Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 17/10/2018

Question posée en séance publique le 16/10/2018

M. Bruno Retailleau. Voilà moins de dix ans, j'ai connu, en Vendée, la tragédie causée par la tempête Xynthia, qui a fait vingt-neuf morts dans une seule commune. À mon tour, je tiens, au nom de l'ensemble de mon groupe, à exprimer, du fond de mon cœur de Vendéen, notre soutien et notre solidarité aux familles des victimes de l'Aude et à nos deux collègues qui représentent ce département meurtri.

Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui comme hier, comme l'a dit notre président, Gérard Larcher, ceux qui sont en première ligne, ceux qui doivent organiser les solidarités d'urgence, ceux qui ont la charge d'annoncer les morts, mais aussi de réparer les vivants, ce sont les maires. Cette réalité civique française rend encore plus insupportable l'opération de dénigrement « #BalanceTonMaire ».

Je le sais : certains dans votre majorité, fort heureusement, s'en sont dissociés. Malheureusement, votre gouvernement y a prêté la main : c'est lui qui a, le premier, donné le signal de la curée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Monsieur le Premier ministre, cette opération de stigmatisation est dangereuse, à l'heure où le pays traverse une crise de la représentation. Répondre à cette crise suppose que l'on comprenne que l'on ne peut pas, à longueur de déclarations, dénoncer le populisme et, en même temps, jeter les maires en pâture. Répondre à cette crise suppose que l'on comprenne aussi que l'on ne peut ni ne doit penser que pourrait exister une démocratie nationale déconnectée des réalités de la démocratie locale.

Monsieur le Premier ministre, entre la démagogie et la démocratie, il va falloir choisir. Quand cesserez-vous donc de désigner comme boucs émissaires les élus de France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 17/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, je suis sensible à votre éloquent plaidoyer : pour avoir moi-même exercé la fonction de maire, j'en connais les charmes, les contraintes, les difficultés, les moments terribles.

Je partage donc sans aucune réserve vos propos sur le respect dû aux élus en général, et aux maires en particulier. Nombre des membres du Gouvernement ont exercé ces fonctions, tous comprennent l'importance du rôle de ces agents de la démocratie.

Il ne m'appartient évidemment pas de commenter tel ou tel hashtag. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. C'est parti de la majorité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. De même, je n'aime pas commenter les rumeurs.

Monsieur Retailleau, vous ne m'entendrez jamais – je dis bien jamais – émettre l'once d'une critique sur l'exercice par les maires de leur mandat. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

À l'occasion d'une interview où l'on me demandait ce que je pensais de la décision d'un certain nombre de conseils municipaux d'augmenter le taux de la taxe d'habitation, j'ai dit très exactement que je remerciais les 30 000 maires et conseils municipaux qui avaient choisi de ne pas le faire.

Mme Sophie Primas. Et les autres ?

M. François Grosdidier. Les autres n'ont pas pu faire autrement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai dit que les autres avaient pris leurs responsabilités. Quand je prends des décisions impopulaires, je les assume. Quand les maires doivent prendre des décisions impopulaires, ils les assument également. Dire qu'un certain nombre de maires ont alourdi la fiscalité, ce n'est absolument pas mettre en cause leur personne ni leur façon d'exercer leur mandat. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. C'est vous qui les y avez contraints !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce n'est absolument pas le cas. Je suis surpris de la vivacité des réactions de certains d'entre vous.

Assumer ses décisions, y compris quand elles sont impopulaires, c'est la responsabilité et, souvent, l'honneur des élus. Pour ma part, je le fais systématiquement et j'indique avec clarté, en toute transparence, quelles sont nos positions.

M. Vincent Éblé. Ce n'est pas tout à fait la même chose !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Oui, c'est vrai, un certain nombre de conseils municipaux ont décidé d'augmenter la taxe d'habitation. C'est un fait ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Chacun le sait ou peut le savoir : il suffit pour cela de regarder son avis d'imposition. C'est une donnée publique, et vous le savez parfaitement ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je ne m'associerai jamais à une quelconque opération de délation ou de critique, mais dire de la façon la plus explicite possible que, alors que nous avions choisi de procéder par dégrèvement de la taxe d'habitation, à la demande d'ailleurs d'un certain nombre d'élus, notamment de sénateurs, certains maires ont décidé d'augmenter cette taxe, ce qui est à la fois leur liberté et leur responsabilité,…

M. François Grosdidier. Ils ne pouvaient pas faire autrement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … ce n'est pas les pointer du doigt, c'est faire état d'un fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous vous défaussez ! (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Jamais, en France, dans tous nos territoires, les maires n'ont été à ce point découragés ! Craignez le jour où les citoyens français ne voudront plus s'engager pour la République ! Quant à nous, au Sénat, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, croyez bien que nous continuerons à porter la parole de ces hommes et de ces femmes qui sont les fantassins de la République et l'incarnation de la générosité française ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Grosdidier. Balance le Gouvernement !

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