Question de M. HURÉ Benoît (Ardennes - Les Républicains) publiée le 27/06/2018

Question posée en séance publique le 26/06/2018

M. Benoît Huré. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, 9 milliards d'euros par an, c'est, en moyenne, depuis trop longtemps, ce que l'État ne rembourse pas aux départements qui versent les allocations de solidarité pour le compte de la Nation. Depuis 2012, de négociations en négociations avec les gouvernements successifs, on achoppe sur le financement des politiques de solidarité.

À ce jour, un financement pérenne n'a toujours pas été mis en place. Des fonds d'urgence destinés aux départements les plus accablés leur permettent de maintenir la tête hors de l'eau, pour reprendre l'expression d'un ancien ministre en charge des collectivités territoriales.

La prise en charge des mineurs non accompagnés s'est ajoutée à ces dépenses. Des mesures ont récemment été proposées par le Gouvernement, à savoir 250 millions d'euros supplémentaires pour les allocations individuelles de solidarité, les AIS. Bien que cette proposition soit mince, les départements l'ont acceptée, dans un esprit constructif. Cependant, ces derniers se sont prononcés, à 77 %, contre le principe du pacte financier, dont les modalités de mise en œuvre restent, selon eux, trop floues.

À la surprise générale, monsieur le Premier ministre, certains membres de votre administration ont affirmé que, en cas de non-signature des contrats, les propositions du Gouvernement ne seraient pas mises en œuvre, ce qui a été interprété comme un chantage et un autoritarisme déplacé.

La France, pour se redresser, a besoin de tous, de l'État comme des collectivités locales, chacun devant consentir sa propre part d'efforts. Les relations à construire entre l'État et les collectivités doivent reposer sur une confiance réciproque et sur une vraie concertation.

Aussi, monsieur le Premier ministre, que doivent croire les départements ? Les propos de certains membres de votre administration, que vous avez vous-même repris dans un courrier que vous avez récemment adressé aux présidents de département, ou ceux que vous avez tenus dans cet hémicycle jeudi dernier, à savoir que les collectivités avaient le droit le plus strict de ne pas signer les contrats et qu'elles seraient alors tout aussi respectables que les autres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 27/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 26/06/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi, pour vous répondre, d'évoquer la question de la nature des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, plus particulièrement les départements, puisque c'est sur la situation de ces derniers que vous appelez l'attention du Gouvernement.

Depuis longtemps – vous l'avez dit –, depuis bien avant la nomination de ce gouvernement, sous de très nombreuses majorités successives, les relations financières entre l'État et les départements sont compliquées. Elles le sont en raison du dynamisme de la dépense sociale. Le dynamisme des dépenses sociales dites « AIS » est tel que les départements doivent consentir un effort considérable pour y faire face.

De la même façon, depuis quelques années, les départements sont confrontés à une charge croissante et difficile à prendre en compte, liée au « dynamisme » de la dépense afférente aux mineurs non accompagnés, les MNA.

Conscients de ces difficultés, les gouvernements successifs ont, année après année, décidé d'accorder des fonds d'urgence aux départements. Les sommes concernées ont évidemment évolué – souvent, d'ailleurs, dans un sens un peu plus favorable à l'approche des élections ! –, mais, en moyenne, ce sont quelque 140 millions d'euros qui ont été attribués pour faire face aux difficultés liées à l'ensemble des dépenses sociales des départements, sous forme de fonds d'urgence.

Compte tenu de cette difficulté, le Gouvernement s'est rapproché de l'Assemblée des départements de France, afin d'évoquer directement ce qui pouvait être envisagé pour faire face au dynamisme des AIS comme à celui des MNA.

S'agissant des MNA, nous avons formulé une proposition fondée sur une reprise en main par l'État d'un certain nombre d'éléments de responsabilité avant le moment où un mineur est déclaré – ou non – mineur non accompagné.

Nous avons prévu la création d'un fichier permettant d'éviter les doublonnements de questions, donc un allongement de la prise en charge de la part des départements. Nous avons mis une somme sur la table. Vous le savez, monsieur le sénateur, les départements nous ont indiqué que cette proposition leur convenait et qu'elle était à la hauteur des enjeux – elle avait d'ailleurs fait l'objet d'une longue discussion avec les départements.

Pour ce qui concerne les AIS, nous avons proposé de travailler avec les départements. Nous avons indiqué que nous étions prêts à mettre sur la table un budget de 250 millions d'euros, soit beaucoup plus que les 140 millions d'euros versés en moyenne jusque-là, mais qu'il fallait, en plus de cette somme, que, de leur côté, les départements organisent eux-mêmes les conditions d'une péréquation horizontale accrue.

Cette proposition a été entendue. J'ai même indiqué aux présidents de département qui étaient présents lors de la discussion que, si cette proposition leur convenait, les départements seraient autorisés à augmenter, de façon très modérée, ce que l'on appelle les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui constituerait une hausse des prélèvements obligatoires. Pourtant, si vous me permettez cette expression un peu triviale, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas exactement ma tasse de thé !

Cette proposition a été soumise à la discussion, mais les départements, après l'avoir examinée, nous ont fait savoir qu'elle ne leur convenait plus. Je l'entends, et c'est parfaitement respectable, mais, dès lors, la proposition n'a pas vocation à rester sur la table. C'est ainsi que se passent les négociations. Il est normal que chacun tire les conséquences du résultat de la discussion.

Comme je l'ai indiqué devant le Sénat, les collectivités territoriales qui concluront le pacte financier que nous leur proposons seront, à l'avenir, bénéficiaires de cet engagement de stabilité que nous prenons – c'est exactement la lettre de l'accord. Les collectivités territoriales qui ne souhaitent pas signer les contrats seront évidemment respectées, conformément au droit et dans le cadre de l'article de loi voté et déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Les collectivités territoriales seront donc respectées, mais les conséquences ne seront pas exactement les mêmes pour celles qui s'engagent et tiennent les engagements fixés et pour les autres.

De même, en cas de dépassement de la norme de 1,2 %, les conséquences ne seront pas identiques pour les collectivités territoriales qui se sont engagées et pour celles qui ne l'ont pas fait, ce qui, je le répète, est parfaitement respectable.

Il n'y a là aucun chantage. Il n'y a que de la clarté, la négociation s'étant déroulée, me semble-t-il, dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Benoît Huré, pour la réplique.

M. Benoît Huré. Monsieur le Premier ministre, je souhaite que tout soit mis en œuvre pour mettre fin aux incompréhensions entre l'État et les collectivités, en particulier les départements. Nous devons tous nous rasseoir autour de la table et trouver des solutions.

Sans les départements, la solidarité à l'égard des plus fragiles d'entre nous ne pourrait pas être assumée dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

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