Question de M. GROSDIDIER François (Moselle - Les Républicains) publiée le 06/12/2018

M. François Grosdidier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances au sujet des conséquences de l'abandon de la production au charbon sur la centrale Émile Huchet de Saint-Avold.

La centrale thermique Émile Huchet, située sur les communes de Saint-Avold et de Carling en Moselle, doit cesser son activité charbon d'ici à 2022, conformément à la promesse du président de la République durant la campagne présidentielle de 2017. Plusieurs tranches à charbon ont déjà été supprimées par le passé.

Active depuis 1948, cette centrale thermique qui produit de l'électricité pour partie à base de charbon (sur sa tranche n°6, la puissance est de 600 MW) est l'une des quatre plus importantes de France avec Le Havre, Cordemais et Meyreuil et est actuellement exploitée par la société Uniper France (anciennement par la société nationale d'électricité et de thermique - SNET).

Pour continuer à assurer l'approvisionnement électrique de la région lors des pics de consommation, l'électricité n'étant pas stockable, il faudrait substituer au charbon un procédé au gaz naturel en cycle combiné (GNCC) qui existe déjà dans les tranches 7 et 8. L'énergie thermique n'est dans ce cas pas substituable. Cela suppose un investissement de 600 millions d'euros et la création de quarante emplois, pour une réduction effective des émissions de CO2, des oxydes d'azote et de soufre.

Or le Gouvernement ne souhaite plus d'activité au gaz. Le ministre de la transition écologique et solidaire l'a confirmé lors de sa visite du 31 octobre 2018 Cette absence d'alternative, criante lors des pics, rendra la région dépendante de l'énergie allemande, produite au charbon. Pour les quatre-vingts salariés qui perdront leur emploi, le Gouvernement n'a pas prévu d'accompagnement social et industriel incluant des moyens pour la reconversion industrielle.

La décision de cessation du charbon est très lourde à assumer pour les producteurs d'énergie qui ne sont que deux : EDF et Uniper France. La première peut compenser cette perte par son activité nucléaire, la deuxième en revanche n'a pas ce privilège. De plus Uniper est la seule société à avoir investi sur la centrale et est aujourd'hui en capacité d'investir dans le gaz concentré (GNCC).

Il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour adapter les modalités de la transition écologique à cette réalité, et ce qu'il a prévu pour l'accompagnement social des salariés afin de ne pas sacrifier inutilement des emplois dans un ex-bassin houiller qui a déjà beaucoup souffert.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

M. François Grosdidier. Madame la secrétaire d'État, nous nous sommes fixé un objectif national de fermeture des centrales à charbon, car ce sont celles qui dégagent le plus de gaz à effet de serre. Hélas ! le monde ne nous suit pas, pas même l'Europe et moins encore notre voisin allemand.

À dix kilomètres de la frontière, la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold doit cesser son activité charbon d'ici à 2022, selon l'engagement du Président de la République.

Il reste quatre centrales à charbon en France : deux dépendent d'EDF, deux d'Uniper. Celle de Saint-Avold, historiquement liée aux houillères, a été reprise par Uniper France, qui y a investi 1,2 milliard d'euros et qui est prêt à ajouter 600 millions pour reconvertir la tranche 6 que vous voulez fermer. Il s'agit non pas de maintenir le charbon, mais de convertir au gaz, en réduisant drastiquement les émissions de CO2, d'oxyde d'azote et de soufre.

Or le Gouvernement bloque ce projet. Sur le plan social, c'est une catastrophe ; sur le plan économique, une faute ; sur le plan écologique, un contresens, une absurdité.

Le reclassement des salariés sera impossible au sein d'Uniper, alors même que la centrale se situe dans l'ancien bassin houiller lorrain, déjà sinistré et où, en quarante ans, nous avons déjà exploité la moindre potentialité de reconversion. Tout le contraire des sites d'EDF, puisque le groupe peut assurer sans difficulté le reclassement des salariés concernés.

Pour lutter contre le dérèglement climatique, nous devons tirer la base de la production électrique du nucléaire et du renouvelable. Nous sommes d'accord sur ce point, mais, en l'absence de solution pour stocker l'électricité, il faudra toujours du thermique, qui démarre au quart de tour, pour produire la pointe et répondre aux pics de consommation.

