Question de M. KARAM Antoine (Guyane - LaREM-A) publiée le 20/09/2018

M. Antoine Karam interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'application d'une disposition du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, modifié par le Sénat le 25 juillet 2018, relative aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne en Guyane et à Mayotte.

Depuis plusieurs années, la Guyane et Cayenne en particulier sont touchées par une prolifération de l'habitat informel et des occupations illicites.

En septembre 2018, c'est une nouvelle affaire de squat qui agite l'actualité. Alors que les locaux avaient été signalés depuis plusieurs années aux forces de l'ordre par les riverains exaspérés par les nuisances, ceux-ci demeurent occupés illégalement et génèrent un climat d'insécurité dans le quartier. La situation, qui s'enlise en dépit des plaintes déposées, a dégénéré avec la menace de mort dont a été l'objet une personne du voisinage.

Ces faits d'une rare violence rappellent la nécessité d'éradiquer les occupations illicites en Guyane tant elles génèrent de grave troubles à l'ordre public.

Le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dont l'examen au Parlement s'achève, comporte des dispositions relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne en Guyane et à Mayotte. Selon celles-ci, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel et présentent des « risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique », le préfet de Guyane pourra ordonner aux occupants d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST).
À cet égard, il lui demande si ce dispositif permettra également d'agir plus rapidement et plus efficacement s'agissant des squats précités qui causent des troubles à l'ordre public.

Plus largement, il lui demande quelles actions complémentaires le Gouvernement compte mettre en œuvre pour mieux protéger les propriétaires et les riverains exposés, premières victimes des nuisances liées aux occupations illicites.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

M. Antoine Karam. Depuis plusieurs années, la Guyane et Cayenne, en particulier, sont touchés par une prolifération de l'habitat informel et des occupations illicites.

En septembre 2018, c'est une nouvelle affaire de squat qui a agité l'actualité. Des locaux qui avaient été signalés depuis plusieurs années aux forces de l'ordre par les riverains exaspérés par les nuisances demeuraient occupés illégalement, ce qui entraînait un climat d'insécurité dans le quartier.

En dépit des plaintes déposées et des procédures engagées, la situation s'est enlisée avant de dégénérer avec la menace de mort dont a été l'objet une personne du voisinage.

C'est dans ce contexte que les collectifs de citoyens ont décidé de procéder à l'évacuation du squat par leurs propres moyens. Oui, nous convenons tous ici que les citoyens ne peuvent se faire justice eux-mêmes et que l'État de droit doit être respecté. Je vous demande néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, d'entendre l'exaspération, la peur même, de ces femmes et de ces hommes qui n'admettent pas que, dans l'un des départements les plus criminogènes de France, on puisse laisser perdurer des années durant de telles situations d'insécurité sous leurs fenêtres. Ces faits d'une rare violence nous rappellent la nécessité d'éradiquer les occupations illicites en Guyane tant elles engendrent de graves troubles à l'ordre public.

Pour rappel, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, en voie de promulgation, comporte des dispositions relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne en Guyane et à Mayotte. Aux termes de ces dispositions, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel et présentent des « risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique », le préfet de Guyane pourra ordonner aux occupants d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, ce dispositif permettra-t-il également d'agir plus rapidement et plus efficacement s'agissant des squats que je viens d'évoquer, et qui causent de graves troubles à l'ordre public ?

Enfin, plus largement, quelles actions complémentaires le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour mieux protéger les propriétaires et les riverains exposés, car ils sont les premières victimes des nuisances liées aux occupations illicites ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, le département de Guyane, comme celui de Mayotte, voit se développer un habitat spontané important qui correspond à des zones d'habitations construites sommairement, de façon illégale, regroupant, dans des conditions d'hygiène déplorable, une population souvent en situation irrégulière.

En 2018, les gendarmes de Guyane ont prêté leur concours à l'expulsion des occupants de cinquante-neuf constructions illégales, dans le cadre de deux procédures prévues par le code des procédures civiles d'exécution : « l'assistance aux opérations d'exécution » et le « concours de la force publique ».

Il est précisé que la gendarmerie reste toujours un auxiliaire de « mise à exécution » d'une décision d'expulsion, qu'elle émane d'une autorité de justice ou d'une autorité administrative. Les gendarmes assistent toujours un huissier de justice.

Ces opérations d'expulsion proprement dites ne sont que l'aboutissement de procédures judiciaires et administratives, souvent très longues. Ces délais sont, comme vous l'avez souligné, incompatibles avec la préservation de l'ordre public lorsqu'il est gravement compromis.

La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique vise à résoudre cette difficulté. La nouvelle procédure d'expulsion qu'elle prévoit permettra une accélération des procédures d'expulsion en cas de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.

Elle ne supprime bien évidemment pas pour autant l'obligation de s'assurer que les locaux ou installations visés ont été édifiés sans droit ni titre, et qu'ils répondent bien aux critères d'un habitat informel.

Enfin, la procédure prévue n'est pas automatique. Les préfets apprécieront l'opportunité d'y recourir en veillant à ce que son usage soit proportionné au trouble constaté, tienne compte des possibilités de relogement des personnes expulsées et évite de créer une situation de trouble à l'ordre public plus dégradée que celle qui est constatée.

Mais je puis vous assurer que cette procédure sera bien mise en œuvre, dans les conditions que je viens de rappeler, et vous pouvez compter sur notre détermination pour la faire effectivement appliquer.

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