Question de Mme ARTIGALAS Viviane (Hautes-Pyrénées - SOCR) publiée le 21/06/2018

Mme Viviane Artigalas attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le programme de renouvellement des concessions hydroélectriques.
Le ministère de la transition écologique et solidaire a transmis à la Commission européenne une ligne d'ouvrages qui pourraient être proposés à l'ouverture à la concurrence. Sur 400 barrages hydro-électriques, 150 pourraient ainsi être soustraits à la gestion d'EDF d'ici à 2022.

Malgré le vote de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui prévoit dans son article 126 que, dans le cas d'investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne peuvent pas être soumis à la concurrence, la Commission européenne conteste cette disposition. Celle-ci exige que la France renouvelle ses concessions hydrauliques au prétexte que la situation existante nuit à la concurrence auprès des clients finaux. Or, plus d'un million de nos concitoyens ont changé de fournisseurs en 2017, preuve que la concurrence sur le marché de l'électricité existe déjà.

La France a développé depuis plus d'un siècle une politique énergétique d'électrification qui repose sur les grands barrages des Pyrénées, du Massif Central et des Alpes, qui font partie du patrimoine industriel français. De plus, dans une perspective d'évolution vers les énergies renouvelables, l'hydraulique reste une énergie sur laquelle les opérateurs historiques nationaux doivent garder la main.
Par ailleurs, les concessions hydroélectriques participent à un service public d'intérêt général, c'est-à-dire l'accès à l'électricité, qui est un bien de première nécessité pour tous nos concitoyens, et qui dès lors doit rester une compétence exclusivement française.

Cette ouverture à la concurrence menace également la gestion des multiples usages de l'eau, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes environnementaux et sociaux.
Le risque de complexification de la gestion de l'eau n'est pas à prendre à la légère avec une telle décision, qui risquerait de compromettre le développement voire la sécurité sanitaire de la région Occitanie, déjà confrontée à un problème majeur de ressources en eau dans les années à venir.
Enfin, les opérateurs historiques des concessions hydro-électriques tels qu'EDF ont eu non seulement connaissance d'un premier calendrier de mise en concurrence de « lots », mais également d'une procédure qui conduirait à empêcher les opérateurs historiques de remporter toutes les concessions, même si les mérites de leurs offres sont supérieurs.

Elle lui demande donc de lui faire un point clair sur les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

Mme Viviane Artigalas. M. le ministre a transmis à la Commission européenne une liste d'ouvrages hydroélectriques qui pourraient être proposés à l'ouverture à la concurrence. Sur quatre cents barrages, cent cinquante pourraient ainsi être soustraits à la gestion d'EDF d'ici à 2022.

L'article 126 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique prévoit pourtant que, dans le cas d'investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne peuvent être soumis à la concurrence.

Or la Commission européenne conteste cette disposition et exige que la France renouvelle ses concessions hydrauliques, sous prétexte que la situation existante nuit à la concurrence auprès des clients finaux. Je rappelle que plus d'un million de nos concitoyens ont changé de fournisseur en 2017, preuve que la concurrence sur le marché de l'électricité existe déjà.

Par ailleurs, les concessions hydroélectriques participent d'un service public d'intérêt général : l'accès à l'électricité, qui est un bien de première nécessité pour tous nos concitoyens et qui doit donc rester une compétence exclusivement française.

Cette ouverture à la concurrence menace également la gestion des multiples usages de l'eau, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes environnementaux et sociaux, suscitant des craintes quant aux autres spécificités et fonctions des barrages, telles que la sécurité, l'irrigation des cultures, l'alimentation en eau potable, la gestion des crues, l'approvisionnement des industries, le tourisme, ainsi que des inquiétudes sur le maintien des emplois directs et indirects locaux.

Une telle décision risque, notamment, de compromettre le développement, voire la sécurité sanitaire, de la région Occitanie, déjà confrontée à un problème majeur de ressources en eau dans les années à venir.

S'il doit y avoir une mise en concurrence, il faut que les opérateurs historiques soient traités avec équité. Or nous avons l'impression que ce n'est pas le cas. Ma question est donc simple. Le Gouvernement peut-il éclairer les élus sur ce qu'il compte faire à ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Viviane Artigalas, merci de cette question sur l'hydroélectricité.

