Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 18/10/2018

M. Maurice Antiste attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la nécessité de réserver le traitement par chirurgie de certaines tumeurs, comme celles de l'œsophage, du sein ou de l'ovaire, à des établissements experts afin de garantir la qualité des soins aux malades, et donner ainsi une meilleure chance de survie aux patients.

Interrogée sur l'opportunité de fermer certains services de chirurgie devant le grand jury RTL-Le Monde, elle a rappelé que « quand on ne fait pas souvent certains actes chirurgicaux, on les fait mal ». Elle a notamment cité le cas de la chirurgie du cancer de l'ovaire, indiquant que c'est une activité qui devrait être soumise à un seuil. Cela reviendrait à interdire à certains services hospitaliers trop peu actifs dans ce domaine de continuer à prendre en charge des patientes. Si plusieurs spécialités de chirurgie cancérologique sont concernées, celle du cancer de l'ovaire est un exemple particulièrement parlant quant à la nécessité de regrouper certaines opérations dans des centres spécialisés. Il s'agit en effet d'une chirurgie très complexe, car les tumeurs de l'ovaire se développent souvent en toute discrétion, sans causer de symptômes particuliers, et sont donc généralement découvertes au stade métastatique.

En effet, selon les derniers chiffres disponibles, 62 % des 6 000 patientes opérées en 2017 d'une tumeur à l'ovaire l'ont encore été dans des centres trop peu spécialisés réalisant moins de 20 interventions de ce type chaque année, dont 35 % dans des centres n'en faisant même pas 10 par an. Au total, sur les 568 hôpitaux publics ou cliniques privées qui continuent à prendre en charge des femmes atteintes de cancers de l'ovaire en France, seuls 37 atteignent ou dépassent le volume recommandé par la Société européenne de gynécologie oncologique qui recommande un volume minimal annuel de 20 opérations par établissement et de 10 par chirurgien.
Ainsi, en cas de pratique insuffisante, le risque est beaucoup plus grand que le chirurgien, trop peu expérimenté, ne parvienne à retirer tous les tissus cancéreux, avec l'assurance d'une récidive rapide, ou pire, que des femmes prises en charge dans ces centres trop peu spécialisés soient déclarées inopérables par les équipes en place, faute de l'expertise nécessaire pour ce type d'opération. Cet état des lieux est le même pour les tumeurs touchant d'autres organes très sensibles, tels le pancréas, l'œsophage, le foie, le rectum ou le poumon, comme l'attestent des études européennes très préoccupantes.

Les exemples étrangers montrent pourtant que les malades auraient tout à gagner à un regroupement des opérations sur un nombre plus réduit d'hôpitaux. Au Danemark, le nombre de centres autorisés à pratiquer la chirurgie du cancer de l'ovaire est passé de 22 établissements en 2005 à cinq aujourd'hui, avec une nette amélioration de la survie des patientes, passée de 45 % à 68 % des malades encore en vie au bout d'un an pour les stades les plus avancés de la maladie. En Allemagne, au Royaume-Uni, en Norvège ou encore en Suède, la centralisation des opérations sur un nombre réduit d'hôpitaux a donné les mêmes résultats.

C'est pourquoi il souhaite savoir quelles actions en ce sens sont ou seront menées, afin d'atteindre un niveau de survie des patientes équivalent à ceux des pays étrangers. Il souhaite également connaître les possibilités offertes aux patients quant à une meilleure visibilité sur la spécialisation des différents hôpitaux ou cliniques dans leur recherche d'un établissement pour être opérés.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 20/06/2019

Les orientations nationales mises en œuvre depuis les décrets de 2007 fixant les conditions d'implantations et les conditions techniques de fonctionnement de l'activité de soins de traitement du cancer, et notamment de la chirurgie des cancers, ont permis une nette amélioration du parcours de soins des patients atteints d'un cancer et de la qualité des soins en cancérologie. Les seuils d'activité minimale et les réunions de concertations pluridisciplinaires obligatoires en cancérologie ont permis une concentration de l'offre de chirurgie des cancers, avec un renforcement de la qualité et de la sécurité des soins, tout en n'ayant pas affecté la réponse aux besoins des patients sur le territoire. Aujourd'hui, six localisations de tumeurs sont soumises à obligation de seuil d'activité minimale : les cancers digestifs, gynécologiques, mammaires, thoraciques, ORL et maxillo-faciales, urologiques. Au regard des évolutions épidémiologiques et des techniques de prises en charge en cancérologie, cette concentration de l'offre en chirurgie des cancers apparait comme pouvant être renforcée pour certaines localisations de tumeurs, voire créée pour de nouvelles localisations de tumeurs, afin de répondre aux enjeux de qualité et de sécurité des soins, tout en tenant compte de ceux liés à l'accessibilité de ces soins. Ainsi, dès 2018, le ministère des solidarités et de la santé a lancé des travaux sur l'évolution des dispositions réglementaires encadrant les conditions d'implantation et conditions techniques de fonctionnement de l'activité de soins de traitement du cancer. Cette réforme des autorisations d'activités de soins figure parmi les mesures phares de la stratégie de transformation du système de santé « Ma santé 2022 » annoncée par le Président de la République le 18 septembre 2018. La logique de gradation des soins et d'instauration de seuils d'activité y est pleinement affirmée et confortée dans une logique de qualité et de pertinence. Les travaux d'évolution de la règlementation encadrant l'activité de soins de traitement du cancer ont débuté par une saisine de l'institut national du cancer (INCa) par la ministre des solidarités et de la santé en vue d'une expertise notamment sur la gradation des soins et les seuils d'activité minimale en chirurgie des cancers. L'expertise de l'INCa en réponse à cette saisine contribuera aux échanges du groupe technique national et aux décisions qui seront prises en 2019 pour les futurs décrets encadrant l'activité de soins de traitement du cancer. Ces travaux de refonte du régime d'autorisation de la prise en charge des cancers, ainsi que les dispositions législatives de la loi de financement des établissements de santé pour 2019 qui renforcent l'adéquation entre le financement des établissements de santé et les autorisations détenues par ces établissements, traduisent l'engagement en la matière du ministère des solidarités et de la santé.

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