Question de M. CUYPERS Pierre (Seine-et-Marne - Les Républicains) publiée le 07/06/2018

M. Pierre Cuypers attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'absence de définition des « produits de biocontrôle » par la réglementation européenne, dans un contexte pourtant favorable au développement de nouvelles technologies « vertes » en agriculture.

Dans le but de « réduire les risques et les impacts de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (PPP) » et plus largement, de contribuer à une réduction de l'utilisation des PPP, la France a porté, dès 2014, l'idée du développement de solutions de biocontrôle, « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ».

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt promeut la mise en œuvre de la lutte intégrée et des stratégies de biocontrôle en proposant différentes mesures visant à accélérer la mise sur le marché de ces nouvelles solutions (préparation de dossiers d'évaluation et de demandes d'autorisation facilitée, délais spécifiques d'évaluation…). Elle permet la définition des produits de biocontrôle ce qui apporte un fondement légal aux entreprises présentes sur le territoire français engagées dans ce domaine.

Pour autant, ces produits s'insèrent dans une réglementation européenne qui ignore quant à elle cette définition de produits de biocontrôle. Ce « vide juridique » rend le dispositif complexe et pose des difficultés d'interprétation entre les États membres.
L'application en devient peu lisible et affecte les évaluations et autorisations de mise sur le marché ainsi que le système de contrôle.
Il souligne que cette situation ne favorise donc pas le développement de ces produits que le législateur, nos concitoyens et les agriculteurs appellent pourtant de leurs vœux.

En conséquence, il lui demande de lui indiquer les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour clarifier la définition du biocontrôle au plan européen et de lui en préciser le calendrier.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, l'agriculture française présente de nombreux atouts tant économiques que sociétaux. Le Gouvernement et sa majorité ne semblent cependant pas en être vraiment convaincus. Il est en effet déplorable de constater que le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous n'a toujours pas été adopté, pour les raisons que nous connaissons tous : la majorité de l'Assemblée nationale a tout bonnement renié ses votes de première lecture en commission mixte paritaire. Chacun appréciera ; il était important à mes yeux de le rappeler.

L'indépendance et la sécurité alimentaire constituent des enjeux stratégiques aux échelons tant européen que français face à un accroissement de la demande en production agricole et, notamment, végétale, dans un contexte d'augmentation de la population mondiale.

Si le climat tempéré de notre pays constitue un atout pour la diversité de nos productions, il est également source d'une forte diversité des bioagresseurs des cultures : ils sont plus de 10 000, évoluent et s'adaptent en permanence.

Dans ce contexte évolutif, monsieur le ministre, la santé des plantes est un enjeu au même titre que la santé humaine ou animale.

Pour y répondre, limiter les dégâts sur leurs cultures et satisfaire aux exigences des marchés, les agriculteurs ont besoin d'une diversité de solutions. Il peut s'agir de solutions agronomiques : ainsi, la mise en place de mesures prophylactiques comme la rotation des cultures ou les zones favorables aux auxiliaires. On peut aussi faire le choix de variétés résistantes aux agresseurs ou encore recourir, en cas de nécessité, à des produits phytopharmaceutiques pour protéger les cultures.

Face à la diversité des bioagresseurs et au vu du besoin de prévenir les risques d'apparition de résistances de ces derniers, il convient de combiner les méthodes en utilisant les produits de biocontrôle d'origine biologique ou minérale, mais également les produits de synthèse.

La mise au point de ces méthodes entraîne des coûts de recherche importants, de l'ordre de 250 millions d'euros pour une nouvelle substance. En outre, la recherche et le développement de ces produits requièrent une longue durée, onze ans en moyenne.

Ces investissements lourds nécessitent une anticipation et une fluidité des règles législatives et réglementaires relatives à la mise sur le marché de ces produits.

Ces derniers s'insèrent dans une réglementation européenne qui ignore la définition des produits de biocontrôle. Ce vide juridique rend le dispositif complexe et pose des difficultés d'interprétation entre les États membres.

L'application de la réglementation est en conséquence peu lisible et affecte les évaluations et les autorisations de mise sur le marché, ainsi que le système de contrôle.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour clarifier la définition du biocontrôle aux niveaux européen et national, et de m'en préciser le calendrier.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, votre question porte sur les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour clarifier la définition du biocontrôle au niveau européen.

Comme vous le mentionnez, une définition du biocontrôle et, plus précisément, des agents de biocontrôle a été introduite dans la réglementation française en 2014.

Cette définition indique que les agents de biocontrôle utilisent des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et qu'ils comprennent en particulier des macroorganismes, des microorganismes, des phéromones et des produits phytopharmaceutiques d'origine naturelle, qu'elle soit végétale, animale ou minérale.

Les règles d'autorisation et d'utilisation en France de chacune de ces catégories d'agents de biocontrôle sont parfaitement définies. Afin d'encourager le recours aux solutions de biocontrôle, l'État a prévu divers allégements, en particulier une réduction des délais et de la taxe d'évaluation.

De plus, les produits de biocontrôle restent autorisés lorsque les produits conventionnels sont interdits, que ce soit dans les espaces verts ouverts au public, depuis le 1er janvier 2017, ou pour les jardiniers amateurs, à partir du 1er janvier 2019.

La réglementation française encourage donc le recours aux produits de biocontrôle, qui concilient faible risque et origine naturelle.

La réglementation européenne, pour sa part, se limite à distinguer les substances en fonction du niveau de risque qu'elles présentent. Elle les répartit de ce point de vue entre cinq catégories : les substances de base, ou sans risque, les substances à faible risque, les substances conventionnelles, les substances à substituer dès que possible et les substances à interdire. Elle ne prend pas en compte l'origine naturelle des substances ; cette lacune a été mise en évidence par l'évaluation de la réglementation européenne en cours.

Le Gouvernement considère que le biocontrôle constitue, dans un certain nombre de situations, une alternative aux traitements chimiques conventionnels. D'ailleurs, le secteur du biocontrôle connaît en 2017 une croissance de plus de 25 %.

Le plan Écophyto II +, que mes collègues et moi-même avons présenté le 27 juillet dernier, prévoit de nouvelles dispositions pour soutenir le développement du biocontrôle.

La France défendra au niveau européen la promotion du biocontrôle et l'introduction d'une définition au sein la réglementation européenne, notamment dans le cadre de la future révision du règlement (CE) n° 1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques.

Cette vision est déjà partagée par un des colégislateurs : dans une résolution du 15 février 2017, le Parlement européen a souligné la nécessité de réviser la législation européenne pour favoriser le développement des pesticides à faible risque d'origine biologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour répondre à M. le ministre.

M. Pierre Cuypers. Votre réponse, monsieur le ministre, ne me satisfait pas pleinement.

Il serait regrettable que la France et l'Europe ne parviennent pas à trouver des solutions communes pour le biocontrôle. Cette filière dynamique au fort potentiel pourrait conforter notre industrie et notre agriculture.

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