Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 03/05/2018

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le fait qu'en réponse à la question écrite n° 2926 (JO Sénat du 26 avril 2018), il a précisé que le régime juridique des dons entre partis politiques est le même qu'entre un parti politique et une association.

La réponse indique ainsi que sous réserve du visa des commissaires aux comptes « un parti politique peut décider d'attribuer une aide financière à un autre organisme quel que soit son statut juridique, y compris au bénéfice d'une association ». Il lui demande de lui confirmer qu'en conséquence, pour la délimitation du périmètre comptable d'un parti politique, le régime est identique, que ce soit lorsque le parti politique attribue une aide financière à un autre parti politique ou lorsqu'il attribue une aide financière à une association ayant un but politique mais ne relevant pas de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

Dans divers autres domaines, les récentes modifications législatives intervenues en 2017 au sujet des partis politiques nécessitent une clarification des modalités pratiques d'application. Or il est difficile d'obtenir des réponses précises de la part de l'administration ou de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Les questions posées se heurtent toujours à des réponses évasives ou à l'indication qu'il faut attendre que l'ordre des commissaires aux comptes publie un guide de comptabilité. Toutefois ce guide n'est pas prévu avant fin 2018 ou même début 2019 et rien ne dit qu'il éclaircira tous les points obscurs de la loi. En attendant, la loi s'applique à compter du 1er janvier 2018 et le vide juridique est donc inacceptable.

Il lui demande si l'administration ou la CNCCFP ne devraient pas fournir des réponses précises aux questions des partis politiques.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/05/2018

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2018

M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, les différentes modifications législatives intervenues l'an dernier en matière de gestion et de contrôle des partis politiques sont très importantes.

Certains aspects de la législation ont connu des transformations absolument radicales. Évidemment, cette situation pose un certain nombre de questions. Il est donc nécessaire d'apporter une clarification sur les modalités pratiques d'application de cette loi.

La situation est actuellement très obscure. Malheureusement, il est difficile d'obtenir des réponses précises, aussi bien de la part de l'administration que de la part de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP. Les questions écrites adressées au ministre de l'intérieur se heurtent quant à elles à une absence de réponse. Or, quand on n'en reçoit pas, on n'a malheureusement d'autre choix que d'attendre : cela peut durer un an, deux ans, voire beaucoup plus longtemps !

Nous nous heurtons véritablement à des réponses évasives, dilatoires, et qui, bien souvent, ne font qu'indiquer qu'il faut attendre que l'ordre des commissaires aux comptes ait publié un guide de comptabilité. Or la parution de ce guide n'est pas prévue avant la fin de l'année 2018, voire le début de l'année 2019. Pire, rien ne dit que ce guide éclaircira tous les points obscurs de la loi.

En attendant, la loi s'applique à compter du 1er janvier 2018, ce qui crée à l'évidence un vide juridique tout à fait inacceptable.

Madame le ministre, ne pensez-vous pas que l'administration, la CNCCFP, voire le ministre de l'intérieur quand on l'interroge, devraient fournir des réponses précises aux questions qui leur sont posées au sujet des modalités d'application d'une loi adoptée il y a un an ? En l'état actuel des choses, il n'est pas possible d'attendre le début de 2019 pour savoir comment les partis politiques doivent être gérés en 2018 !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Masson, comme chaque année, la CNCCFP a rappelé, par une lettre en date du 13 avril 2018 envoyée à l'ensemble des formations politiques concernées, la définition du périmètre des comptes d'ensemble des partis au regard de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

Il y est indiqué que « les comptes remis au(x) commissaire(s) aux comptes sont des “ comptes d'ensemble ” constitués », entre autres, « des comptes des entités dans lesquelles le parti exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ». La CNCCFP précise que, pour déterminer l'existence d'un pouvoir prépondérant, elle a recours à la technique du faisceau d'indices développée par le juge financier et le juge administratif à l'encontre des associations dites « transparentes » ou para-administratives.

Ainsi, la CNCCFP examine si le parti politique est à l'initiative de la création de l'entité, en contrôle l'organisation et le fonctionnement, et lui procure l'essentiel de ses ressources. Dans l'affirmative, elle estime, sous le contrôle du juge, que les comptes de l'entité doivent être consolidés dans les comptes d'ensemble du parti.

Dans ce contexte, et pour déterminer l'existence d'un pouvoir prépondérant, l'aide financière attribuée par un parti politique à un tiers ayant ou non un objet politique, relevant ou non de la loi du 11 mars 1988, sera analysée pour les comptes de l'exercice 2017 au regard de ces différents critères, et non au seul regard de la dépendance financière de l'un envers l'autre.

Enfin, en application du décret du 28 décembre 2017 pris pour l'application de la loi pour la confiance dans la vie politique, le périmètre des comptes d'ensemble des partis pour les exercices ouverts après le 31 décembre 2017 devra inclure les comptes des organisations territoriales affiliées au parti, avec son accord ou à sa demande, ou qui ont participé localement, au cours de l'année considérée, à son activité ou au financement d'une campagne.

À cet égard, conformément aux nouvelles dispositions introduites par la loi précitée, l'Autorité des normes comptables doit établir un projet de règlement dont la version définitive devra être homologuée in fine par le ministre de l'économie et des finances avant la fin de l'année 2018.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, je suis tout de même un peu surpris de votre réponse !

Alors que la loi a subi tout un tas de modifications, on nous laisse aujourd'hui dans l'incertitude la plus absolue quant à la façon dont les partis politiques doivent être gérés en 2018 !

Vous me répondez qu'à la fin de l'année ou, éventuellement, au début de l'année suivante, on nous expliquera comment il fallait gérer les partis politiques en 2018. Ce n'est pas sérieux, madame le ministre !

Vous venez vous-même de dire qu'il y a deux mois la CNCCFP a publié un récapitulatif – je l'ai lu, d'ailleurs – relatif aux comptes des partis de 2017.

Mais où sommes-nous, madame le ministre ? On publie au début de l'année 2018 un récapitulatif expliquant comment les partis politiques devaient être gérés en 2017 ! Et là, on va publier, à la fin de l'année 2018 ou au début de l'année 2019, une note sur la manière dont les partis doivent être gérés en 2018. C'est invraisemblable ! Ce n'est vraiment pas sérieux !

La moindre des choses, c'est d'être capable de répondre aux questions concernant les nouvelles modalités qui s'appliquent à la gestion des partis politiques en 2018. Il faut que ce vide permanent cesse !

Tout cela est incroyable ! C'est un peu comme si l'on adoptait un texte pénal – puisque vous êtes garde des sceaux – tout en annonçant à nos concitoyens qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, et qu'on leur indiquera dans un an si ce qu'ils ont fait était légal ! C'est vraiment de la rigolade !

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