Question de M. VIAL Jean-Pierre (Savoie - Les Républicains) publiée le 11/10/2018

M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la qualité du système électrique français qui a toujours été reconnue. Néanmoins, la presse spécialisée a récemment souligné sa fragilité en période de pointe et les risques de rupture qui prévalent actuellement. Cette situation expose trois paradoxes. Le premier paradoxe, c'est que ce risque a augmenté malgré une baisse de la consommation essentiellement due à un déclin de l'industrie. Le deuxième paradoxe, c'est que ce risque continue d'augmenter en dépit de la mise en place des mécanismes de capacité et d'effacement. Enfin, troisième paradoxe, les solutions les plus rapides et efficaces à mettre en œuvre d'un point de vue environnemental, grâce à l'optimisation de la consommation et en particulier de l'effacement, restent marginalisées malgré les efforts réglementaires d'une part et ceux des consommateurs notamment industriels d'autre part.

Ainsi, alors même que le ministre de l'industrie lui-même s'était félicité à la sortie de l'hiver 2016, en se rendant sur un site industriel, du rôle joué par l'effacement dans le système électrique, les objectifs sont très loin d'être atteints.

Non seulement l'objectif de 5 GW inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est loin d'être atteint, mais le volume de 1 500 MW en 2016 devrait diminuer de moitié en 2018, du fait de la diminution du budget avoisinant les 20 millions d'euros alors que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) reconnaissait elle-même que, sans une rémunération comprise entre 30 000 € et 60 000 € par MW et par an, l'objectif de la PPE ne pouvait pas être atteint, et cela alors même que la redevance de capacité payée par les consommateurs dont les industriels, génèrera une ressource globale d'1,5 milliard d'euros.

Ainsi pour assurer sa sécurité d'approvisionnement, la France abandonne progressivement la seule solution économique et écologique dans un délai court au profit d'outils thermiques (fortement émetteurs de CO2 et dont les émissions globales croissent de plus de 1 M-t par an en moyenne), comme le reconnaissent la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) dans son bilan énergétique 2017 et l'agence internationale de l'énergie.

Cette démarche se trouve de surcroît à contre-courant de nos voisins européens, pourtant considérés comme peu vertueux, qui mobilisent un volume d'effacement compris entre 1 500 et 3 000 MW pour une valeur de 200 à 600 millions d'€, sans parler des grands États américains qui avec des politiques plus anciennes et plus volontaristes, mobilisent jusqu'à 10 000 MW.

Lors de sa prise de fonctions, en septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a souligné à quel point, selon lui, l'écologie et l'économie pouvaient et devaient se conjuguer ensemble.

Il lui demande s'il est prêt à répondre à l'appel des industriels dont certains voient la mobilisation de l'effacement comme un élément économique de survie.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 05/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018

M. Jean-Pierre Vial. La qualité du système électrique français a toujours été reconnue. Néanmoins, la presse spécialisée a récemment souligné, fort pertinemment, sa fragilité en période de pointe et les risques de rupture qui apparaissent actuellement.

Cette situation revêt trois paradoxes.

Le premier est que le risque de rupture a augmenté, malgré une baisse de la consommation essentiellement due au déclin de l'industrie.

Le deuxième paradoxe est que ce risque continue d'augmenter en dépit de la mise en place de mécanismes de capacité d'effacement.

Le troisième paradoxe est que les solutions les plus rapides et efficaces à mettre en œuvre, d'un point de vue environnemental, restent marginales malgré les efforts réglementaires, d'une part, et ceux des consommateurs, notamment industriels, d'autre part.

À la sortie de l'hiver 2016, lors d'un déplacement sur un site industriel en Savoie, celui de la société Ferropem, le ministre de l'industrie s'était félicité du rôle joué par l'effacement dans le système électrique. Pourtant, deux ans plus tard, les objectifs sont très loin d'être atteints.

Tel est le cas, notamment, de l'objectif de 5 gigawatts d'effacement inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE. Le volume d'effacement, qui avait atteint 1 500 mégawatts en 2016, devrait diminuer en 2018 en conséquence de l'abaissement du budget à environ 20 millions d'euros. Or l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, a reconnu que, sans une rémunération comprise entre 30 000 et 60 000 euros par mégawatt et par an, l'objectif de la PPE ne pouvait pas être atteint, alors même que la redevance de capacité payée par les consommateurs, dont les industriels, engendrera une ressource globale de 1,5 milliard d'euros.

Pour assurer sa sécurité d'approvisionnement, la France abandonne progressivement la seule solution économique et écologique disponible dans un délai court, au profit d'outils thermiques fortement émetteurs de CO2. Leurs émissions augmentent fortement, de plus d'un million de tonnes par an. Ce choix de la France se trouve, de surcroît, à contre-courant de celui de nos voisins européens, qui mobilisent un volume d'effacement largement supérieur. C'est aussi le cas des grands États américains, dont les politiques sont plus anciennes et plus volontaristes.

Lors de sa prise de fonctions, en septembre 2018, M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire a souligné à quel point, selon lui, l'écologie et l'économie pouvaient et devaient se conjuguer.

Le Gouvernement est-il prêt à répondre à l'appel des industriels, dont certains voient la mobilisation de l'effacement comme une question de survie économique ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Vial, votre question porte sur une problématique fondamentale : la sécurité d'approvisionnement en électricité de notre pays et la contribution que peuvent y apporter les consommateurs industriels.

Sachez avant tout, monsieur le sénateur, que la sécurité d'approvisionnement en électricité est une véritable priorité du Gouvernement ; le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler récemment encore. Nous veillerons donc à ce qu'elle soit assurée tout au long de la transformation du système électrique que nous allons conduire.

Vous avez raison, les consommateurs, en particulier les industriels, ont un rôle à jouer au regard de cette problématique, d'abord en améliorant l'efficacité de leurs procédés et en investissant dans l'efficacité énergétique – l'État soutient les initiatives dans ce domaine, notamment au travers du dispositif des certificats d'économies d'énergie –, ensuite en consommant mieux, c'est-à-dire en optimisant le moment où ils consomment – nous disposons d'outils réglementaires à cet égard.

La France a joué un rôle pionnier en Europe dans le développement de l'effacement de consommation. D'ailleurs, tous les marchés français de l'électricité sont aujourd'hui ouverts à la participation des effacements.

Où en sommes-nous aujourd'hui ?

La France dispose, d'après Réseau de transport d'électricité, RTE, de près de 2,7 gigawatts de capacités d'effacement, et l'ensemble des marchés français de l'électricité sont ouverts à la participation des effacements.

Nous disposons d'ailleurs d'un dispositif de soutien dédié à la filière, l'appel d'offres effacement, que nous avons négocié avec la Commission européenne. Cela nous a notamment permis, en 2018, de soutenir financièrement les effacements présentant les meilleurs standards environnementaux. Nous souhaitons par ailleurs améliorer encore l'attractivité de ce dispositif et le simplifier.

Enfin, monsieur le sénateur, j'attire votre attention sur le dispositif d'« interruptibilité » mis en place par l'État. Il permet d'interrompre la consommation sur demande du gestionnaire de réseau de transport pour soutenir les actions des industriels concourant à la sécurité d'approvisionnement.

Ainsi, monsieur le sénateur, vous pouvez constater que nous agissons sur plusieurs leviers pour permettre à la flexibilité de consommation, notamment celle des industriels, de jouer tout son rôle dans le succès de la transition énergétique et de la transformation de notre système électrique, tout en assurant la sécurité d'approvisionnement, priorité du Gouvernement.

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