Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOCR) publiée le 23/08/2018

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur sur le rapport qui lui a été remis le 23 mai, par la Mission volontariat, laquelle a été amenée à faire un choix très clair en faveur « d'un volontariat, reposant, sur un modèle altruiste, véritable socle du modèle français de secours et de gestion des crises et à refuser la professionnalisation, à temps partiel, du volontariat ».

Il lui indique que l'Union régionale des sapeurs pompiers Sud Méditerranée ainsi que les Unions régionales et départementales s'étonnent de l'absence de la mention de ce choix, dans toutes les communications du Ministère de l'Intérieur. L'URSPSM s'étonne également des orientations présentées le 19 juin dernier, en Conseil national des sapeurs pompiers volontaires (CNSPV), s'agissant des suites envisagées à l'arrêt dit Matzak du 21 février 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Or la CJUE considérant que le SPV doit être vu comme un travailleur avec son temps d'activité programmé comme temps de travail, il lui fait remarquer qu'une telle conception du rôle de SVP ne manquera pas de mettre en danger le volontariat lui même, alors que celui ci, avec près de 200 000 volontaires, constitue la clef de voûte du système français de sécurité civile.

Dès lors il lui précise que l'inquiétude est d'autant plus grande, que le CNSPV s'est vu proposer par la Direction de la sécurité civile et de gestion des crises (DGSCGC) : « une orientation présentée comme soumise à l'arbitrage du ministre, affichant la pertinence d'examiner les voies et les moyens de mettre la réglementation interne en conformité avec le droit européen. »

Il souhaite donc insister sur le fait, qu'une telle orientation aurait véritablement des conséquences catastrophiques sur l'organisation et l'efficacité même de notre système de Sécurité Civile.

Il lui demande donc, d'une part, s'il entend prendre clairement position sur le modèle dont la France doit se doter au XXIe siècle, et qui repose « sur un engagement du sapeur pompier volontaire, altruiste et généreux, l'éloignant ainsi de la qualification de travailleur » et, d'autre part, s'il est bien dans ses intentions de solliciter les instances européennes, afin d'exempter le volontariat de toute application de la directive sur le temps de travail.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 05/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018

M. Roland Courteau. Je souhaite appeler l'attention du ministre de l'intérieur sur le problème posé, pour nos sapeurs-pompiers volontaires et le modèle français de secours, par l'éventuelle application de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, du fait de la jurisprudence de la Cour de justice européenne.

L'arrêt Matzak menace la pérennité du modèle français de secours. En effet, assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs conduirait à appliquer au volontariat des règles de repos quotidien de sécurité et de plafond de temps de travail qui rendraient impossible à toute personne en activité de devenir sapeur-pompier volontaire. Ce serait la fin d'un modèle unique d'engagement citoyen altruiste et généreux, avec une ressource en sapeurs-pompiers volontaires considérablement réduite.

Disons-le clairement : sans volontariat, plus de secours. La professionnalisation à temps partiel, faute de sapeurs-pompiers volontaires en nombre suffisant, oblige la Suède à faire appel à la solidarité européenne. Disons-le tout aussi nettement, nous ne pouvons accepter que cette menace mette en péril et les ressources, et la sécurité civile, et la continuité de l'engagement de celles et de ceux qui agissent de manière altruiste au profit de leurs concitoyens.

Je rappelle que la mission pour la relance du volontariat, dont notre collègue Catherine Troendlé fut l'un des rapporteurs, a été amenée à faire un choix très clair en faveur d'un volontariat reposant sur un modèle altruiste, véritable socle du modèle français de secours et de gestion des crises, et à refuser la professionnalisation à temps partiel. J'avais été conduit à faire quelques propositions à cette occasion, qui ont d'ailleurs été retenues.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour que ce modèle unique ne soit en aucun cas remis en cause ? Quelles démarches entendez-vous engager ? Je rappelle que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France estime nécessaire la mise en chantier d'une directive spécifique permettant de protéger l'engagement volontaire dans l'ensemble des services de sécurité et de secours d'urgence, comme l'ont proposé le Sénat et les fédérations allemande, autrichienne et néerlandaise.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de mes collègues du ministère de l'intérieur, qui, dans le contexte que nous connaissons, rencontrent ce matin les syndicats de policiers.

La sécurité civile française repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et sa robustesse : par son organisation et son implantation territoriale cohérente, il permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la sécurité des Français au quotidien, doit être protégé et conforté.

L'objet de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail est de garantir à tous les travailleurs de l'Union européenne un socle de droits communs harmonisés et protecteurs.

L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018, dit « arrêt Matzak », suscite une inquiétude chez les sapeurs-pompiers volontaires, qui craignent une remise en cause du modèle français de sécurité civile.

En effet, l'assimilation sans aménagement du volontariat à un travail pourrait limiter sa compatibilité avec tout autre emploi salarié en ce que le cumul d'activités résultant de cette assimilation pourrait potentiellement conduire à un dépassement des plafonds, rendant le salarié inemployable à l'issue d'une période d'activité de sapeur-pompier volontaire.

Dès lors, le Gouvernement, qui entend et partage la préoccupation des sapeurs-pompiers volontaires et des élus, a immédiatement fait part de sa volonté de protéger notre système de secours, qui repose précisément, pour sa plus grande part, sur l'engagement citoyen des sapeurs-pompiers volontaires.

Plusieurs pistes de travail sont envisagées en vue de protéger ce modèle du volontariat, au travers de la transposition de la directive, d'une part, afin d'en exploiter les larges facultés de dérogation, via une démarche auprès des autorités européennes, d'autre part, pour consacrer le caractère spécifique de l'activité de sapeur-pompier volontaire.

Les élus et les sapeurs-pompiers peuvent compter sur la mobilisation du Gouvernement pour préserver le modèle français de sécurité civile, qui constitue une vitrine et une référence dans les actions de coopération européenne et internationale conduites par la France.

À titre plus personnel, j'espère que le service national universel, qui sera mis en place progressivement, permettra de renforcer le volontariat et suscitera parmi nos jeunes des vocations de sapeur-pompier volontaire, pour faire vivre le modèle de sécurité civile de notre pays.

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