Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 22/06/2018

Question posée en séance publique le 21/06/2018

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances et porte sur les annonces de privatisations.

Le Gouvernement souhaite soutenir l'innovation des entreprises. Pour cela, il propose de vendre des parts de grandes entreprises – la Française des jeux, Aéroports de Paris, et Engie – pour 10 à 15 milliards d'euros, soit près de 10 % des participations totales de l'État. Il envisage de placer les recettes de ces ventes dans un fonds, dont le rendement servirait à financer l'innovation des entreprises.

Si nous souscrivons à l'objectif, la méthode interroge. Nous avons ici des entreprises rentables, qui prospèrent et versent chaque année jusqu'à 1 milliard d'euros de dividendes, contribuant ainsi au financement de l'État et de la dette. Des entreprises qui exercent dans des domaines stratégiques en forte croissance, pour lesquels un pilotage étatique se justifie – transport aérien, régulation des jeux ou encore transition énergétique.

À l'heure où l'État doit non pas seulement diminuer ses dépenses, mais aussi consolider ses recettes, quel intérêt y a-t-il à vendre des actifs rentables et renoncer à des rentrées d'argent récurrentes ? D'autant que ce fonds stratégique – important – pourrait être financé d'une autre manière, par emprunt, les dividendes annuels évoqués permettant de financer les annuités.

En définitive, ce fonds serait disponible, les entreprises innoveraient et les Français seraient toujours les heureux propriétaires d'ADP, FDJ et Engie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 22/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2018

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, le projet de loi dit « PACTE », qui a été présenté en conseil des ministres le 18 juin dernier, prévoit la cession, par l'État, de ses participations dans trois grandes entreprises : Engie, la Française des jeux et Aéroports de Paris. En cela, notre objectif est triple.

Premièrement, il s'agit d'investir pour l'avenir, au travers d'un fonds dénommé « fonds pour l'innovation de rupture », qui sera doté d'une dizaine de milliards d'euros et permettra de dégager 200 à 300 millions d'euros de revenus par an.

Le but, ici, est que l'État assume pleinement son rôle de stratège dans le domaine économique, avec comme préoccupation de ne pas céder aux exigences parfois « court-termistes » des marchés et de travailler sur une innovation de rupture, plutôt que d'en rester à une innovation incrémentale.

L'État, sans doute, doit jouer un rôle plus stratégique que celui qui consisterait à se contenter d'être l'heureux bénéficiaire de dividendes d'entreprises intervenant dans des secteurs d'activité qui ne figureront probablement pas, demain, parmi les secteurs permettant à la France de retrouver un modèle économique florissant et d'entrer de plain-pied dans le XXIe siècle.

Deuxièmement, madame la sénatrice, vous nous dites que nous privons les Français de ces dividendes. Mais les Français ne sont pas actionnaires, et c'est là, d'ailleurs, une culture bien française : nombre de nos grandes entreprises sont détenues par l'État ou des fonds d'investissement étrangers.

Ces cessions de titres de l'État ont précisément pour but de permettre l'émergence d'un actionnariat populaire dans notre pays (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), afin que chaque Français puisse détenir une part de ces entreprises qui, dans notre pays, sont rentables et, ainsi, toucher des dividendes.

Mme Éliane Assassi. Comme c'est laborieux !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Troisièmement, l'État peut être stratège au travers de la détention de capitaux dans une entreprise publique, mais il a aussi une fonction de régulation,… (Mêmes mouvements.)

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas sérieux !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. … à laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais attachés, indépendamment de vos sensibilités politiques.

Nous renforcerons aussi les mécanismes de régulation, notamment s'agissant de la Française des jeux et du Pari mutuel urbain, ou PMU. C'est un sujet, je le sais également, madame la sénatrice, dont vous êtes soucieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le secrétaire d'État, à force de nationaliser les déficits et de privatiser les bénéfices, nous appauvrissons l'État.

Vous avez parlé d'innovation pour l'avenir. L'innovation, notamment dans l'administration de la France, c'est peut-être aussi inventer de nouveaux partenariats gagnants-gagnants, pas seulement pour les entreprises – c'est important –, mais aussi pour l'État, en faisant, sur le long terme, fructifier le patrimoine public des générations à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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