Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 13/09/2018

M. Éric Bocquet interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le problème de la crémation des citoyens français décédés à l'étranger.

Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger se fait dans un cercueil en zinc hermétiquement clos, pour des raisons d'hygiène, de santé publique et de prévention des trafics illicites. Ceci découle de l'application de l'arrangement de Berlin du 10 février 1937 et de l'accord de Strasbourg du 26 octobre 1973 sur le rapatriement des corps.

Or, ces cercueils en zinc ne peuvent pas être incinérés, car ils risqueraient d'endommager les crématoriums. Une incinération impliquerait un changement de cercueil et donc l'ouverture du premier cercueil en zinc. Or, selon le code général des collectivités territoriales, la fermeture du cercueil est définitive, le code pénal prévoyant de lourdes sanctions en cas de changement de cercueil, qui constituerait une violation de sépulture.

Les familles se voient ainsi contraintes d'inhumer leur proche décédé, ne pouvant ainsi respecter les dernières volontés du défunt, ce qui va à l'encontre d'un droit fondamental, celui du libre choix pour chacun d'organiser ses funérailles.

Seul le procureur de la République peut permettre une dérogation à cette règle, à titre exceptionnel, en permettant l'ouverture du cercueil.

Cette difficulté juridique a été étudiée par la doctrine, qui préconise de donner la compétence au juge d'instance, qui pourra rendre une décision rapide sur le changement de cercueil, et ainsi permettre de procéder aux funérailles du défunt dans les six jours suivant le retour du corps sur le sol français.

Dans le département du Nord, frontalier sur toute sa longueur avec la Belgique, comme pour tous les départements frontaliers, cette situation a d'autant plus de probabilité de se présenter que le flux de travailleurs transfrontaliers est important.

Toutefois, outre les accords bilatéraux qui pourraient être conclus avec les pays frontaliers, la question concerne l'ensemble des Français résidant à l'étranger, dont le nombre est en constante augmentation, sans compter les déplacements touristiques et professionnels de nos concitoyens.

Le développement de la crémation, que les Français choisissent de plus en plus nombreux pour leurs obsèques, mériterait qu'une réponse légale soit apportée à cette problématique.

C'est pourquoi il souhaite l'interroger sur les solutions qui pourraient être apportées pour faire évoluer la réglementation en la matière, et plus précisément sur l'attribution de la compétence pour le changement de cercueil.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Éric Bocquet. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le problème de la crémation des citoyens français décédés à l'étranger, laquelle crée une situation très particulière.

Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger se fait en effet dans un cercueil en zinc hermétiquement clos, pour des raisons d'hygiène, de santé publique et de prévention des trafics illicites. Cela découle de l'application de l'arrangement de Berlin et de l'accord de Strasbourg sur le rapatriement des corps.

Or ces cercueils en zinc ne peuvent pas être incinérés, car ils risqueraient d'endommager les équipements des crématoriums. Une incinération impliquerait un changement de cercueil, donc l'ouverture du premier cercueil en zinc. Or, selon le code général des collectivités territoriales, la fermeture du cercueil est définitive, le code pénal prévoyant de lourdes sanctions en cas de changement de cercueil, ce qui constituerait une violation de sépulture.

Les familles se voient ainsi contraintes d'inhumer leur proche décédé, ne pouvant respecter les dernières volontés du défunt, ce qui va à l'encontre d'un droit fondamental, celui du libre choix pour chacun d'organiser ses funérailles.

Seul le procureur de la République peut autoriser une dérogation à cette règle, à titre exceptionnel, en permettant l'ouverture du cercueil.

Cette difficulté juridique a été étudiée par la doctrine, qui préconise de donner la compétence au juge d'instance, qui pourra rendre une décision rapide sur le changement de cercueil et ainsi permettre de procéder aux funérailles du défunt dans les six jours suivant le retour du corps sur le sol français.

Dans le département du Nord, frontalier sur toute sa longueur avec la Belgique, comme pour tous les départements frontaliers, cette situation a d'autant plus de probabilités de se présenter que le flux de travailleurs transfrontaliers est important.

Toutefois, outre les accords bilatéraux qui pourraient être conclus avec les pays frontaliers, la question concerne l'ensemble des Français résidant à l'étranger, dont le nombre, on le sait, est en constante augmentation, sans compter les déplacements touristiques et professionnels de nos concitoyens.

Parallèlement, le développement de la crémation, que les Français sont de plus en plus nombreux à choisir pour leurs obsèques, mériterait qu'une réponse légale soit apportée à cette problématique.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur les solutions législatives qui pourraient être apportées pour faire évoluer la réglementation en la matière et, plus précisément, sur l'attribution de la compétence pour le changement de cercueil.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, comme vous l'avez rappelé, les prescriptions techniques applicables aux cercueils utilisés pour le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l'étranger sont issues de l'article 3 de l'arrangement de Berlin de 1937 et de l'article 6 de l'accord de Strasbourg de 1973. Ces deux conventions internationales prévoient l'utilisation d'un cercueil hermétique métallique, plus spécifiquement en zinc.

Vous l'avez souligné, de tels cercueils sont incompatibles avec la plupart des appareils de crémation utilisés en France, alors que l'article R. 2213-20 du code général des collectivités territoriales considère la fermeture d'un cercueil comme définitive après que les formalités légales et réglementaires ont été accomplies. Ainsi, une fois sur le territoire français, la translation d'un cercueil en zinc à un cercueil en bois qui permettrait la crémation n'est pas autorisée, sauf à constituer une violation de sépulture, infraction lourdement sanctionnée par le code pénal.

Si l'attention des services du ministère de l'intérieur est régulièrement appelée sur cette difficulté relative aux cercueils en provenance de l'étranger, ni la compétence du préfet ni celle du maire n'est fondée pour autoriser la réouverture d'un cercueil. Seul le procureur de la République, dans le cadre d'une procédure judiciaire, voire, dans certains cas exceptionnels, le juge d'instance, peut autoriser la réouverture d'un cercueil.

Dans le cas de transports transfrontaliers, les pays signataires de conventions sont libres d'accorder des facilités plus grandes par application d'accords bilatéraux. C'est sur ce fondement que la France et l'Espagne ont, en 2017, signé une convention relative au transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus à recourir à un cercueil hermétique métallique.

En collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la santé, une convention bilatérale est également en cours de finalisation avec la Belgique. L'enjeu principal de la signature de l'accord franco-belge est également le transport de corps par voie terrestre n'obligeant plus à recourir à un cercueil hermétique métallique.

Cela représente une grande avancée, puisque ces accords permettront de satisfaire les dernières volontés des défunts et, pour les familles, de réduire les coûts associés aux funérailles.

Par ailleurs, le Conseil national des opérations funéraires a été saisi de ce sujet et des études juridiques ont été engagées quant à l'évolution possible des textes en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour répondre à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, en dix secondes !

M. Éric Bocquet. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte des éléments de réponse que vous m'avez apportés et vous en remercie.

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