Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 12/10/2018

Question posée en séance publique le 11/10/2018

M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, mais, comme nous sommes en plein remaniement, je comprendrais qu'il y ait des changements ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

L'arrestation de Rédoine Faïd a été un grand soulagement pour les Français et pour nos services de police, que je félicite.

Une fois de plus, nous devons prendre acte du fait que la cavale de ce truand a été facilitée par notre incapacité à faire respecter nos lois. L'ennemi public n° 1 se promenait au vu et au su de tout le monde, protégé par une burqa ! On se croirait dans un mauvais film… Avec quelle ironie, avec quelle arrogance ce dangereux malfaiteur s'est-il servi de la lâcheté et de la passivité des autorités françaises, qui n'osent plus faire respecter leurs lois !

Pourtant, en 2010, le législateur avait choisi d'interdire la dissimulation du visage dans l'espace public, décision validée par le Conseil constitutionnel, madame Belloubet.

Sous prétexte de ne pas troubler l'ordre public, on néglige d'interpeller les personnes portant le voile intégral, en oubliant que le respect de la dignité de la femme fait partie de l'ordre public. Le code pénal en a fait une contravention punie d'une amende de la deuxième classe, dont le montant peut aller jusqu'à 150 euros, ou effectuer un stage de citoyenneté. On croit rêver !

Toutefois, à quoi bon, monsieur le ministre, à quoi bon ? Non seulement la police est constamment narguée, mais les amendes, quand elles sont payées, le sont par des tiers ou des associations qui combattent les valeurs de la République. Ce nouvel épisode, qui ridiculise nos lois, nous dit clairement qu'il faut aller plus loin.

Rien n'interdit de faire de la dissimulation intégrale du visage un délit, jugé en correctionnelle. Rien ne l'empêche, monsieur le secrétaire d'État – sauf l'absence de courage politique et une certaine complaisance, que nous connaissons trop bien, envers le communautarisme.

Alors, quand les pouvoirs publics accepteront-ils enfin d'appliquer sans lâcheté l'interdiction de la dissimulation du visage sur le territoire de notre République ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2018

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Charon, vous vous appuyez sur l'évasion de Rédoine Faïd, qui s'est déroulée dans les circonstances que nous savons, pour évoquer la question de la dissimulation du visage dans l'espace public.

Je voudrais tout d'abord dire que la question que vous avez posée – je parle de l'évasion de Rédoine Faïd – a trouvé, en partie, sa résolution par des mesures extrêmement rigoureuses que j'ai été conduite à prendre après cette évasion, aussi bien pour assurer la sécurité dans nos établissements pénitentiaires que pour réorganiser l'administration pénitentiaire à l'échelon central. Il me semble que les décisions que j'ai prises à ce moment-là permettront d'éviter que ne se renouvelle ce type de grave incident.

Vous m'interrogez, ensuite, sur une loi que nous avons adoptée et qui a en effet été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, en vous plaignant de la non-application ou de l'insuffisante application de ce texte.

Il est vrai, monsieur le sénateur, que nous devons, de ce point de vue, tout faire, j'y insiste vraiment, pour que l'ordre public soit respecté. Il va de soi que nous devons, pour des questions d'ordre public, de vérification d'identité, de lutte contre le communautarisme, sujet qui fait également partie des priorités de ce Gouvernement, tout mettre en œuvre pour que ces lois soient appliquées avec la plus grande fermeté. J'en sais la difficulté au quotidien.

Je sais bien que les forces de l'ordre se heurtent à des complications liées au terrain même dans lequel elles doivent effectuer leur tâche. Pour autant, je réaffirme ici notre volonté pleine et entière de mettre en œuvre toutes les mesures pour lutter contre les phénomènes communautaristes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.

M. Pierre Charon. Madame la garde des sceaux, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question : il s'agissait de transformer la contravention en délit, et je n'ai pas eu de réponse sur ce point. Pourtant, nous sommes appuyés par l'Europe pour aller dans ce sens. Nombre de pays l'ont fait : l'Autriche, le Danemark…

Je ne suis donc pas tout à fait satisfait de votre réponse, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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