Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 26/07/2018

M. Maurice Antiste attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, quant aux entraves à la libre circulation sur le territoire national, que génèrent les doubles contrôles aux frontières dans les aéroports de la capitale pour les Français des Antilles.

L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose que « dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté et aux abords de ces gares (…), l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi ». L'utilité de telles mesures ne souffre d'aucune contestation quand il s'agit de voyageurs étrangers, surtout en période d'état d'urgence, mais cela pose question lorsqu'il s'agit de Français résidant aux Antilles qui se voient soumis à un double contrôle d'identité au moment de leur départ (de Martinique par exemple) et à leur arrivée sur le territoire hexagonal (aéroport d'Orly).

Selon lui, ce double contrôle d'identité présente deux problèmes majeurs : il constitue d'une part une atteinte certaine et injustifiée au principe de la libre circulation des personnes dans le cadre de la continuité territoriale, en donnant l'impression à juste titre aux Français des Antilles d'être traités différemment des autres Français. Ce double contrôle constitue d'autre part un risque accru de troubles à l'ordre public du fait du nombre important de passagers patientant devant les postes de la police aux frontières, situation d'autant plus inquiétante qu'elle s'intensifie dans une période où la menace terroriste est plus que jamais présente et que les personnes concernées doivent parfois patienter dans des espaces où ils n'ont pas encore fait l'objet de fouilles.

Enfin, il va de soi que cette situation entraîne également une augmentation des temps d'attente pour les passagers qui doivent effectuer les formalités de police pour accéder à la salle d'embarquement des terminaux aéroportuaires, et par ricochet pour les compagnies aériennes effectuant les liaisons entre la capitale et les Antilles-Guyane, qui dénoncent un préjudice économique lié au retard causé par la lourdeur des formalités de police.

Par conséquent, il voudrait savoir s'il existe une réglementation qui justifie une telle inégalité de traitement. Puis il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet, et plus particulièrement les mesures qui permettront aux Français des Antilles de bénéficier des mêmes conditions de voyage que les autres voyageurs dont le point de départ et la destination se trouvent également sur le territoire national, au nom du respect de la continuité territoriale.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/09/2018

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu'il convient de distinguer les contrôles relatifs au franchissement des frontières, qui sont des contrôles d'entrée ou de sortie de territoire, et les contrôles d'identité opérés en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Ces deux types de contrôle, régis par des cadres juridiques différents, sont distincts et ne poursuivent pas les mêmes finalités. Les contrôles d'identité effectués en application du neuvième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale évoqués dans la question écrite ne sont pas des contrôles relatifs au franchissement des frontières : ils n'ont pas pour finalité de contrôler si une personne satisfait aux conditions d'entrée sur le territoire. Ils sont destinés à vérifier, « dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international », et non à la frontière elle-même, « le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents » sous le couvert desquels une personne est autorisée à circuler et séjourner sur le territoire, dans un objectif de « prévention et [de] recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière ». S'agissant du contrôle aux frontières concernant les Antilles, les points suivants peuvent être rappelés. Si l'espace Schengen est fondé sur la suppression du contrôle des personnes aux frontières intérieures communes entre les États membres et son report aux frontières extérieures, l'article 138 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990, stipule toutefois que « les dispositions de la présente Convention ne s'appliqueront, pour la République française, qu'au territoire européen de la République française ». Cette restriction territoriale figure également dans le considérant 37 du règlement 2016/399 du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : « [...]les territoires français et néerlandais auxquels s'applique le présent règlement s'entendent des seuls territoires européens de la France et des Pays-Bas [...] ». En application du code frontières Schengen, les personnes entrant dans l'espace Schengen sont contrôlées par l'État membre dont elles franchissent la frontière extérieure. Les passagers qui arrivent sur le territoire métropolitain en provenance d'outre-mer font l'objet d'un contrôle dans la mesure où ils entrent dans l'espace Schengen. Les gardes-frontières vérifient, dans les aéroports métropolitains, que les conditions d'entrée et de sortie de l'espace Schengen sont remplies en application des articles 6 à 8 du code frontières Schengen. Le régime juridique qui s'applique aux voyageurs en provenance des départements d'outre-mer résulte donc de la non-appartenance des territoires ultra-marins à l'espace Schengen. Ce régime s'appliquant aux voyageurs ultra-marins comme aux voyageurs métropolitains, aucun traitement différencié n'est donc appliqué à l'égard des ultra-marins. Les attentats ayant frappé la France et plusieurs autres pays européens depuis 2015 et la persistance de la menace terroriste ont rendu nécessaire le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'espace Schengen. À l'initiative de la France et de l'Allemagne, le code frontières Schengen a ainsi été modifié au printemps 2017 afin de renforcer les contrôles aux frontières extérieures et donc la sécurité de l'espace Schengen. En application du nouvel article 8-2 du code frontières Schengen, entré en vigueur le 7 avril 2017, tous les voyageurs (ressortissants des pays de l'Union européenne comme des pays tiers) font l'objet de vérifications systématiques aux fichiers (français et européens) à l'entrée et à la sortie de l'espace Schengen. Plus généralement, il convient de rappeler qu'après les attentats de 2015, les mesures de contrôle à la frontière ont été renforcées conformément aux dispositions prévues par le code frontières Schengen dans ce type de contexte exceptionnel. Les services des douanes et de la police aux frontières mettent tout en œuvre, avec les partenaires concernés, pour limiter l'impact de ces mesures sur la fluidité du franchissement des frontières. Le « double contrôle » opéré sur les passagers en provenance des départements d'outre-mer répond aussi aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. N'appartenant pas à l'espace Schengen, les départements d'outre-mer (DOM) (dont les lignes frontières constituent des « points de passage contrôlés ») mettent en œuvre les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, différentes de celles du code frontières Schengen. Pour les vols en partance de l'outre-mer, un premier contrôle est donc exercé au départ, en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puis un second contrôle est opéré à l'arrivée dans l'espace Schengen (par exemple en métropole) en application du code frontières Schengen. S'agissant des contrôles à la sortie, tous les voyageurs quittant un territoire ultra-marin doivent se soumettre aux vérifications prévues par la réglementation (arrêté du 26 juillet 2011 modifié relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon). Toutefois, en 2010, sous l'égide du ministère chargé de l'outre-mer, la suppression des contrôles à l'arrivée des vols en provenance de Paris-Orly dans les aéroports des DOM a été expérimentée pour répondre notamment aux doléances des ultras-marins sur le « double contrôle ». Après une expérimentation d'une durée de six mois, ce dispositif a été pérennisé et étendu à l'ensemble des vols directs en partance des aéroports métropolitains vers la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion. Il a également été rendu applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et, depuis le 16 juillet, à Mayotte. Cette procédure a pu être mise en place en tant qu'elle concerne des sorties de l'espace Schengen. Pour les vols directs à destination de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, le contrôle des passagers (sortie de l'espace Schengen et entrée dans les territoires concernés) s'effectue donc dans les aéroports métropolitains de départ. Les documents de voyage des ressortissants de pays tiers sont compostés à l'arrivée dans l'un de ces territoires. À cet effet, un document d'information est remis à chaque voyageur concerné, au départ de la métropole, afin qu'il se présente, à l'arrivée, à l'aubette de police pour que son document de voyage soit composté. Pour les vols à destination des collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélémy), le dispositif de suppression du « double contrôle » ne s'applique pas. Les passagers sont ainsi contrôlés à la sortie de l'espace Schengen et à l'arrivée dans ces territoires.

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