Question de M. DEVINAZ Gilbert-Luc (Rhône - SOCR) publiée le 22/06/2018

Question posée en séance publique le 21/06/2018

M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question s'adresse au ministre de l'économie et des finances, et rejoint celle qu'a posée notre collègue Anne-Catherine Loisier. Elle concerne les privatisations du projet de loi PACTE. Je le dis d'emblée : je n'ai pas, et le groupe auquel j'appartiens non plus, d'opposition dogmatique à la privatisation. Je m'interroge davantage sur les arguments que vous avancez pour justifier ces cessions d'actifs.

Par rapport à cela, j'ai trois interrogations.

La première porte sur l'efficacité du privé par rapport au public. Les expériences en matière de privatisation des autoroutes me laissent sceptique sur ce point. En Allemagne, pays qui nous sert souvent de référence, le plus grand aéroport, celui de Francfort, est majoritairement détenu par la région et la ville. Est-il moins efficace ? Je ne le pense pas.

La deuxième interrogation concerne le renforcement du rôle de l'État régulateur. Il paraît incongru de vouloir renforcer la régulation de l'État dans une entreprise en vendant ses parts. Vous évoquez le maintien de garanties. Mais quelle meilleure garantie que d'être actionnaire majoritaire ?

Enfin, la troisième interrogation est relative au financement de l'innovation. À cet égard, nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'un tel financement. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas privilégier un investissement direct ? Pourquoi créer un fonds qui va rapporter moins que les dividendes actuels des entreprises visées ne rapportent à l'État ?

Ma question est simple : quels sont les objectifs réels de ces privatisations ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 22/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2018

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, j'ai eu l'occasion de répondre partiellement dans la question précédente à vos différentes interrogations.

Un bon actionnaire est un actionnaire qui sait se départir de ses habitudes. Une habitude pour un actionnaire est toujours une bien mauvaise chose. Croyez-moi, l'État, parfois par habitude, parfois par paresse, parfois par fainéantise (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.), n'a jamais réinterrogé son actionnariat.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n'est pas vrai !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. L'objectif est donc, par ce projet de loi PACTE, de s'interroger sur les secteurs stratégiques et le rôle de l'État. Je réponds en cela à vos interrogations légitimes : il n'est pas forcément utile d'être actionnaire d'une entreprise pour la réguler. Sinon, un grand nombre de secteurs dans lesquels l'État n'est pas actionnaire seraient mal régulés ; or, ce n'est pas le cas. On peut réguler sans être actionnaire, et on peut aussi renforcer les organismes de régulation sans être forcément actionnaire.

Les objectifs que nous visons, et je répondrai ainsi à votre interrogation sur le fonds pour l'innovation de rupture, sont en réalité doubles. Le Premier ministre en a donné les deux grandes pistes.

La première, c'est que sur les 200 millions à 300 millions d'euros de revenus par an produits par le placement de 10 milliards d'euros, une première enveloppe correspondant environ à un tiers des revenus sera consacrée au financement par Bpifrance de start-up. J'en ai assez de voir que figurent au fronton du CAC 40 français les mêmes entreprises depuis quarante ou cinquante ans quand, dans d'autres pays – je pense en particulier aux États-Unis –, l'essentiel des entreprises, et les plus grandes d'entre elles, n'existaient pas il y a quinze ans. Il est sain pour une économie de pouvoir faire émerger des jeunes entreprises.

La seconde piste, qui représente la deuxième partie de l'enveloppe pour les deux tiers restants des revenus, est celle des grands défis thématiques.

M. le président. Il faut conclure.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Je pense notamment à la question de l'intelligence artificielle, à laquelle nous consacrerons 100 millions d'euros sur trois ans, et à celle des nanotechnologies électroniques.

Vous le constatez, nous avons un plan clair pour l'utilisation de l'argent qui vient d'entreprises publiques. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, dont la clarté ne me paraît pas évidente. Elle me fait penser plutôt à l'image d'un calamar en fuite ! (Sourires.)

Je ne comprends pas pourquoi créer un fonds qui rapportera 200 millions à 300 millions d'euros par an en vendant des choses qui vous ont rapporté 712 millions en 2017 !

Je me demande si l'objectif n'est pas plus simple : quand un gouvernement diminue les recettes de l'État et augmente les dépenses par des promesses non budgétisées,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gilbert-Luc Devinaz. … il faut, à un moment donné, trouver des fonds. Ne serait-ce pas là le simple objectif de la cession de ces actions ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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