Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 31/05/2018

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur un financement cohérent et incitatif du fonds stratégique forêt-bois au service des objectifs de neutralité carbone de la France.

La filière forêt-bois permet de capter du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, et de l'incorporer dans les matériaux et les sols.

Selon l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), « les arbres ont le plus grand potentiel pour réduire les émissions de CO2 », à condition que les forêts soient jeunes, adaptées au changement climatique et gérées durablement.

Il serait donc pertinent d'accompagner la dynamique et le renouvellement de la forêt française, comme le préconise le programme national de la forêt et du bois (PNFB), pour absorber plus de CO2, en mobilisant la contribution « climat-énergie », financée par les émetteurs de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

Ainsi, une partie de cette contribution pourrait venir alimenter le fonds stratégique forêt-bois, et être fléchée pour financer le renouvellement.

1 euro par tonne de carbone prélevé sur la contribution climat-énergie suffirait à approvisionner le fonds à hauteur 200 millions d'euros par an.

Cette mesure permettrait d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, telle que fixée par le plan climat en juillet 2017, dans le prolongement de l'accord de Paris sur le climat conclu en décembre 2015.

Même si le CO2 n'est pas considéré comme un polluant, il en a pourtant les caractéristiques sur la santé. Cette initiative aurait donc sens, à la suite de l'assignation le 17 mai 2018, par la Commission européenne, de la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour une pollution de l'air excessive.

En conséquence, elle lui demande si ce dispositif pourrait être envisagé dans le projet de loi de finances pour 2019.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le secrétaire d'État, la filière forêt-bois permet de capter du dioxyde de carbone dans l'atmosphère et de l'incorporer dans les matériaux et les sols – près de 25 % des émissions nationales de CO2 sont ainsi fixés par la filière forêt-bois.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, les arbres ont le plus grand potentiel pour réduire les émissions de CO2, à condition que les forêts soient jeunes, adaptées au changement climatique et gérées durablement.

Il serait donc pertinent, monsieur le secrétaire d'État, d'accompagner la dynamique et le renouvellement de la forêt française, comme le préconise d'ailleurs le plan national de la forêt et du bois, afin d'absorber plus de CO2 en mobilisant la contribution climat-énergie financée par les émetteurs de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

Ainsi, une partie de cette contribution pourrait vertueusement venir alimenter le fonds stratégique forêt-bois et être fléchée pour financer le renouvellement des peuplements, qui n'est plus aujourd'hui assuré. Il suffirait d'un euro prélevé par tonne de carbone sur la contribution climat-énergie pour approvisionner le fonds à hauteur de 200 millions d'euros par an.

Cette mesure non seulement serait créatrice d'activités de transformation et d'emplois dans les territoires, mais elle permettrait d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 – objectif fixé par le plan climat en juillet 2017, dans le prolongement de l'accord de Paris sur le climat de décembre 2015.

Même si le CO2 n'est pas considéré comme un polluant, il en présente malheureusement toutes les caractéristiques pour la santé. Cette initiative aurait donc du sens après l'assignation en mai 2018 par la Commission européenne de la France devant la Cour de justice de l'Union européenne, pour pollution de l'air excessive. Ces derniers jours, à l'évidence, ce sujet est encore d'actualité.

Monsieur le secrétaire d'État, ce dispositif pourrait-il être envisagé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame Loisier, la création du fonds stratégique de la forêt et du bois, inscrite dans la loi de finances initiale pour 2014 en date du 29 décembre 2013, a permis de rétablir une cohérence d'intervention dans le secteur de la forêt et du bois, notamment en rassemblant divers outils financiers qui étaient jusqu'alors dispersés.

Le fonds est alimenté en premier lieu par des dotations budgétaires destinées à la politique forestière, et plus spécifiquement ciblées sur les investissements forestiers. Une autre source de financement est constituée par les compensations financières réglées par les bénéficiaires d'autorisations de défrichement qui choisissent ce mode de compensation. Enfin, une part la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti contribue au financement des actions portées par le fonds stratégique, à savoir des projets d'investissement et des actions de recherche, de développement et d'innovation qui s'inscrivent dans le cadre de la politique forestière.

Cela représente au total près de 26 millions d'euros de soutien public en 2018 : 20,2 millions d'euros depuis le programme 149, inscrit dans la loi de finances pour 2018, 2 millions d'euros d'indemnités défrichements et 3,7 millions d'euros de quotes-parts de la taxe sur le foncier non-bâti. Ces moyens permettent au fonds stratégique d'impulser les évolutions souhaitées par le Gouvernement.

Des actions non budgétaires et efficaces pour atteindre les objectifs du programme national de la forêt et du bois, telles que le développement des débouchés et des usages du bois dans la construction, une meilleure structuration des acteurs de la filière ou encore la recherche d'un meilleur équilibre sylvo-cynégétique, sont par ailleurs mises en œuvre.

Pleinement conscient de l'intérêt écologique de cette filière, le Gouvernement accorde d'ores et déjà les moyens nécessaires au développement de la forêt du bois. Dans ce contexte, la croissance continue depuis 1980 de la superficie forestière, de 0,7 % par an, est un véritable motif de satisfaction. La forêt atteint ainsi aujourd'hui 16,9 millions d'hectares en France métropolitaine, soit 31 % du territoire contre 9 millions d'hectares au début du XXsiècle.

L'affectation d'une partie de la contribution climat-énergie apparaît inopportune, d'autant plus qu'elle serait contraire au principe d'universalité budgétaire. Nous considérons par ailleurs, comme j'ai essayé de le démontrer, que les moyens affectés sont suffisants pour la politique que nous souhaitons mener.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je suis vraiment très déçue de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Non, les moyens ne sont pas suffisants !

Le plan national de la forêt et du bois prévoyait un fonds de 100 millions d'euros, pour un véritable renouvellement de la filière. Alors que 25 millions d'euros lui étaient alloués l'année dernière, seuls 18 millions d'euros lui sont alloués cette année, dont 4 millions d'euros seulement vont au renouvellement de la filière bois et des peuplements, ce qui est largement insuffisant.

Nous récoltons aujourd'hui les fruits des générations passées, mais nous n'assurons pas du tout la production et le peuplement pour les générations qui vont nous suivre. C'est d'autant plus irresponsable, monsieur le secrétaire d'État, que l'environnement et la transition énergétique sont aujourd'hui des enjeux majeurs, vous le savez aussi bien que moi.

Je rappelle par ailleurs que la filière bois représente quasiment 500 000 emplois, c'est-à-dire autant que la filière automobile. Le bois est un matériau moderne et renouvelable, dont on ne connaît même pas encore toutes les potentialités – celles-ci devront être explorées, grâce à des travaux en recherche et de développement. Enfin, je le répète, le bois nous permettra de relever le fabuleux défi de la neutralité carbone d'ici à 2050, défi que nous ne sommes absolument pas capables de relever aujourd'hui.

Je trouve donc fort dommageable que le Gouvernement n'ait pas pris conscience que nous avons en France, grand pays forestier, un formidable potentiel, qui nous permet vraiment de répondre à tous ces objectifs et enjeux sociétaux.

Votre réponse m'afflige, parce que, non, ce n'est pas suffisant, et c'est même moins que ce que nous avons fait par le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

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