement au Maroc, visas qui lui sont nécessaires pour rejoindre en France son compagnon, français et père de l'enfant qui vit actuellement avec elle.

Constatant que ces demandes ont été instruites par une société privée pour le compte du consulat général, qu'il n'a été opposé auxdites demandes aucune raison sérieuse, constatant l'impossibilité de joindre cette entreprise et l'impossibilité d'obtenir des réponses autres que routinières de notre consul général à Casablanca, je me suis résolu à vous poser en direct les deux questions suivantes : qu'est-ce qui s'oppose à la venue de Mme Fuamba en France avec son enfant ? Est-il d'usage, au Quai d'Orsay, qu'un haut fonctionnaire se moque aussi ouvertement d'un élu de la République ?

M. Loïc Hervé. Cela arrive souvent…

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur Pierre-Yves Collombat, vous évoquez un nom, une personne, un dossier, une situation. Je découvre d'ailleurs ce nom aujourd'hui, puisque vous aviez à l'origine rédigé votre question de façon plus générale. Quoi qu'il en soit, j'aurai à cœur d'examiner avec attention cette situation particulière.

Votre question me donne l'occasion de faire un point d'ensemble sur le processus de traitement des demandes de visas, qui est le véritable enjeu ici. Rappelons-le, il n'existe pas de délégation de la prérogative régalienne à des opérateurs privés.

Certes, des prestataires extérieurs sont chargés de prendre des rendez-vous et de collecter un certain nombre de pièces pour instruire les demandes. Mais ce sont bien des agents du Quai d'Orsay qui se concentrent sur le travail aboutissant, au final, à dire oui ou non à une demande de visa, en fonction de nos règles législatives et réglementaires. Encore une fois, seul un agent de l'État peut statuer sur un tel dossier.

Les externalisations sont strictement encadrées par un code communautaire des visas, qui est commun à de nombreux partenaires Schengen. À vrai dire, le dispositif issu de cette répartition des tâches, avec le mot final qui revient à l'administration dans l'exercice de cette mission régalienne, a permis d'absorber la hausse constante de demandes.

Rendez-vous compte, monsieur le sénateur, ces demandes ont doublé en dix ans ! Il était donc important de concentrer les effectifs du ministère sur le cœur de métier.

Je vous donnerai quelques chiffres. Il y a dix ans, 2 millions de demandes de visa étaient gérées par 800 équivalents temps plein. Aujourd'hui, nous en gérons 4 millions avec 951 équivalents temps plein. Vous le voyez, ce dispositif a permis d'absorber un nombre particulièrement important de demandes.

Pour prendre l'exemple du consulat de Casablanca, sachez qu'il délivre à lui seul plus de 100 000 visas par an. C'est dire s'il s'agit là d'organisations particulièrement importantes. Quoi qu'il en soit, je me pencherai attentivement sur la situation particulière que vous avez évoquée, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d'État, je n'aurais pas posé la question de cette façon si je n'avais pas fait l'objet d'une demande des services, pour que je fasse savoir de qui il s'agissait. J'avais donc l'espoir que vous étiez au courant et que l'on allait me répondre sur le problème précis de cette personne… Me voilà déçu !

Je veux simplement attirer votre attention sur un point : les motifs de refus qui m'ont été opposés sont parfaitement faux, voire ridicules, comme celui selon lequel l'enfant de deux ans n'aurait pas manifesté clairement son souhait de venir en France avec sa mère. C'est parfaitement stupide !

Il s'agit, et je l'ai dit au consul général, d'une famille parfaitement intégrée : la mère de cette personne est mariée avec un Français ; la fille de celle-ci est française, et le couple a un fils qui est brigadier-chef de gendarmerie. Parmi les exemples d'intégration, c'en est un bon !

S'agissant maintenant du fond de l'affaire, une certaine sous-traitance des demandes peut se comprendre, mais c'est là tout de même, me semble-t-il, une prérogative régalienne de l'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. C'est l'agent de l'État qui statue !

M. Pierre-Yves Collombat. Le minimum voudrait qu'un examen soit porté après coup sur le travail effectué.

Or, si j'en juge par les réponses qui m'ont été faites, aucun contrôle n'est effectué. Je m'attendais à ce que l'on me donne des raisons ; ce ne fut pas le cas. Quant à la façon fort cavalière de me répondre – « Circulez, il n'y a strictement rien à voir » –,…

M. Loïc Hervé. Ça…

M. Pierre-Yves Collombat. … il paraît que c'est une habitude au sein des services du Quai d'Orsay. Souffrez que je ne m'y fasse pas !

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