Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 14/06/2018

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la réforme des concours d'accès à la police nationale.

La particularité de la police nationale se trouve dans la diversité de son corps. Jusqu'à récemment, l'« esprit de police » amenait les différents corps à collaborer dans les affaires civiles, afin d'assurer le maintien et le rétablissement de l'ordre public.

Or, aujourd'hui, on constate que l'ensemble des corps de la police s'est militarisé, se confondant de plus en plus avec la gendarmerie. Par exemple, le concours de gardien de la paix privilégie un profil de « bon soldat », au détriment de hauts potentiels, certes moins aseptisés, mais désireux d'enquête ou de renseignement. De plus, il est plus aisé et rapide pour un magistrat que pour un officier de devenir commissaire, alors même que l'officier et le commissaire sont tout deux membres de la police nationale.

Les modalités des concours de police entraînent la perte de hauts potentiels. Pour espérer rendre les concours plus attrayants, il devient impératif de redéfinir la diversification de la police nationale en distinguant deux axes : sécurité et ordre public d'une part, judiciaire et renseignement d'autre part ; de diminuer les étapes de recrutement et de réduire le temps de formation de quatre à deux ans pour les commissaires.

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il envisage pour faire évoluer ces concours, et si ces propositions lui semblent intéressantes.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 23/08/2018

Les personnels actifs de la police nationale sont répartis en trois corps : le corps d'encadrement et d'application, le corps de commandement et le corps de conception et de direction. À chaque corps correspondent des métiers et des fonctions clairement identifiés, notamment par des dispositions statutaires. Les conditions de recrutement sont à cet égard adaptées tant aux qualifications et qualités recherchées qu'à la volonté de favoriser la promotion interne et la diversité. En tout état de cause, estimer que la police nationale se serait « militarisée » et que les modalités de recrutement la priveraient de « hauts potentiels » n'est pas conforme à la réalité. Le niveau de sélectivité du concours externe de commissaires de police doit à cet égard être souligné (616 candidats inscrits pour 28 postes à la session 2018). Par ailleurs, le recrutement des commissaires de police s'effectue suivant quatre dispositifs qui assurent tant la sélection de profils de grande qualité que la promotion interne. Pour 50 % des emplois à pourvoir, les commissaires sont recrutés par concours externe accessible aux candidats de nationalité française, âgés de trente-cinq ans au plus et titulaires d'un master. Pour 20 % des emplois à pourvoir, ils sont recrutés par un concours interne accessible aux fonctionnaires civils et militaires ou agents de l'État, des collectivités territoriales, d'un établissement public ou d'une organisation internationale intergouvernementale, âgés au plus de 44 ans et justifiant de quatre ans de services publics effectifs. Enfin, pour 30 % des emplois à pourvoir, ils sont recrutés par voie d'accès professionnelle (VAP), accessible aux officiers de police, âgés au plus de cinquante ans, comptant au moins sept années d'ancienneté à compter de leur titularisation dans le corps de commandement. Par ailleurs, chaque année, un à deux postes sont pourvus par détachement, accessible aux fonctionnaires civils appartenant à un corps, à un cadre d'emploi ou à un emploi public dont l'indice brut terminal est au moins équivalent à l'indice brut terminal du corps de conception et de direction de la police nationale. Les concours d'accès aux corps actifs de la police nationale ont fait l'objet d'une réforme en 2014. S'agissant des commissaires de police, cette réforme s'est traduite par deux importantes modifications. En phase d'admissibilité, a été introduite une épreuve de résolution de cas pratiques, à partir d'un dossier documentaire à caractère administratif, commune aux concours externe et interne, et une épreuve de cas pratiques de droit pénal et de procédure pénale pour le concours interne. Par ailleurs, en phase d'admission, ont été introduites des mises en situation ainsi qu'une épreuve de gestion du stress. Depuis les sessions 2015, ces épreuves permettent d'évaluer plus finement des qualités tenant à la personnalité et au « savoir-être » nécessaires pour exercer efficacement des responsabilités de chef de service. Il y a lieu également de noter, s'agissant du souhait de réduction de la durée de scolarité « de quatre à deux ans » formulé dans la question, que la scolarité des commissaires de police dure 22 mois. La promotion interne est une préoccupation ancienne de l'administration et il ne saurait à cet égard être considéré qu'il serait « plus aisé et rapide pour un magistrat de devenir commissaire que pour un officier ». Les officiers de police peuvent en effet accéder au corps de conception et de direction de la police nationale par concours, sous réserve de remplir les conditions d'accès, ainsi que par la voie d'accès professionnelle, accessible uniquement aux officiers (17 postes sur les 58 offerts globalement à la session 2018). Au total, 50 % des commissaires sont recrutés par la voie interne. S'agissant des magistrats souhaitant devenir commissaires de police, ils peuvent se porter candidat soit dans le cadre des concours (se trouvant alors en concurrence avec les autres candidats), soit au titre d'un détachement (sur les cinq dernières années,  trois magistrats ont ainsi été recrutés). S'agissant, enfin de la proposition de distinguer deux axes (« sécurité et ordre public », « judiciaire et renseignement ») dans les modalités de recrutement, une telle proposition imposerait aux candidats, dès la phase de sélection, de se positionner pour une de ces deux catégories de fonctions. Les changements de filière en cours de carrière seraient ainsi rendus difficiles. Par ailleurs, la grande diversité des métiers de la police nationale permet l'accès à un large choix de fonctions et offre l'opportunité de changements tout au long de la carrière, ce qui constitue un élément d'attractivité. Pour autant, il est naturellement indispensable de rechercher sans cesse les meilleurs talents et les profils les mieux adaptés et de faire par conséquent évoluer chaque fois que nécessaire les modalités de recrutement. Les processus de sélection sont donc régulièrement adaptés. Ainsi, alors qu'actuellement 50 % des postes offerts au recrutement des gardiens de la paix sont réservés à un concours accessible uniquement aux adjoints de sécurité, aux cadets de la République et aux gendarmes adjoints volontaires, une modification en cours des textes réglementaires applicables vise à instituer, à compter de la session de septembre 2019, un concours interne ouvert aux fonctionnaires et agents de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics ainsi qu'aux militaires. Enfin, il importe de souligner que la cohésion et la solidarité sont des valeurs cardinales pour la police nationale, que le ministère de l'intérieur s'attache à encore renforcer, comme il s'attache à mieux valoriser les agents et les actions des policiers de tous corps qui la composent, et à sans cesse améliorer la gestion des ressources humaines. Le développement et la valorisation du capital humain de la police nationale doit en effet constituer le centre de toute politique de gestion des ressources humaines. Le maintien de la cohésion des services et d'une culture partagée entre tous les personnels de la police nationale constitue plus que jamais une priorité. C'est dans ce cadre que la direction générale de la police nationale entend développer toutes les possibilités de temps de formation communs à l'ensemble des personnels de la police nationale, et d'abord aux trois corps actifs. L'exemple du stage « maintien de l'ordre – violences urbaines », dispensé dans un même cadre aux commissaires, officiers et gardiens de la paix, et unanimement apprécié, témoigne des potentialités en la matière. Il permet, outre la qualification opérationnelle des participants, des moments de rencontre privilégiés où chacun peut confronter son appréhension des missions de police et mieux se connaître. À la demande du directeur général de la police nationale, une mission sur les « apprentissages partagés » va être conduite, afin de réfléchir aux moyens possibles d'approfondir les possibilités, dans le respect du positionnement de chacun, d'organiser des formations communes aux commissaires, officiers et gardiens de la paix.

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