Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - Les Républicains) publiée le 06/07/2018

Question posée en séance publique le 05/07/2018

M. Jean-François Husson. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Comme beaucoup, j'ai la conviction qu'il n'y a pas d'économie forte sans industrie forte.

Or l'industrie française n'occupe pas la place qui devrait être celle de la cinquième puissance mondiale. Le déficit commercial de notre industrie s'accroît et nuit à la compétitivité économique et à l'emploi.

La politique industrielle de la France est aujourd'hui à la croisée des chemins. Elle est trop souvent abordée pour dénoncer ses insuffisances lorsque les projecteurs médiatiques sont braqués sur des dossiers brûlants : Alstom à Belfort, Arcelor Mittal à Florange, les Conti, sans oublier Whirlpool à Amiens et bien d'autres.

Votre gouvernement a, dans ce contexte, une responsabilité importante, monsieur le Premier ministre. Il doit afficher une politique industrielle ambitieuse, toute entière tournée vers la modernisation de notre industrie, s'inscrivant dans les objectifs de transformation et de transition écologique que vous affichez.

Dans mon département, au sein de l'espace métropolitain du Grand Nancy, la vallée du sel compte 5 000 emplois industriels, directs et indirects.

Le Gouvernement a lancé en août 2017 un appel d'offres biomasse, auquel la société Novacarb, forte de 1 300 emplois, a répondu. Il vise à substituer la biomasse au charbon comme énergie pour assurer la pérennité et le développement d'une unité de production de bicarbonate plus que centenaire, avec, à la clé, la création de 100 emplois. Or la réponse se fait toujours attendre, malgré une mobilisation générale unanime en faveur de ce projet.

Monsieur le Premier ministre, quelle est la stratégie de l'État en faveur et au service de l'industrie française ? Quels moyens d'action prévoyez-vous ? Confirmez-vous votre engagement de soutenir le projet Novawood à Laneuveville-devant-Nancy, une solution qui répond aux objectifs écologiques et économiques de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 06/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Husson, je vous rejoins volontiers lorsque vous dites qu'il est difficile d'envisager l'avenir d'un pays comme la France, sa force et sa puissance, sans une industrie compétitive. Je le crois profondément. La question qui nous est posée est celle non pas d'un attachement théorique à l'industrie, mais d'une véritable politique industrielle, plus exactement d'une politique permettant de renforcer la compétitivité de nos industries.

C'est la raison pour laquelle je me suis engagé résolument, avec le Gouvernement, à la suite d'un certain nombre d'initiatives qui avaient déjà été prises, et en essayant d'en impulser d'autres, dans une logique de structuration des filières industrielles par elles-mêmes – nous considérons en effet que la logique des filières industrielles est probablement la plus féconde pour développer la compétitivité de notre industrie –, de simplification des normes applicables, de soutien et de financement de l'innovation – je pense notamment au financement de l'innovation de rupture, au travers d'instruments comme les produits de cession de certaines participations de l'État au capital de grandes entreprises – et de réduction de la fiscalité applicable au monde de la production en général et à l'industrie en particulier, avec notamment une perspective de diminution de ce que l'on appelle la fiscalité de production.

Nous sommes donc résolument engagés en ce sens et, comme vous, monsieur le sénateur, nous pensons qu'il faut concilier cette politique industrielle avec l'impératif de transition écologique formulé par ce gouvernement et porté, notamment, par le ministre d'État, Nicolas Hulot.

Le cas que vous évoquez, celui de la vallée du sel et de l'appel d'offres qui a été lancé, s'inscrit dans un certain nombre de programmes envisagés par les gouvernements successifs, dont l'idée est de faire en sorte que nous puissions produire de l'électricité en utilisant la biomasse.

J'ai examiné ces appels d'offres et j'ai constaté qu'ils conduisent le contribuable et le consommateur à payer l'électricité à un prix au moins trois fois supérieur à celui du marché. Je comprends l'argumentation selon laquelle il peut être légitime, pour développer une filière industrielle et sauver des emplois, de faire surpayer le consommateur. Cela peut avoir un impact, et nous l'avons déjà fait.

Toutefois, dans le cas que vous mentionnez, l'appel d'offres conduirait à un engagement d'environ 850 millions d'euros d'argent public, pour une solution qui créerait une centaine d'emplois. C'est très important, mais, compte tenu de notre attachement à l'industrie française, nous pouvons nous poser la question de savoir si ces 850 millions d'euros d'argent public seraient véritablement employés comme ils doivent l'être, et effectivement employés pour servir la compétitivité de l'industrie française. En vérité, monsieur le sénateur, je n'en suis pas sûr.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au préfet de reporter la date d'effet des obligations réglementaires qui s'imposent à l'entreprise, pour laisser à celle-ci le temps de s'adapter.

Il me semble indispensable de ne pas prendre par surprise l'entreprise et ses salariés, mais je crois que nous pouvons aussi nous fixer comme objectif que le soutien à l'industrie française, certes indispensable et légitime, doit prendre la forme la plus efficace.

Très souvent, j'ai rappelé que, lorsque nous engageons de l'argent public, quel que soit le domaine concerné, nous devons nous demander si nous le déployons de façon efficace, c'est-à-dire si nous préparons l'avenir et si nous nous atteignons les objectifs que nous nous sommes fixés. Faire surpayer l'électricité par le consommateur et verser des subventions considérables, qui n'ont d'ailleurs pas été financées et qui ne figurent dans aucune trajectoire de finances publiques, n'est pas, me semble-t-il, le meilleur moyen de soutenir l'industrie française.

C'est la raison pour laquelle je m'engage à travailler avec l'entreprise et les autorités publiques locales pour trouver des solutions efficaces, peut-être moins triviales que cet appel d'offres, pour soutenir cette entreprise et préserver le développement industriel français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de votre réponse argumentée, pleine de sagesse, empreinte d'une vision stratégique et économique.

Dans mes responsabilités relatives à l'écologie et au développement durable à la commission des finances, et en tant qu'élu du territoire, je suis disposé, à vos côtés et en faisant appel à toutes les bonnes volontés, à chercher une voie d'avenir et des solutions répondant aux préoccupations de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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