Question de M. de NICOLAY Louis-Jean (Sarthe - Les Républicains) publiée le 10/05/2018

M. Louis-Jean de Nicolaÿ attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les orientations du Gouvernement concernant la préservation des moulins sur le territoire.
La directive-cadre sur l'eau (DCE, directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau) vise à obtenir dans un délai de quinze à trente ans un objectif général de « bon état écologique et chimique » de toutes les eaux, en laissant à chaque État membre le soin d'apprécier ce « bon état écologique » et de mettre tout en œuvre pour atteindre cet objectif. Ainsi, cette directive fixe une obligation de résultat avec l'atteinte du bon état des milieux, une obligation de calendrier avec une date limite fixée en 2027 et une obligation de méthode avec la gestion de bassin versant.
La France a choisi d'interpréter cet objectif par le prisme de la restauration de la continuité écologique en transposant la directive en droit français avec la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (dite loi LEMA) et la loi Grenelle de 2009 (loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement), puis en novembre 2009, avec le plan national de restauration de la continuité écologique, dont la mise en œuvre progressive et hiérarchisée est encadrée par la circulaire du 25 janvier 2010.
Deux exigences écologiques doivent être conciliées : le rétablissement de l'état physique des cours d'eau et la production hydro-électrique sans émissions de CO2.
Or l'administration française a toujours surévalué les obligations européennes en matière de restauration de la continuité écologique. En effet, la Commission européenne n'a jamais fait état qu'elle considérait les moulins comme des barrages à la continuité écologique. De même l'Union européenne (UE) soutient des initiatives visant à la relance de l'activité hydro-électrique des moulins (comme le projet Restor hydro, cofinancé par le programme énergie intelligente-Europe).
Par ailleurs, la continuité écologique n'a aucun impact sur la mauvaise qualité chimique des eaux, alors que c'est bien ce combat qu'il faut mener : réduire drastiquement les intrants chimiques, comme le demande l'UE par le truchement de vraies mesures de qualité biologique, physico-chimique et chimique. Les moulins ne peuvent être tenus pour responsables du mauvais état de nos cours d'eau qui est essentiellement dû aux pollutions chimiques.
Enfin, ces moulins installés depuis plusieurs siècles constituent une part non négligeable de notre patrimoine et sont un véritable attrait touristique.
Ainsi, si des dispositions législatives de compromis les concernant ont récemment été votées permettant ainsi de mieux concilier le développement de la micro-hydroélectricité, la défense du patrimoine et la préservation de la continuité écologique et de la biodiversité des cours d'eau (loi n° 2017-227 du 24 février 2017), il lui demande de préciser la position du Gouvernement concernant la poursuite de cette conciliation, son approche en matière de lutte contre les pollutions chimiques, tout ceci dans une vision pragmatique de la DCE.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 21/06/2018

La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages qui sont sur les cours d'eau. Ils empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Cette préoccupation est ancienne puisque la première loi prévoyant d'imposer le franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865 avant les grands barrages et avant la pollution du 20ème siècle. La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que la qualité de l'eau,  l'hydroélectricité, le patrimoine et la préservation de la biodiversité. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence, la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent. Afin d'apaiser les choses, un groupe de travail a été constitué au sein du comité national de l'eau (CNE). Les fédérations de défense des moulins et l'association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l'ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail se sera réuni cinq fois entre octobre 2017 et juin 2018. Il s'est vu confier par le CNE une mission d'écoute, d'analyse et de synthèse formulées sous forme d'un projet de plan d'action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le comité national de l'eau rendra un avis sur ce projet de plan qui sera adressé au ministre de la transition écologique et solidaire. On ne doute pas, au regard des travaux du groupe, que ceux-ci permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.

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