Question de Mme GUIDEZ Jocelyne (Essonne - UC) publiée le 31/05/2018

Mme Jocelyne Guidez attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des enfants dyslexiques. À l'occasion d'une rencontre avec l'association d'adultes et de parents d'enfants dyslexiques de l'Essonne (APEDYS 91), elle a entendu des récits qui semblaient en totale contradiction avec le discours officiel prononcé lors de la rentrée de septembre 2017. En effet, alors qu'était évoqué « le développement de l'information aux familles afin de simplifier leurs démarches », ces mêmes familles parlaient plutôt d'un parcours du combattant et de méandres administratifs. Alors que « le renforcement de l'accompagnement humain » était annoncé comme une priorité, ces dernières faisaient état d'un handicap « invisible », d'un manque de communication et parfois même de considération. Enfin, alors que « le numérique au service d'une école inclusive » était vanté, ces parents dénonçaient une « discrimination » en constatant que leurs enfants se voyaient refuser pour des examens les aménagements qu'ils utilisaient pourtant en classe habituellement (ordinateur, présence d'auxiliaires de vie scolaire - AVS, temps supplémentaire, etc.). La scolarisation de ces jeunes à besoins particuliers peut, certes, susciter des difficultés pour l'administration. Cependant, afin de les accompagner positivement dans leur parcours scolaire, il apparaît légitime que des aménagements simples et pragmatiques soient mis en place pour simplifier la vie des familles et soutenir les enfants dans l'apprentissage des savoirs. Tel est l'idéal d'égalité que l'école de la République ne saurait négliger. En conclusion, et sans remettre en cause sa sincérité et son engagement plein et entier, un décalage entre les souhaits et la réalité du quotidien est à déplorer. La société inclusive qu'appelle de ses vœux le président de la République ne peut s'affranchir d'une école qui soit elle aussi inclusive. C'est pourquoi elle demande au Gouvernement des éclaircissements à ce sujet.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur un sujet préoccupant : la situation scolaire des enfants dyslexiques.

Aujourd'hui, les différents troubles « dys » concerneraient environ 10 % de la population française. Dans ce contexte, je dois dire que les témoignages entendus à l'occasion de ma rencontre avec l'Association d'adultes et de parents d'enfants dyslexiques de l'Essonne semblaient en totale contradiction avec le discours officiel prononcé lors de la rentrée de septembre dernier.

En effet, alors qu'avait été annoncé « le développement de l'information aux familles afin de simplifier leurs démarches », ces mêmes familles parlaient plutôt d'un parcours du combattant et de méandres administratifs. Alors que « le renforcement de l'accompagnement humain » avait été présenté comme une priorité, les familles faisaient état d'un handicap invisible et d'un manque de communication, parfois même de considération. D'ailleurs, la formation des enseignants sur les troubles spécifiques du langage et des apprentissages est primordiale.

Enfin, alors que « le numérique au service d'une école inclusive » avait été vanté, ces parents dénonçaient une discrimination en constatant que leurs enfants se voyaient refuser pour des examens les aménagements auxquels ils étaient pourtant habitués en classe, comme des ordinateurs, la présence d'auxiliaires de vie scolaire ou du temps supplémentaire.

Certes, la scolarisation de ces jeunes aux besoins particuliers peut entraîner des difficultés pour l'administration ; je puis le concevoir. Toutefois, afin de les accompagner positivement dans leur parcours, il paraît légitime que des aménagements simples et pragmatiques soient mis en place pour simplifier la vie de ces nombreuses familles et soutenir ces enfants dans l'apprentissage des savoirs.

Monsieur le ministre, cette situation m'en rappelle malheureusement une autre : celle, elle aussi souvent oubliée, des jeunes aidants. S'occupant chaque jour d'un parent malade ou handicapé, ils sont épuisés : ils ont donc besoin d'une meilleure adaptation et mériteraient de bénéficier également d'un accompagnement personnalisé. Cela devient urgent !

En conclusion, et sans remettre en cause la sincérité de vos propos ni votre engagement plein et entier, un décalage entre les souhaits et la réalité du quotidien est à déplorer. Or l'école de la République ne saurait négliger l'idéal d'égalité auquel nous croyons tous !