Soit on produit encore du thermique à partir du gaz à Émile-Huchet, soit on achètera en Allemagne de l'électricité produite à partir de charbon et, même, de lignite, ce qui correspondrait à une pollution maximale !

La conversion au gaz d'Émile-Huchet est donc la meilleure solution pour la sécurité de notre approvisionnement, pour l'emploi en France et en Moselle, pour notre balance commerciale, mais surtout pour l'environnement.

Le Gouvernement envisage-t-il de revoir sa position de façon plus pragmatique ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Grosdidier, l'urgence climatique nécessite aujourd'hui de réduire très fortement nos émissions de gaz à effet de serre, et donc d'arrêter au plus vite la production d'électricité à partir de charbon, fortement émettrice de CO2.

C'est pourquoi le Président de la République a confirmé en novembre 2018, dans sa présentation de la stratégie française pour l'énergie et le climat, que les dernières centrales électriques à charbon de métropole seront mises à l'arrêt ou reconverties vers des solutions moins carbonées d'ici à 2022. Depuis, l'Allemagne a d'ailleurs pris le même engagement de sortir des centrales à charbon.

Afin d'atteindre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, aucune autre centrale électrique fonctionnant à partir de combustible fossile, donc en particulier à partir de gaz naturel, ne saurait être autorisée, étant donné la grande durée de vie de ce type d'actif et la quantité considérable d'émissions de CO2 que cela représente.

Les analyses réalisées par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité – RTE – démontrent que la sécurité d'approvisionnement du territoire peut être assurée. À la maille du Grand Est, la région devrait rester, dans les années à venir, fortement productrice et globalement exportatrice d'électricité, y compris après la fermeture de la dernière tranche au charbon de Saint-Avold et des réacteurs nucléaires de Fessenheim.

Compte tenu des impacts économiques et sociaux de cette décision, le Gouvernement est particulièrement attentif à l'accompagnement des territoires et des salariés durant cette phase de transition – François de Rugy et moi-même avons d'ailleurs eu l'occasion de le dire sur le site même de Saint-Avold il y a quelques mois.

Un délégué interministériel à l'avenir des territoires concernés a été désigné en février 2019. En liaison avec les collectivités locales et les acteurs économiques, il pilote l'élaboration de projets de territoire, qui permettront l'émergence d'activités appelées à se substituer à celle des centrales thermiques.

Le projet de territoire de la Moselle a été engagé le 4 février dernier à l'occasion d'une réunion tenue sous la présidence du préfet de département, en présence des élus, de l'employeur et des employés de la centrale, ainsi que de représentants du monde économique. Des groupes de travail réunissant les différentes parties prenantes ont été constitués pour une finalisation du projet de territoire dans les six mois.

Concernant les salariés de l'entreprise, comme pour ceux des autres centrales au charbon, des mesures d'évolution et de reclassement sont étudiées avec les entreprises Uniper et EDF, en liaison avec la branche professionnelle, afin de faire émerger des propositions qui pourront répondre aux situations professionnelles très diversifiées de ces salariés.

Enfin, l'exploitant Uniper ne porte pas de projet de nouvelle centrale à gaz. En revanche, l'entreprise a lancé en novembre dernier un appel à initiatives pour la reconversion industrielle de ses deux sites, pour lequel elle a reçu de nombreuses contributions.

Les services du ministère examinent avec le plus grand soin les projets reçus par Uniper et pourront, le cas échéant, les soutenir.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. François Grosdidier. Je regrette cette réponse de langue de bois, qui confirme une décision absurde : lors des pics de consommation, la France achètera à l'Allemagne de l'électricité produite à partir de charbon ou de lignite ! Dire que c'est de l'aveuglement idéologique serait reconnaître à ce gouvernement une conviction écologique. En fait, cette décision de principe n'est qu'un affichage politique ! C'est l'arbre qui cache la forêt de vos renoncements en matière environnementale… Et ce sont les Lorrains et l'environnement qui en feront les frais !

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