Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 01/11/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'inquiétante pénurie de médicaments.
Le 27 septembre 2018, la mission d'information sénatoriale sur la pénurie de médicaments et de vaccins a publié un rapport d'information (n° 737 (2017-2018) faisant un état des lieux de la situation. En 2017, un nombre record de ruptures et risques de rupture de stock et d'approvisionnement a été déclaré auprès de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour des médicaments essentiels, avec 530 signalements, soit dix fois plus qu'il y a dix ans. Cela touche aussi bien les hôpitaux que les pharmacies officinales. La liste des maladies concernées est longue, qu'il s'agisse de la leucémie aiguë, de la syphilis, du cancer de la vessie, de tumeurs infantiles, de la maladie de Parkinson ou encore de vaccins comme celui contre l'hépatite B. Les conséquences peuvent évidemment s'avérer extrêmement graves pour les patients, légitimement très inquiets. Or l'article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle prévoit la possibilité de soumettre des brevets de médicaments au régime de la licence d'office et donc, de façon exceptionnelle, de s'affranchir des règles du commerce international, afin de produire des médicaments encore sous brevet lorsque ceux-ci sont « mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles »
En conséquence, alors que le rapport sénatorial estime que « la souveraineté de notre pays menace de ne plus être correctement assurée », il lui demande quelle est sa position sur le recours à la licence d'office.

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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 05/08/2021

L'article L. 613-16 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « si l'intérêt de la santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet délivré pour : a) un médicament, un dispositif médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe ; b) leur procédé d'obtention, un produit nécessaire à leur obtention ou un procédé de fabrication d'un tel produit ; c) une méthode de diagnostic ex vivo ». A ce titre, le régime de la licence d'office dans l'intérêt de la santé publique ne peut trouver à s'appliquer que lorsque les produits sont mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisante ou à des prix anormalement élevés. Ce régime peut également s'appliquer lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive. Ainsi, pour que la licence d'office s'applique, il faut que le produit concerné soit couvert par un brevet. Or, les produits qui font l'objet de ruptures récurrentes ne sont souvent plus couverts par un brevet, notamment pour ceux faisant l'objet d'un arrêt de commercialisation. Par conséquent, la licence d'office n'est pas une solution efficace pour lutter contre les ruptures de stock de médicaments. De plus, les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles (défaut des outils de production, manque de matières premières ou des articles de conditionnement, capacités de production insuffisantes, médicaments non conformes etc.) susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Le mécanisme de la licence d'office ne serait là encore pas opérant au regard de ces causes. En revanche, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur, la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments et l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries. A ce titre, les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un comité de pilotage, sous l'égide du Ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'actions pour la relocalisation en France de sites de production de produits de santé. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. Pour finir, la Commission européenne a élaboré une proposition de règlement relatif à un rôle renforcé de l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux afin permettre une gestion centralisée des ruptures de stock, en cas de crise sanitaire. A ce titre, la Commission propose de surveiller et atténuer les effets des pénuries potentielles et réelles de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques pour répondre à une urgence de santé publique ou à d'autres événements majeurs susceptibles d'avoir une incidence grave sur la santé publique. A cet égard, il est proposé de créer, au sein de l'EMA, les structures appropriées afin de faciliter la surveillance et la notification des pénuries. En outre, il est prévu que l'EMA puisse demander et obtenir des informations auprès des titulaires d'autorisations de mise sur le marché, des fabricants et des Etats membres concernés afin de prévenir ou d'atténuer les effets de pénuries au sein de l'Union européenne. Cette proposition de la Commission est en cours d'examen au sein des Etats membres.

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