Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 13/09/2018

M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la formation initiale dans la police nationale.

Une des causes du mal-être ressenti par les agents de la police nationale réside dans une formation parfois inadaptée à la réalité du terrain et aux contraintes professionnelles. Les personnels font état d'attentes fortes en la matière. Une des critiques régulièrement formulées est le caractère insuffisamment pratique de la formation des policiers.

Sur les douze mois de formation des élèves gardiens de la paix, un stage de sept semaines est obligatoire au sein d'un service de sécurité publique. Concernant les officiers, il s'agit de 17 semaines de stage sur 18 mois de formation. Enfin, les commissaires, sur 22 mois de formation, effectuent trois à 20 semaines de stages pratiques. Mais les périodes d'enseignements sont jugées trop peu opérationnelles, notamment en raison de la faible intervention de personnels actifs issus du terrain dans les enseignements des écoles de police, qui formeraient les élèves à l'environnement sécuritaire et juridique dans lequel ils vont travailler. Au contraire, les enseignants sont actuellement tous des agents qui ont quitté leurs fonctions pour devenir formateurs à temps plein et qui ne sont plus en prise avec les évolutions professionnelles. La confrontation au terrain des élèves diplômés a donc lieu trop tardivement et pas suffisamment pendant la formation initiale.

La formation continue tout au long de la vie professionnelle des agents ne pallie pas ces lacunes malgré les préconisations d'un rapport de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) datant de 2015. Ne serait-ce que dans le domaine du tir, seuls 64% des agents ont réalisé les trois séances annuelles minimales de tir, soit 80 000 personnes, en 2017. Une part importante des agents de police ne bénéficie ainsi pas de l'entraînement suffisant au maniement des armes en toute sécurité.

Le problème se pose également dans la gendarmerie selon un rapport de son inspection en 2016.

Il lui demande si la direction générale de la police nationale, ainsi que celle de la gendarmerie, ont proposé des pistes d'évolution pour donner enfin une suite au rapport de l'IGPN et à la réforme de la formation de la police nationale de 2017 qui a eu, manifestement, peu d'impacts concrets.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/12/2018

