Question de Mme IMBERT Corinne (Charente-Maritime - Les Républicains-R) publiée le 11/10/2018

Mme Corinne Imbert attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice concernant le calendrier de mise en place du fichier biométrique pour les mineurs non accompagnés.
L'arrivée massive de jeunes étrangers cherchant à être reconnus comme mineurs non accompagnés est devenue une problématique importante dans nos territoires. Sur le seul département de la Charente-Maritime, on note une multiplication par 25 du nombre de demandeurs en quatre ans. Nous assistons à des phénomènes de changement d'identité et de nomadisme dont le seul but est de trouver un département qui leurs accordera le statut de mineur non accompagné.
Une initiative sénatoriale a permis, dans le cadre de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, de répondre aux attentes des services départementaux chargés de l'évaluation des mineurs non accompagnés en permettant la création d'un fichier biométrique. Ce fichier regroupera les empreintes digitales, ainsi qu'une photographie, des ressortissants étrangers se déclarant mineurs. De fait cet outil permettra de lutter contre le nomadisme et évitant aux services départementaux de nouvelles évaluations.
Aussi lui demande-t-elle de bien vouloir préciser le calendrier de la mise en place de ce fichier biométrique et en particulier la date d'élaboration du décret en Conseil d'État visant à définir les modalités d'application de l'article 51 de la loi n° 2018-778 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, l'arrivée massive de jeunes étrangers cherchant à être reconnus comme mineurs non accompagnés est devenue une problématique importante dans nos départements. Dans le département de la Charente-Maritime, on note une multiplication par 25 du nombre de demandeurs en quatre ans. Nous assistons à des phénomènes de changement d'identité et de nomadisme, le seul but étant pour ces jeunes de trouver un département qui leur accordera le statut de mineur non accompagné.

Une initiative sénatoriale a permis, dans le cadre du projet de loi Asile et immigration, de répondre aux attentes des services départementaux chargés de l'évaluation des jeunes, en autorisant la création d'un fichier biométrique qui permettra de lutter contre le nomadisme et évitera à d'autres services départementaux de nouvelles évaluations. Vous venez de l'évoquer dans votre réponse à Loïc Hervé.

Madame la ministre, je souhaite connaître le calendrier de la mise en place de ce fichier biométrique, en particulier la date d'élaboration du décret en Conseil d'État visant à définir les modalités d'application de l'article 51 de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Mme la présidente. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Corinne Imbert, vous le soulignez à juste titre, la question de l'évaluation de la minorité est essentielle. Les services de l'État sont aujourd'hui confrontés à deux types de phénomènes s'agissant du nomadisme des mineurs non accompagnés, les MNA.

D'une part, il y a le cas de MNA qui ont déjà été évalués comme tels par un département d'arrivée et qui sont orientés vers un autre département, en application de la clef de répartition que nous avons mise en place. Il peut alors arriver que le département d'accueil souhaite procéder à une nouvelle évaluation, parce qu'il estime la première incomplète ou bien parce qu'il prend en compte de nouveaux éléments qui sont portés à sa connaissance et qui peuvent remettre en cause la première évaluation – par exemple, si le MNA accueilli est plus précis sur sa propre situation en révélant des éléments qu'il n'avait pas communiqués préalablement.

D'autre part, il y a le cas de personnes qui ont été évaluées majeures dans un département et qui se présentent dans d'autres départements, voire dans le même, en modifiant leur identité, espérant passer cette fois pour des mineurs.

Ces deux situations, qui nécessitent une nouvelle évaluation, entraînent des coûts financiers extrêmement importants – des coûts humains, aussi - et saturent les services d'accueil, comme vous l'avez relevé. Par ailleurs, cela peut créer pour les jeunes, mineurs dans un premier temps puis majeurs, de faux espoirs de mise à l'abri et une remise en cause des prises en charge déjà accordées.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité créer un fichier biométrique, qui permettra de fiabiliser les évaluations et d'orienter de façon définitive les personnes qui se présenteront. Ce fichier sera consultable par les préfectures, à la demande des conseils départementaux. Sa mise en place est prévue pour le 2 janvier 2019.

Le calendrier que je viens d'indiquer sera tenu, bien sûr sous réserve des délais d'élaboration technique de l'outil biométrique. Ce fichier devra par ailleurs être précédé d'un décret en Conseil d'État portant application de l'article 51 de la loi du 10 septembre 2018 déjà citée ; ce décret est lui-même en cours de finalisation.

C'est en tout cas l'une de nos priorités, puisque nous savons que cet outil conditionnera à la fois le temps et les efforts financiers consentis par l'État et par les départements sur ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour répondre à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, je sais bien que vous avez pleinement conscience des difficultés auxquelles sont confrontés les départements.

Aujourd'hui, dans le département de la Charente-Maritime, nous voyons arriver ces jeunes d'Espagne – ce n'était pas le cas l'année dernière – avec une facilité déconcertante. Je me permets d'insister sur l'urgence de la situation et je vous remercie de votre réponse très précise, puisque le fichier biométrique pourra être utilisé dès le début de l'année prochaine. Les services d'évaluation des conseils départementaux sont surchargés, ils n'en peuvent plus !

Et que dire quand la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par une cour d'appel aux motifs que celle-ci ne pouvait fonder sa décision sur l'évaluation sociale des services du département pour fonder sa décision ? Les services départementaux sont désabusés !

En Charente-Maritime, je dois dire que nous travaillons très bien avec les services de l'État : un protocole sur les MNA a été signé hier entre le président du conseil départemental et le préfet. C'est une excellente chose.

Madame la ministre, nous prenons acte de ce calendrier. Nous savons tous que le sujet est sensible, car il touche à l'humain, mais il faut en même temps réaliser un véritable travail de fond sur les filières qui, elles, sont loin d'avoir une approche humanitaire ! J'espère que le Gouvernement en a bien conscience.

Mme la présidente. Mes chers collègues, j'aimerais vous rappeler que, comme le Gouvernement pour répondre, vous disposez désormais de deux minutes trente pour poser votre question. Vous pouvez répondre au Gouvernement s'il vous reste du temps, mais pas au-delà.

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