Pour reprendre les mots de Jacques Chirac, « la démocratie, c'est l'égalité des droits, mais la République, c'est l'égalité des chances ». Ainsi, la société inclusive qu'appelle de ses vœux le Président de la République ne peut s'affranchir d'une école qui soit elle aussi inclusive.

C'est pourquoi je souhaite connaître, monsieur le ministre, vos engagements en faveur de ces enfants qui, comme tous les enfants, ont le droit de réussir.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Madame Guidez, la question que vous soulevez est très importante et s'inscrit, en effet, dans l'enjeu de ce que nous appelons l'école inclusive. Il n'y a évidemment aucune différence entre vous et moi sur la priorité que constitue la réalisation de cette école inclusive.

Depuis les propos tenus par Jacques Chirac voilà une vingtaine d'années, les choses ont beaucoup évolué, et dans un sens plutôt positif. Il faut considérer la distance parcourue sur ce long chemin, qui suppose de nombreuses évolutions, à commencer par une amélioration de notre capacité à repérer les troubles « dys », ces problèmes divers et qui se complexifient à mesure que la recherche progresse. Un tel enjeu du repérage est à rattacher à ce que je disais précédemment de la médecine scolaire.

La formation des professeurs est le deuxième enjeu : un enjeu clé, car, si nous voulons une école inclusive, nous avons besoin de professeurs qui connaissent et comprennent ces questions, ce qui est plus le cas aujourd'hui qu'hier mais doit l'être encore bien davantage demain. La prochaine réforme de la formation des professeurs prendra pleinement en compte cette dimension.

Un troisième enjeu est la formation des personnels dédiés, qui sont de plus en plus nombreux. C'est pourquoi je suis moins d'accord avec vous au sujet du décalage à la rentrée dernière : nous avons créé 8 000 postes supplémentaires pour l'accueil des élèves en situation de handicap, ce qui a directement retenti sur les élèves atteints de troubles « dys ».

Certes, l'institution n'est peut-être pas encore parfaitement à la hauteur, quantitativement et qualitativement, mais elle est en progrès sur cette question, et nous avons pu suivre davantage d'élèves « dys » cette année que la précédente. À ces élèves, les plans d'accompagnement personnalisé, ou PAP, inscrits à l'article D. 311-13 du code de l'éducation permettent de bénéficier d'aménagements et d'adaptations pédagogiques.

En matière d'aménagements d'examen, nous recommandons vivement aux médecins scolaires d'accorder aux élèves les aménagements qu'ils sollicitent, dès lors que ceux-ci ont pu en bénéficier tout au long de leur parcours scolaire. C'est ce que l'institution scolaire s'engage à faire aujourd'hui et ce que nous avons pratiqué dans la période d'examen qui vient de s'achever.

Dans l'intérêt même de l'élève, et afin de ne pas l'exposer à des conditions d'examen qui ne lui seraient pas familières, les aides et aménagements qui lui sont accordés doivent être en cohérence avec ceux qui lui ont été accordés tout au long de sa scolarité.

Madame la sénatrice, c'est une politique d'ensemble que nous menons, Sophie Cluzel et moi-même, en faveur des élèves en situation de handicap, et elle prend pleinement en compte les élèves « dys ». Cette dimension est pleinement prise en compte dans notre politique pédagogique, de manière à prévenir certains troubles et à adopter, plutôt qu'une approche fondée sur la médicalisation, une approche pédagogique des problèmes « dys » – l'approche médicale étant mise en œuvre chaque fois que nécessaire, grâce aux liens entre l'éducation nationale et la santé.

Je suis totalement convaincu que nous sommes en progrès sur l'ensemble de ces questions et que la prochaine rentrée le montrera encore !

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour répondre à M. le ministre.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute. J'espère que le chemin dont vous avez parlé, qui, jusqu'à présent, était semé d'embûches, débouchera sur une plus grande égalité des chances. Ces enfants en ont besoin.

Nous avons encore besoin de progresser, car les parents qui viennent nous voir rencontrent de sérieux problèmes. Ce n'est peut-être pas la réalité, mais ils ont l'impression de ne pas être suffisamment écoutés. La prochaine rentrée, dites-vous, sera certainement meilleure : nous l'attendons avec impatience.

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