Question de M. SEGOUIN Vincent (Orne - Les Républicains) publiée le 15/11/2018

M. Vincent Segouin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet de l'obligation de la communauté médicale du centre psychothérapique de l'Orne (CPO) d'intervenir auprès des prisonniers de l'unité de « déradicalisation » du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe dans l'Orne.

Le département de l'Orne accueille trois par trois des prisonniers en vue de les « déradicaliser » jusqu'à concurrence des quarante places créées.

Aujourd'hui, les médecins du CPO interviennent dans les centres pénitentiaires de l'Orne pour des prisonniers présentant des troubles du comportement avérés, pour lesquels il existe des thérapies ou des traitements médicamenteux appropriés.

Or, jusqu'à preuve du contraire, la radicalisation comme l'intégrisme ne sont pas des maladies psychiatriques, d'où le questionnement légitime des médecins du CPO.

Cette mesure déstabiliserait l'organisation médicale du CPO, aujourd'hui tendue à cause de la démographie médicale qui touche aussi fortement la médecine psychiatrique.

De manière plus globale, la psychiatrisation, la pathologisation de la radicalisation sont de véritables non-sens et montrent que les sanctions éventuelles encourues par les personnes concernées ne sont pas du tout adaptées à la réalité de l'horreur de ce fléau. Il espère qu'elle pourra lui apporter des éléments de réponse rassurants quant aux obligations du centre psychothérapique de l'Orne comme de l'ensemble de ces centres sur le territoire de notre pays.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 05/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018

M. Vincent Segouin. J'appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'obligation pour la communauté médicale du centre psychothérapique de l'Orne, le CPO, d'intervenir auprès des prisonniers de l'unité de « déradicalisation » du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne.

Le département de l'Orne accueille trois par trois des prisonniers en vue de les « déradicaliser », jusqu'à concurrence des quarante places créées. Aujourd'hui, les médecins du CPO interviennent dans les centres pénitentiaires de l'Orne auprès de prisonniers présentant des troubles du comportement avérés, pour lesquels il existe des thérapies ou des traitements médicamenteux appropriés. Or, jusqu'à preuve du contraire, la radicalisation comme l'intégrisme ne sont pas des maladies psychiatriques, d'où le questionnement légitime des médecins du CPO.

Cette mesure déstabiliserait l'organisation médicale du CPO, aujourd'hui tendue à cause de la situation de la démographie médicale que nous connaissons tous, qui touche aussi fortement la médecine psychiatrique.

De manière plus globale, la psychiatrisation, la pathologisation de la radicalisation est un véritable non-sens et montre que les sanctions éventuelles encourues par les personnes concernées ne sont pas du tout adaptées à la réalité de l'horreur de ce fléau.

Monsieur le secrétaire d'État, j'espère que vous pourrez nous apporter des éléments de réponse rassurants quant aux obligations imposées au centre psychothérapique de l'Orne comme à l'ensemble de ces centres sur le territoire de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Vincent Segouin, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, qui ne peut être présente ce matin et m'a demandé de vous apporter sa réponse.

Les inquiétudes des professionnels du centre psychothérapique de l'Orne sont compréhensibles. Un quartier de prise en charge de la radicalisation, un QPR, a ouvert le 24 septembre 2018 au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Cette ouverture s'inscrit dans le cadre du plan national de prévention de la radicalisation annoncé le 23 février 2018 par le Premier ministre et constitue l'une des modalités de gestion des quelque 500 détenus actuellement incarcérés dans les prisons françaises pour des faits de nature terroriste.

Ces quartiers, qui s'inscrivent dans une stratégie nationale d'évaluation et gestion des détenus radicalisés, ont vocation à accueillir, après une évaluation pluridisciplinaire, les individus présentant un niveau de prosélytisme idéologique et d'incitation au passage à l'acte tel que nous ferions courir de grands risques au personnel pénitentiaire, aux partenaires intervenant en prison, mais aussi à la société tout entière, si nous les laissions en détention ordinaire au contact des détenus les plus vulnérables.

Les QPR sont destinés non à « déradicaliser » – ce terme fait d'ailleurs débat dans le milieu académique – les détenus concernés, mais à permettre leur gestion très sécurisée et séparée du reste de la détention, tout en mettant en place une prise en charge globale, individuelle et collective, visant au désengagement de la violence et à la déconstruction de l'appareil idéologique d'une organisation terroriste qui a déjà, à de bien trop nombreuses reprises, frappé et endeuillé notre pays.

L'intervention des personnels de santé au sein de ce quartier spécifique ne répond pas à une logique de psychiatrisation de la radicalisation. Elle s'inscrit dans le cadre général de l'accès aux soins des personnes détenues, tel que le définit la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, qui a posé le principe du transfert de la prise en charge sanitaire des personnes détenues au ministère chargé de la santé.

Le centre psychothérapique de l'Orne intervient conformément à ces dispositions au sein du QPR de Condé-Sur-Sarthe, l'intervention des personnels du CPO, à l'instar d'ailleurs de celle des professionnels du centre hospitalier d'Alençon sur le volet somatique, s'effectuant dans le cadre général de la prise en charge de la santé mentale des détenus. Si ces professionnels prennent en charge un public spécifique, nous n'entendons pas pour autant « psychiatriser » la radicalisation, les personnes détenues inscrites dans un processus de radicalisation pouvant, comme toute personne placée sous main de justice, présenter des troubles mentaux, des troubles psychiatriques ou une souffrance psychique.

Toutefois, la réponse au terrorisme ne peut être que collective et concertée : c'est tout le sens du plan national de prévention de la radicalisation que soutient l'ensemble du Gouvernement.

La mobilisation de l'ensemble des professionnels intervenant auprès des détenus, qu'ils soient radicalisés ou non, est nécessaire, chacun devant œuvrer dans son domaine de compétence et dans le respect du cadre prévu par la loi, mais de la façon la plus concertée possible.

Nous savons, à cet égard – ce point est fondamental –, que les conditions de sécurité des personnels soignants font l'objet d'une attention toute particulière de l'administration pénitentiaire et d'échanges réguliers. Cette concertation locale et l'accompagnement des équipes sanitaires seront poursuivis et accentués.

Mme la garde des sceaux et Mme la ministre des solidarités et de la santé comprennent les légitimes inquiétudes des professionnels du centre psychothérapeutique de l'Orne. Les enjeux collectifs sont de taille : mettre en œuvre une prise en charge globale du détenu radicalisé en prison et s'assurer de sa poursuite lorsque le détenu est libéré. Une instruction commune aux ministères de la justice et des solidarités et de la santé en précisera prochainement les modalités pratiques.

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique. Vous disposez d'une minute et six secondes, mon cher collègue.

M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d'État, si j'ai bien compris, les détenus radicalisés ont accès aux soins comme les autres et les médecins du CPO interviennent uniquement s'ils connaissent des problèmes psychiatriques. Je voudrais avoir l'assurance que c'est bien ce principe qui sera appliqué à l'avenir.

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