Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SOCR) publiée le 29/11/2018

M. Jean-Yves Leconte appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les conséquences qu'aura pour l'école André Malraux de Saint-Pétersbourg et ses élèves son transfert de propriété, tel que prévu par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). En effet, lors de son conseil d'administration du 28 juin 2018, ses membres se sont vu signifier, en réponse à une question, une décision administrative de transfert de propriété de l'activité scolaire exercée par l'AEFE. Alors que celle-ci appartenait à l'établissement en gestion directe de Moscou, cette transmission à un opérateur privé sans la moindre transparence est contestable (pas d'appel à une manifestation d'intérêt ou de procédure d'appel d'offre pour la recherche d'un repreneur) et sans garantie pour les familles.
La situation financière de l'école a été progressivement dégradée par une gestion et une stratégie inadaptées. Présentée comme coûteuse, l'école serait cédée à un opérateur privé, avec une partie de ses recrutés locaux. Cette décision étant prise, l'AEFE continuerait à assumer les coûts de fonctionnement durant l'été 2018 sur son budget (voire peut-être au-delà pour le bail et sa garantie). Cette façon de procéder impose de questionner le ministre sur les points suivants : la société de droit russe à qui doit bénéficier le transfert est détenue par une personne autre que celle indiquée aux parents d'élèves par le conseiller culturel : celle-ci est présentée comme un « prête-nom », ce qui serait justifié par notre ambassade comme une pratique locale courante ; les licences demandées par cette société aux autorités russes pour continuer l'activité de l'école ne correspondraient pas au programme d'enseignement présenté aux parents d'élèves et la base sur laquelle les détachements de titulaires de l'éducation nationale ont été mis en place dans la nouvelle structure pose problème quant à sa capacité d'offrir un statut légal répondant aux exigences du droit russe pour ces personnels. Elle pose aussi question dès lors que pour l'AEFE, il n'y a pas eu de transmission d'une école publique à une structure privée, mais juste la cession de quelques actifs mobiliers préalablement dévalorisés. Selon ce point de vue, il n'y a pas eu de transmission d'une activité structurée permettant d'assurer le maintien de l'homologation de l'école à la rentrée scolaire de septembre 2019. Cette interprétation n'est pas conforme à la réalité, mais puisque c'est celle qui a été donnée au conseil d'administration de l'AEFE, il eût été logique qu'elle soit prise en compte par le ministère de l'éducation nationale : elle n'aurait alors pas dû justifier le maintien de l'homologation, et donc le détachement de titulaires. Vu les tracas administratifs que des entités étrangères comme « Business France » ont vécu ces derniers mois en Russie, éviter de prendre les précautions nécessaires au regard du droit russe peut engendrer de réelles difficultés aux conséquences potentiellement lourdes.
Celles-ci pourraient peser non seulement sur l'école de Saint-Pétersbourg, mais aussi sur l'avenir, le statut et les charges financières de notre établissement scolaire à Moscou. Aussi, il semblerait plus raisonnable de constater que les décisions prises dans ces conditions litigieuses ne méritent pas d'être confirmées, et de donner au nouveau proviseur de l'établissement de Moscou, en poste en septembre 2018, un mandat clair pour trouver la solution permettant le développement de nos écoles dans le respect des droits français et russe. Une solution susceptible de garantir aux parents le maintien d'une qualité de l'enseignement à des tarifs restant accessibles, ce qui n'est pas le cas avec l'option retenue.

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Réponse du Ministère auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports publiée le 23/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences qu'aura, pour l'école André-Malraux de Saint-Pétersbourg et ses élèves, le transfert de propriété effectué en 2018 par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

En effet, lors du conseil d'administration du 28 juin 2018, les membres de l'AEFE se sont vu signifier, en réponse à une question d'un administrateur, une décision administrative de transfert de propriété de l'activité scolaire exercée par l'AEFE à Saint-Pétersbourg.

Alors que cette école appartenait à l'établissement en gestion directe de Moscou, la transmission à un opérateur privé, menée sans la moindre transparence, est contestable : l'on n'a lancé ni appel à manifestation d'intérêt ni procédure d'appel d'offres pour la recherche d'un repreneur, et aucune garantie n'a été offerte aux familles.

