Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 21/06/2018

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre du travail sur le devenir des maisons de l'emploi. Par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, le Gouvernement s'est déjà fortement désengagé du financement des maisons de l'emploi présentes sur notre territoire, réduisant de moitié leur dotation, avant d'en supprimer la totalité en 2019, entraînant leur fermeture définitive.
Pourtant, leurs missions ne sont pas redondantes, bien au contraire. Elles apportent un éclairage supplémentaire et leur objet social est unique : accompagner des populations, en zones rurales notamment, en situation de pauvreté chronique, et ayant de très grandes difficultés à revenir, ou juste à venir sur le marché du travail.
La fracture numérique est de plus en plus flagrante et la dématérialisation des emplois et des offres est inaccessible pour ces populations.
C'est pourquoi il plaide pour l'arrêt de la destruction de cet outil de proximité, au plus près des problématiques de notre territoire, et demande, au nom de la solidarité, le maintien de ce type de structures, alors que l'emploi semble être une préoccupation majeure du Gouvernement à ses dires.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Gouvernement scande depuis plus d'un an que le travail et la lutte contre le chômage sont ses priorités - le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, avait lancé : « Travaillons pour que le chômage reflue ! » -, les annonces concernant le futur budget pour 2019 sont sombres pour l'emploi, puisque le bruit court d'une réduction de crédits de 15 % !

Cette question orale s'impose donc au vu des menaces qui pèsent sur les outils de lutte contre le chômage, parmi lesquels figurent les maisons de l'emploi.

Alors que la dotation de celles-ci avait déjà été réduite de moitié dans le budget pour 2018, la perspective de sa suppression totale pour 2019 va entraîner des réductions de moyens et des fermetures de nombreuses maisons de l'emploi.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Sénat avait rejeté les crédits de la mission « Travail et emploi » lors de l'examen du projet de loi de finances.

Un tout récent contrôle budgétaire effectué par la commission des finances du Sénat a souligné l'extrême utilité des maisons de l'emploi. Les deux corapporteurs, de bords politiques différents, ont dressé un bilan globalement positif de leur action, jugeant que ces maisons avaient su trouver leur place parmi les acteurs de l'emploi et que leur travail était salué par l'ensemble des partenaires.

Les missions des maisons de l'emploi ne sont pas redondantes, bien au contraire. Ces structures apportent un éclairage supplémentaire et leur objet social est unique : accompagner, notamment dans les zones rurales, des populations en situation de difficulté chronique, et qui ont le plus grand mal à revenir, ou juste à venir sur le marché du travail.

La fracture numérique est de plus en plus flagrante et la dématérialisation des emplois et des offres est inaccessible pour ces populations.

Les maisons de l'emploi ont un rôle important à jouer au quotidien, y compris pour favoriser l'accès à la mobilité via l'aide à l'obtention du permis de conduire.

Il paraît donc irresponsable de détruire, par manque de soutien de l'État, cet outil de proximité, au plus près des problématiques de chaque territoire.

Je demande par conséquent à Mme la ministre du travail - une grande partie de mes collègues se joint également à cet appel -, au nom de la solidarité, le maintien de ce type de structures, et donc de leur financement.

Cet appel est d'autant plus pressant que, récemment, Mme Pénicaud a demandé à l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, de réfléchir « à une méthodologie robuste permettant d'indexer d'éventuelles baisses d'effectifs de Pôle emploi sur une décrue constatée du chômage », le chiffre de 4 000 suppressions d'emplois sur quatre ans étant évoqué par la presse.

Or le chômage, après une légère baisse à la fin de l'année 2017, ne décroît pas de façon pérenne, à notre grand regret à tous. Il a même récemment augmenté de nouveau, pour s'établir à 8,9 % en France métropolitaine, à 11,5 % dans ma région, les Hauts-de-France, et à 13,2 % dans mon département, l'Aisne.

Les chiffres sont têtus, hélas. Le chômage est catastrophiquement endémique !

Supprimer les contrats aidés, asphyxier les maisons de l'emploi, envisager à terme une réduction des personnels de Pôle emploi, voilà bien des décisions prises depuis Paris, sans concertation avec les acteurs locaux, au mépris de leur expérience et de leurs capacités.

Je fais aussi une nécessaire piqûre de rappel : le taux d'illettrisme dans l'Aisne atteint 17 % !

