Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 04/10/2018

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences fâcheuses qu'aurait le processus de privatisation du groupe ADP (Aéroports de Paris) inscrit dans le projet de loi (AN, n°1088, XVe leg) relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit PACTE) pour les usagers, les salariés et les territoires concernés.

Elle lui rappelle que dans le Val-de-Marne, ce ne sont pas moins de 28 360 personnes qui travaillent sur le site d'Orly, dans un bassin économique de plus de 157 000 salariés, comprenant également le marché international de Rungis. Ce sont ainsi des milliers d'emplois qui sont menacés, alors que l'entreprise est performante et rapporte de l'argent à l'État.
De plus, les préoccupations environnementales sont un sujet prioritaire pour les Françaises et les Français et en particulier pour les riverains des aéroports qui souffrent à la fois du bruit, de la pollution atmosphérique liés aux
transports aériens mais aussi routiers avec des axes complètement saturés autour de l'aéroport. La privatisation risque d'aggraver la situation.

Face à de tels enjeux, elle lui demande si le Gouvernement compte revenir sur sa décision de privatisation d'ADP dans le cadre du projet de loi PACTE.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 05/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, le transfert au secteur privé de la société Aéroports de Paris, ou ADP, prévu dans le projet de loi PACTE fait l'objet de nombreuses oppositions, à droite comme à gauche.

Alors que l'État détient actuellement 50,63 % du capital de cette société, vous souhaitez supprimer l'obligation pour l'État de détenir la majorité de celui-ci et ainsi autoriser la privatisation des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle, d'Orly et du Bourget. À mon sens, c'est une vue de court terme qui sacrifie sans états d'âme une part du patrimoine de l'État.

Dans mon département, le Val-de-Marne, les inquiétudes et la mobilisation sont fortes quant aux conséquences de cette privatisation.

Conséquences sur l'emploi tout d'abord : plus de 28 000 personnes travaillent sur le site d'Orly, dans un bassin économique de plus de 157 000 salariés, qui comprend également le marché international de Rungis.

Conséquences sur l'environnement ensuite : comment comptez-vous faire prévaloir les intérêts environnementaux des populations sur les intérêts économiques d'un concessionnaire privé qui, à n'en pas douter, remettra en cause les dispositifs de limitation des mouvements et le couvre-feu ?

De plus, l'arrivée d'investisseurs privés majoritaires au sein du capital d'ADP risque de remettre en cause l'ensemble des stratégies territoriales défendues par les collectivités locales et l'État dans le cadre du projet du Grand Paris Express et de tous les schémas d'aménagement.

Enfin, faut-il rappeler que les aéroports de Paris constituent la première porte d'entrée sur le territoire et, à ce titre, garantissent à la fois la sûreté nationale et la sécurité intérieure ?

Monsieur le secrétaire d'État, au regard de tels enjeux, le Gouvernement compte-t-il revenir sur sa décision de privatiser ADP, inscrite dans le projet de loi PACTE ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la sénatrice Cohen vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances, retenu aujourd'hui, sur le processus de privatisation du groupe ADP. Je souhaite vous apporter en son nom les éléments de réponse suivants.

Le projet de loi autorisant la privatisation d'ADP tient compte des enjeux pour les usagers et les territoires. Il prévoit des dispositions pour renforcer les leviers de régulation et de réglementation en matière de qualité de service, de sécurité, d'impact environnemental et d'intégration dans les territoires.

Les fonctions régaliennes de l'État en matière de sécurité des personnes et des biens, comme la police aux frontières ou les contrôles douaniers, restent assurées par les services de l'État, et par eux seuls.

S'agissant de la qualité de service, le projet de loi donne le pouvoir à l'État de s'assurer que les investissements nécessaires au bon fonctionnement du service public aéroportuaire seront réalisés. L'État pourra également imposer à l'opérateur de maintenir une qualité de service aux meilleurs standards des aéroports internationaux.

S'agissant des employés d'ADP, le projet de loi PACTE précise que la privatisation n'a pas d'impact sur les statuts du personnel. La modification de ces statuts reste soumise à l'approbation de l'État.

La protection des communes riveraines contre les nuisances sonores et de la qualité de l'air ne sera pas altérée par la privatisation : les normes aujourd'hui en vigueur, qu'elles soient législatives ou réglementaires, devront être appliquées par ADP, quel que soit son actionnariat, notamment celles instaurant un couvre-feu entre 23 heures 30 et 6 heures du matin ou le plafond du nombre de créneaux horaires attribuables annuellement à Orly.

Afin de garantir les meilleures conditions de concertation avec les collectivités territoriales et les associations de riverains, le projet de loi PACTE prévoit, en outre, la création d'un comité des parties prenantes, qui réunira des collectivités territoriales et des associations de riverains et environnementales pour favoriser les échanges entre ces acteurs et la société.

Madame la sénatrice, ces éléments démontrent la volonté du Gouvernement, en particulier celle du ministre de l'économie et des finances, d'appliquer les dispositions que je viens de rappeler.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour répondre à M. le secrétaire d'État, en quarante-neuf secondes.

Mme Laurence Cohen. À vous entendre, tout va très bien et il n'y a aucune raison de s'inquiéter… Votre gouvernement n'entend absolument pas les revendications des riverains et des élus ! Vous vous entêtez, alors que la privatisation récente de l'aéroport de Toulouse devrait vous faire réfléchir : la Cour des comptes affirme elle-même qu'elle est un échec ! Et le bilan n'est guère meilleur pour celle des aéroports de Lyon et de Nice… Quant à la privatisation des autoroutes, au début des années 2000, elle a été suivie par une explosion des tarifs pour les usagers.

Il y a donc des exemples flagrants de privatisations aux conséquences négatives, mais vous nous dites qu'il n'y a aucun problème, aucun danger… Vous n'écoutez pas, de même que vous n'entendez pas les gilets jaunes, les blouses blanches ou les robes noires, qui manifestent parce qu'ils en ont ras le bol de votre politique qui ne tient pas compte des revendications de la population !

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