Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 14/06/2018

M. Arnaud Bazin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation quant à l'avis défavorable du Gouvernement concernant la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les victimes des pesticides.

Dans le cadre du projet de loi (Sénat, n° 525 (2017-2018)) pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, les amendements n°1433 et n°2463 présentés par les députés ont reçu un avis défavorable du Gouvernement à l'Assemblée nationale et ont été rejetés le lundi 28 mai 2018.

Ces deux amendements identiques souhaitaient, grâce à l'article L. 253-21, créer un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.

L'avis défavorable du Gouvernement apparaît surprenant face à la situation actuelle. En effet, l'impact des pesticides sur la santé est connu. Les pesticides représentent un véritable danger pour plus de 100 000 personnes exposées. Parmi les 10 000 personnes concernées par des catégories de maladies professionnelles ou d'accidents du travail, seules 1 000 sont prises en charge.

De plus, le Gouvernement ne semble pas avoir tenu compte du récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), qui recommandait la création d'un fonds d'indemnisation financé pour moitié par des subventions de l'État et pour moitié par la taxe des produits phytosanitaires et la sécurité sociale.

La création d'un fonds constitue l'unique possibilité pour garantir la réparation des préjudices subis par les victimes, réunies collectivement au sein de l'association Phyto-Victimes.

Or, les motifs évoqués par le Gouvernement pour justifier son avis défavorable semblent imprécis. La saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ainsi que la révision du tableau des maladies professionnelles occultent l'urgence de la situation et n'apportent pas de réponses claires.

Ainsi, il lui demande de préciser ses pistes de réflexion actuellement en cours sur le sujet. Il lui demande également de dresser un état des lieux de la situation préoccupante.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 23/08/2018

L'indemnisation des victimes atteintes de maladies liées à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques est une préoccupation majeure du Gouvernement. Elle accompagne la mise en œuvre des engagements du Gouvernement en matière de prévention des effets des produits phytopharmaceutiques sur la santé qui font l'objet de nombreux travaux scientifiques, notamment ceux liés aux expositions professionnelles des agriculteurs. La mission confiée le 25 avril 2017 par le précédent Gouvernement à l'inspection générale des finances (IGF), l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), suite au dépôt de la proposition de loi par Mme Nicole Bonnefoy, sénatrice de la Charente, visant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, avait pour objet de mener une réflexion sur le périmètre de l'indemnisation (populations bénéficiaires et produits phytopharmaceutiques visés) et son dimensionnement. Le rapport IGAS/IGF/CGAAER, remis au Gouvernement le 13 février 2018, préconise en priorité d'améliorer la réparation dans le cadre des régimes accidents du travail et maladies professionnelles en facilitant la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux expositions aux produits phytopharmaceutiques et en améliorant leur prise en charge. Les ministres de la santé, du travail et de l'agriculture ont ainsi choisi de privilégier, comme suggéré dans le rapport, la voie d'amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles des travailleurs (agricoles et non agricoles) exposés aux pesticides. Ainsi, le Gouvernement a demandé aux présidents de la commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles du conseil d'orientation des conditions de travail, pour le régime général de la sécurité sociale, et de la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture, pour le régime agricole, de lancer des travaux visant à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux produits phytopharmaceutiques en fonction des connaissances scientifiques les plus récentes. Les commissions étudieront notamment l'opportunité de créer ou réviser des tableaux de maladies professionnelles et de les étendre à d'autres pathologies liées aux expositions professionnelles aux produits phytopharmaceutiques. En complément, des recommandations seront adressées aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles afin d'harmoniser les décisions de reconnaissance pour les maladies professionnelles ne relevant pas des tableaux. Afin de fournir une assise scientifique plus solide aux travaux de ces commissions, le Gouvernement a missionné l'institut national de la santé et de la recherche médicale, en lien avec les autres agences, notamment l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, afin de fournir une étude actualisée des liens entre pathologies et exposition professionnelle aux pesticides. Il est important de pouvoir fonder les décisions sur les données les plus récentes, or la précédente étude a compilé les données jusqu'en 2013 et la connaissance a nettement progressé depuis. Enfin, pour les exploitants agricoles, le Gouvernement souhaite également mener une concertation pour améliorer, si besoin, leur indemnisation, dont le rapport souligne que le niveau est moindre que pour les salariés agricoles. Ce travail s'inscrit dans la réforme globale annoncée par le Président de la République lors de la multilatérale du 17 juillet avec les organisations syndicales. Le sujet de la santé au travail y sera inscrit. Différentes pistes de travail seront étudiées afin d'améliorer la prévention, le suivi des travailleurs potentiellement concernés et des modalités adaptées d'indemnisation. Les travaux devraient débuter dès septembre 2018. La création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques a été largement débattu lors de l'examen, au sénat, de la proposition de loi de Mme Bonnefoy, mais également lors du débat parlementaire sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et agroalimentaire et une alimentation, saine, durable et accessible à tous. La mise en place d'un tel fonds pose des questions d'équité entre les personnes souffrant de maladies professionnelles, certaines étant alors moins bien indemnisées que d'autres, et pourrait introduire également une rupture d'égalité entre les victimes de maladies liées aux produits phytopharmaceutiques en fonction de l'origine de l'exposition à ces produits. En outre, les modalités de financement d'un tel fonds ne sont pas définies. Le rapporteur à l'assemblée nationale du projet de loi a soumis un amendement visant à obtenir, dans un délai de 9 mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport du Gouvernement permettant d'étudier en détail les modalités de financement et de création d'un tel fonds. La réalisation de ce rapport viendra utilement compléter les éléments du précédent rapport, et permettra d'accompagner les travaux en cours sur les modalités d'indemnisation des professionnels agricoles dans le cadre de l'amélioration de la procédure accident du travail et maladie professionnelle.

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