Qu'allons-nous faire de ces jeunes et moins jeunes si les structures destinées à les accueillir, les former et les coacher disparaissent par manque de moyens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Muriel Pénicaud, qui ne peut malheureusement être présente parmi vous ce matin.

Monsieur le sénateur Lefèvre, créé par la loi du 18 janvier 2005, le dispositif des maisons de l'emploi avait initialement deux missions : fédérer l'action locale des partenaires publics et privés en faveur de l'emploi, de la formation, de l'insertion et du développement économique, d'une part ; contribuer à mieux ancrer le service public de l'emploi dans les territoires, d'autre part.

Depuis la création de Pôle emploi en 2008, ces maisons ne constituent plus le guichet unique de l'emploi. Plusieurs opérateurs du service public de l'emploi sont notamment chargés de l'accompagnement des demandeurs d'emploi : Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi et l'APEC.

La labellisation des maisons de l'emploi a en conséquence été arrêtée en 2009, et les missions ouvrant droit à un financement de l'État ont été progressivement concentrées sur deux axes : premièrement, l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques ; deuxièmement, l'appui aux actions de développement local de l'emploi.

En 2018, au vu des missions variables et très territorialisées des maisons de l'emploi et des besoins prioritaires incombant par ailleurs à la mission « Travail et emploi », le choix a été fait, dans un contexte de contraction des finances publiques et dans la continuité des exercices budgétaires précédents, de poursuivre le retrait du financement de ces structures par l'État.

Un tel retrait n'entraîne pas pour autant la disparition des maisons de l'emploi qui existent actuellement. Il ne supprime ni l'éligibilité de celles-ci aux financements de droit commun de l'État ou d'autres financeurs, comme les collectivités territoriales, ni la possibilité pour elles de se porter candidates à des appels à projets. Ces structures conserveront également leur label « maison de l'emploi » et pourront poursuivre leurs activités, financées par d'autres contributeurs que l'État.

Les maisons de l'emploi pourront, par ailleurs, bénéficier des financements issus du PIC, ou plan d'investissement dans les compétences, notamment dans le cadre des appels à projets et expérimentations - formations aux métiers du numérique ou aux emplois verts, gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, innovation, etc.

Les pactes régionaux conclus entre l'État et les conseils régionaux seront également l'occasion de développer des actions de diagnostic des besoins en compétences des bassins d'emploi, domaine bien investi par les maisons de l'emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Antoine Lefèvre. Madame la secrétaire d'État, vos mots, après ceux que nous avons échangés ici même, notamment avec Mme la ministre du travail, lors de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ne permettront pas à nombre de nos concitoyens d'exercer cette liberté que vous leur promettez.

Le Gouvernement assume ce choix budgétaire et compte une fois de plus sur les collectivités locales pour « boucher les trous » ! Je souhaiterais que vous écoutiez davantage les acteurs locaux.

Mme la ministre a annoncé voilà quelques jours la création, d'ici à 2022, de neuf nouvelles écoles de la seconde chance destinées aux jeunes sortis sans formation du système scolaire. Vous-même, madame la secrétaire d'État, avez mentionné un certain nombre d'appels à projets dans votre réponse.

Le réseau des écoles de la seconde chance fête ses 20 ans, avec 124 sites-écoles sur le territoire, mais pas une seule école de ce type dans l'Aisne, alors que mon département s'est porté candidat.

Que faut-il faire ou dire pour que l'État centralisateur entende davantage les territoires les moins favorisés ?

Madame la secrétaire d'État, la situation est catastrophique, le mot n'est pas trop fort.

J'ajoute que dans les propositions du rapport CAP 2022, quelque peu passées sous silence par le Premier ministre, mais enfin révélées à tous, figure la mise en concurrence de tous les services d'aide au retour à l'emploi - cet objectif me semble plutôt louable - et le recentrage de Pôle emploi sur ses missions d'indemnisation, de contrôle et d'accompagnement des chômeurs les moins autonomes.

Vous pariez sur une hypothèse de chômage à 7 % en 2022, alors que, pour l'instant, on constate une augmentation faible, mais constante du taux !

Avec des effectifs notoirement insuffisants et une hausse de 20 % du nombre de demandeurs d'emploi par conseiller en deux ans, la mission de Pôle emploi va nettement se compliquer.

Merci de penser à tous ces éléments qui touchent directement nos territoires quand le Gouvernement voudra tailler à grands coups de serpe dans le budget de l'emploi.

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