Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 06/07/2018

Question posée en séance publique le 05/07/2018

M. François Grosdidier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, car elle porte à la fois sur l'intérieur, la justice et le budget.

Les policiers et les gendarmes vont mal. Les suicides, les manifestations de policiers en colère ont révélé un malaise aux causes multiples. D'où l'idée de notre collègue Gérard Longuet, relayée par notre président Bruno Retailleau, de constituer une commission d'enquête sénatoriale. Elle a travaillé cinq mois, sous la présidence de Michel Boutant, dans le consensus le plus large, sans aucun présupposé, en toute objectivité.

En cinq mois d'investigations, nous avons pu constater l'étendue et la profondeur du malaise. Nous en avons aussi identifié les causes : insuffisance de moyens, locaux vétustes et même indignes, véhicules usés jusqu'à la corde, mettant en danger les personnels, équipements insuffisants.

En termes de moyens humains, se posent la question des effectifs, mais surtout celle de la répartition du temps : les deux tiers sont « mangés » par la procédure pénale, il ne reste qu'un tiers pour l'opérationnel. Il nous est également apparu un problème profond de management, surtout dans la police. Nos forces de sécurité sont sollicitées comme jamais : 22 millions d'heures supplémentaires non payées et pas récupérables, des vies de famille rendues impossibles, des risques physiques accrus, du terrorisme aux violences quotidiennes, doublés de risques juridiques. On le voit encore à Nantes, où certains présument la bavure et commettent des violences urbaines.

Policiers et gendarmes sont en quête de sens et de reconnaissance : de reconnaissance, quand ils ne sont soutenus ni par leur hiérarchie ni par les magistrats ; de sens, quand ils pédalent sur un vélo sans chaîne, faute de réponse pénale adaptée.

Nous proposons des solutions : un rattrapage en investissement, à portée du budget de l'État ; des révolutions culturelles en termes de management dans la police, de procédure et de réponse pénales, qui ne demandent que de la volonté politique. Avez-vous, monsieur le Premier ministre, cette volonté ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)


M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 06/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2018

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur François Grosdidier, votre assemblée a rendu publiques, avant-hier, les conclusions de la commission d'enquête qu'elle a consacrée à l'état des forces de sécurité intérieure.

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, avait lui-même été entendu par cette commission d'enquête. Vous avez eu l'occasion d'analyser avec lui les causes de ce malaise. J'insisterai sur trois d'entre elles : la sollicitation croissante des policiers et des gendarmes dans le contexte de la menace terroriste, bien sûr ; le sentiment d'une perte de sens devant la lourdeur de certaines procédures ; enfin, la diminution régulière des effectifs entre 2007 et 2012, avec la suppression de 12 500 postes de policier ou de gendarme. (Mme Catherine Procaccia s'exclame.)

Pour répondre à ce malaise qui, bien entendu, ne remonte pas à une année, le Gouvernement a donné une priorité très marquée à la sécurité. Permettez-moi de souligner que cela faisait longtemps qu'un gouvernement n'avait pas fait autant dans ce domaine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Todeschini. Arrêtez !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Depuis un an, des engagements financiers ont été pris. Les crédits consacrés à la seule police nationale, par exemple, ont augmenté, en un an, de 2 %.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quelle hausse…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un effort particulier a été réalisé en matière d'investissements immobiliers, avec 196 millions d'euros de crédits par an pendant trois ans pour la police et 100 millions d'euros pour la gendarmerie, c'est-à-dire 9 % de plus pour l'une et 5 % de plus pour l'autre.

Par ailleurs, sur le plan humain, il sera créé 10 000 postes supplémentaires de policier et de gendarme au cours du quinquennat.

M. le président. Il va falloir conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons mis en place la police de sécurité, nous avons créé trente quartiers de reconquête républicaine (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains), nous avons renforcé les effectifs de gendarmerie.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons accéléré le rythme des dotations numériques pour la gendarmerie et la police. La garde des sceaux est en train de préparer…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … un projet de loi simplifiant la procédure pénale ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique.

M. François Grosdidier. Madame la ministre, je regrette que M. le Premier ministre ne m'ait pas répondu. Vous nous confirmez ne pas avoir pris la mesure du problème. (Absolument ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Le problème, ce n'est pas ce que droite et gauche ont fait ou n'ont pas fait avant vous ! Vous êtes aux responsabilités, la situation est urgente et des phénomènes nouveaux apparaissent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Nadia Sollogoub et Nathalie Delattre applaudissent également.)

La réforme de la procédure pénale que vous nous annoncez, ce n'est qu'un dixième de ce qu'il faudrait faire ! Vous dites vouloir renouveler le parc de véhicules de la gendarmerie, mais vous ne budgétisez que le nécessaire pour maintenir la moyenne d'âge à huit ans, en annulant 40 % des acquisitions…

M. le président. Il faut conclure !

M. François Grosdidier. … et en gelant les décisions.

Par conséquent, vous êtes très, très loin du compte. Il faut espérer que la prise de conscience se fera et que vous prendrez enfin les mesures nécessaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nathalie Delattre et Gisèle Jourda applaudissent également.)

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