Vous le savez, le Gouvernement soutient totalement cette énergie renouvelable flexible et compétitive, qui est importante à la fois pour notre système électrique, afin qu'il atteigne ses objectifs de développement des énergies renouvelables, et pour le développement économique de nos territoires. De plus il s'agit d'une énergie pilotable, qui participe donc pleinement de la transition énergétique.

Le droit français, en conformité avec le droit européen, prévoit que les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Cette situation est désormais ancienne, nous en héritons. La loi relative à la transition énergétique et ses textes d'application ont justement réformé le cadre du renouvellement des concessions électriques, en prévoyant la possibilité, pour les collectivités locales, d'être associées à la concession, notamment via des sociétés d'économie mixte hydroélectriques, des SEMH.

L'option de regrouper des concessions hydrauliquement liées pour faciliter leur exploitation et favoriser la sûreté répond à une demande des élus locaux, mais également du corps préfectoral pour la gestion des vallées.

De nombreux échanges ont lieu avec la Commission européenne, afin de parvenir à une mise en œuvre équilibrée de ces dispositifs, qui me semblent faire consensus chez nous. Néanmoins, un accord n'a pu être trouvé à ce stade.

Bien entendu, le Gouvernement compte poursuivre les discussions dans le même état d'esprit : la prise en compte de l'ensemble des enjeux et de l'intérêt public. L'objectif est d'aboutir rapidement à une sortie du statu quo, qui nuit aux investissements dans le secteur pour chacun des ouvrages et constitue une source d'incertitude pour les entreprises, pour les salariés et pour les collectivités territoriales concernées.

Le Gouvernement continuera donc à défendre les regroupements de concessions indispensables à la cohérence des vallées, les projets de prolongation transmis à la Commission et la possibilité, pour EDF, de participer au processus de mise en concurrence. Madame la sénatrice, vous savez que ce dernier point est particulièrement important, vous qui connaissez bien ce dossier.

Le Gouvernement a pris conscience des inquiétudes des salariés et des élus – je suis d'ailleurs allé moi-même à leur rencontre –, mais la remise en concurrence est une politique nationale que nous souhaitons mener. On s'y dérobe depuis des années, et il faut trancher ce problème, afin d'optimiser la gestion de nos barrages et de relancer l'investissement, tout en redistribuant des ressources financières vers les différents territoires.

Le statut des personnels sera préservé dans tous les cas – il faut le dire encore, puisque des inquiétudes peuvent naître ici ou lࠖ et les cahiers des charges devront prévoir la reprise des personnels par le nouvel exploitant, le cas échéant.

Je rappelle enfin un fait intangible : les barrages appartiennent et continueront d'appartenir à l'État, et nous devons les valoriser comme tels.

Les discussions se poursuivent avec la Commission, nous aurons l'occasion d'en tenir le Parlement informé.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas tout à fait.

Je rappelle que les grands barrages des Pyrénées, du Massif central et des Alpes sont à la base de notre politique énergie énergétique d'électrification, qu'ils font partie du patrimoine industriel national et qu'ils doivent donc rester français.

En outre, vous l'avez dit, miser sur l'énergie hydraulique s'inscrit pleinement dans une perspective d'évolution vers les énergies renouvelables. EDF et les opérateurs historiques ont fait leurs preuves dans ce domaine.

Pour ces deux raisons, il me semble important, en tant qu'élue de territoire, que les opérateurs historiques gardent la main sur notre production hydroélectrique, afin de préserver certaines garanties.

Dans ma commune des Pyrénées, EDF gère deux barrages. Elle en assure surtout la sécurité en y réalisant, malgré la perspective de la remise en concurrence, des investissements importants. En 2013 comme cette année, ces ouvrages ont assuré une régulation des crues, grâce à la gestion d'EDF, qui a produit sans besoin, de manière à limiter les inondations.

Les élus de mon territoire, qui connaissent bien cette gestion d'EDF, souhaitent que notre opérateur ne perde pas la maîtrise de ces ouvrages. C'est très important pour nous, et vous devez l'entendre.

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