Ces dernières années, la situation financière de l'école a été progressivement dégradée par une gestion et une stratégie de communication inadaptées. Présentée ensuite comme coûteuse, l'école a été cédée à un opérateur privé, avec une partie de ses recrutés locaux. Cette décision étant prise, l'AEFE a continué à assumer les coûts de fonctionnement sur son budget durant l'été 2018, et peut-être au-delà pour le bail et les garanties offertes au propriétaire.

Cette manière de procéder impose de formuler les remarques et les questions suivantes.

Premièrement, la société de droit russe à qui bénéficie le transfert de cette activité est détenue par une autre personne que celle qui fut indiquée aux parents d'élèves par le conseiller culturel : elle est présentée comme un prête-nom, ce qui serait justifié par notre ambassade comme une pratique courante en Russie.

Deuxièmement, les licences demandées par cette société aux autorités russes pour continuer l'activité de l'école ne correspondent pas au programme d'enseignement présenté aux parents d'élèves.

Troisièmement, la base sur laquelle les détachements de titulaires de l'éducation nationale ont été mis en place dans la nouvelle structure pose des problèmes quant à la capacité de la nouvelle SARL russe d'offrir un statut légal répondant aux exigences du droit russe pour ses personnels français.

Quatrièmement, pourquoi, pour l'AEFE, n'y a-t-il pas eu officiellement de transmission d'une école publique à une structure privée, mais simplement la cession de quelques actifs mobiliers préalablement dévalorisés ?

Cinquièmement et enfin, si ce point de vue est retenu, c'est-à-dire le simple transfert de quelques actifs mobiliers, comment peut-on maintenir l'homologation ? Pourquoi cette dernière est-elle restée valable, sans contrôle, et comment a-t-on pu autoriser le détachement de titulaires de l'éducation nationale ?

Étant donné les tracas administratifs que des entités étrangères comme Business France ont vécus ces derniers mois en Russie, oublier de prendre certaines précautions au regard du droit russe peut engendrer des difficultés. Celles-ci pourraient peser non seulement sur l'école de Saint-Pétersbourg, mais aussi sur l'avenir, le statut et les charges financières de notre établissement de Moscou.

Aussi, il semblerait plus raisonnable de constater que les décisions prises dans des conditions litigieuses ne méritent pas d'être confirmées, et de donner au nouveau proviseur de l'établissement de Moscou, en poste depuis septembre 2018, un mandat clair pour trouver la solution permettant le développement de nos écoles dans le respect des droits français et russe.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, vous avez interrogé Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est attaché au maintien d'une école française à Saint-Pétersbourg, au service non seulement de notre communauté expatriée dans la région, mais aussi de notre influence.

Cette présence était compromise : le nombre d'élèves déclinait, le budget de cet établissement était structurellement déficitaire et grevait le budget du lycée Alexandre-Dumas de Moscou, dont il dépendait. La décision de changement de statut de l'établissement et de sa reprise par une structure privée ayant fait ses preuves dans le domaine de l'enseignement français à l'étranger est une réponse assumée face à l'échec des différentes tentatives pour rétablir la viabilité de l'établissement.

C'est dans ce cadre que le changement de statut a été réalisé, en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs impliqués, dont les partenaires de l'établissement.

La rentrée scolaire démontre la pertinence de ce choix : les élèves sont au rendez-vous, leur nombre est passé de cinquante-huit à soixante-treize en septembre 2018, signe de la confiance que les familles accordent à la nouvelle structure.

La qualité de l'enseignement est garantie par le maintien de l'homologation par le ministère de l'éducation nationale et par le recrutement d'une nouvelle équipe pédagogique composée de trois professeurs titulaires de ce ministère.

D'un point de vue financier, depuis le 1er septembre 2018, ni l'établissement en gestion directe de Moscou ni l'AEFE ne supportent plus les coûts de fonctionnement de l'école André-Malraux.

Ce transfert a été réalisé en respectant toutes les règles de droit, tant français que russe.

Seule la délivrance de la licence d'enseignement par les autorités russes a pris du retard. Ce retard s'explique par le blocage administratif lié au transfert du bail au nouveau propriétaire et par les interventions répétées de quelques compatriotes hostiles au projet qui ont pu créer un climat de suspicion auprès des autorités russes. Sans ces interventions, la licence d'enseignement aurait déjà été délivrée.

Monsieur le sénateur, soyez assuré de la vigilance constante de notre ambassade en Russie, de l'opérateur AEFE et des services du ministère des affaires étrangères.

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