Face à des menaces en constante évolution et à la diversité des enjeux, qu'il s'agisse de terrorisme, de criminalité organisée ou de délinquance du quotidien, la formation est un élément clé de l'efficacité des forces de l'ordre, au même titre que les moyens humains ou matériels. Elle est aussi au cœur de toute politique de gestion des ressources humaines, notamment un élément central du management. Elle est également essentielle pour promouvoir la solidarité et favoriser le partage de valeurs et d'une éthique communes entre tous les policiers, gage de cohésion de l'institution policière. Des réflexions approfondies sur la formation ont été engagées depuis deux ans pour renforcer la place de la formation au cœur des priorités de la police nationale et les adapter aux évolutions du contexte opérationnel. Une réforme lancée en 2016 s'est concrétisée avec la création, par arrêté du 27 janvier 2017, d'une direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) qui exerce son autorité sur l'ensemble du réseau du recrutement et de la formation, incluant le ressort de la préfecture de police, ainsi que la tutelle sur l'école nationale supérieure de la police (ENSP). Cette approche globale garantit l'unité de la police, la cohérence et la cohésion de la chaîne hiérarchique. « La réalité du terrain » et les « contraintes professionnelles » évoquées dans la question écrite sont naturellement au cœur de la formation. S'agissant de la scolarité des gardiens de la paix, les élèves effectuent une scolarité de douze mois séquencée en cinq phases, dont une séquence dite d'alternance de sept semaines en service opérationnel et un « module d'adaptation au premier emploi » de trois semaines en école de police. La direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale a élaboré début 2017, en concertation avec les directions opérationnelles, un « référentiel emploi » permettant de répertorier l'ensemble des missions, tâches et procédures d'action exercées au cours des trois premières années d'exercice. Le principal enjeu consiste désormais à mettre en place un dispositif innovant qui puisse inscrire la formation des élèves-gardiens dans un continuum associant formation initiale, basée sur l'acquisition des compétences indispensables à l'exercice du métier, et formation continuée, au cours de laquelle l'expérience du terrain facilite l'appréhension et l'approfondissement des apprentissages. S'agissant de la formation continue dans le domaine du tir, la réforme du dispositif de formation continue a abouti à la publication de l'arrêté du 27 juillet 2015 relatif à la formation continue aux techniques et à la sécurité en intervention (TSI) des personnels actifs de la police nationale et des adjoints de sécurité. En application de ce texte, l'organisation des séances de tir et l'entraînement aux TSI constituent une obligation de suivi d'un minimum de douze heures annuelles d'entraînement pour l'ensemble des fonctionnaires actifs et des adjoints de sécurité. Ce nouveau cadre réglementaire introduit de la souplesse dans le déroulement des séances afin de faciliter leur exercice concret. Ces évolutions se sont traduites par une augmentation sensible du nombre d'agents formés dans le cadre des séances réglementaires de formation au tir (123 548 agents formés en 2012 ; 136 658 agents formés en 2017 ; données 2018 consolidées non encore disponibles/données provisoires : 115 611). En complément de ces entraînements, la mise en place d'un dispositif national de formation accompagnant la diffusion du « schéma national d'intervention » permet d'habiliter les policiers au port et à l'usage des nouvelles armes d'épaule en dotation depuis fin 2016 et de mieux les préparer à faire face aux situations les plus meurtrières. À ce jour, 26 525 policiers affectés dans les services de premier niveau d'intervention ont ainsi été formés au port et à l'usage du pistolet mitrailleur HK UMP de calibre 9mm et 11 913 policiers de deuxième niveau d'intervention sont habilités à l'emploi du fusil d'assaut HK G36 de calibre 5,56mm. S'agissant des commissaires de police, la formation initiale comporte deux phases d'apprentissage. La première phase d'apprentissage comporte notamment un socle portant sur l'« approfondissement des techniques » (acquérir de la technicité dans les filières investigation, ordre public et renseignement, s'approprier les outils et logiciels police, étudier les situations de police administrative et connaître les partenaires opérationnels). La seconde phase d'apprentissage, qui correspond à la deuxième année, comprend un socle portant sur les « fondamentaux du métier de commissaire de police ». L'objectif est alors de confronter le commissaire stagiaire à des situations professionnelles pour le préparer à y faire face. La formation repose sur des principes pédagogiques forts. Il s'agit en premier lieu d'une formation par alternance : les périodes de stage alternent avec les périodes de formation à l'école. Contrairement à ce qui est mentionnée dans la question, les élèves commissaires effectuent entre vingt-neuf et trente-cinq semaines de stages pratiques sur l'ensemble de leur scolarité (en fonction notamment de la détention ou pas d'un MASTER 2). S'agissant de la formation initiale des officiers de police, le déroulement de la scolarité comprend notamment une période de formation au métier d'officier de police judiciaire de vingt-six semaines (dont sept semaines de stage), une période de formation au métier d'officier de police responsable d'unité de police de trente-six semaines (dont dix semaines de stage) ; une période d'approfondissements professionnels de six semaines se déroulant dans le service d'affectation ; une période de fin de scolarité d'une semaine commune avec les commissaires stagiaires, au cours de laquelle des actions de formation communes sont proposées. Dans sa scolarité, l'élève puis l'officier stagiaire effectue ainsi un minimum de vingt-trois semaines de stage dans les services actifs. Sur les 1 620 heures de face-à-face pédagogique destinées à la formation d'un élève, près des deux tiers sont dédiés aux simulations, cas pratiques, exercices et mises en situation. Ce sont ainsi plus de 1 000 heures de cours qui sont passées sous forme pratique et qui offrent une véritable formation professionnelle. Des professionnels de terrain (policiers, psychologues, intervenants extérieurs) sont également associés à ces cours afin d'offrir aux élèves une formation au plus proche de ce qu'ils vont découvrir sur le terrain. S'agissant des formateurs affectés à l'ENSP, pour une période qui varie généralement entre quatre et cinq ans, ils sont recrutés par rapport à un profil spécifique correspondant aux besoins de formation. Il s'agit de professionnels de terrain ayant exercé au minimum une dizaine d'années en service actif. Lors de leur passage à l'ENSP, ils reçoivent une formation de formateur et bénéficient chaque année d'un stage de « ressourcement » dans un service actif. C'est l'occasion pour ces personnels, qui sont toujours en prise directe avec leurs collègues de terrain, de mettre à jour leurs connaissances.

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