Question de M. CHEVROLLIER Guillaume (Mayenne - Les Républicains) publiée le 27/12/2018

M. Guillaume Chevrollier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la multiplication d'actions de violences menées par des militants « végans » anti-viande et anti-élevage à l'encontre de boucheries-charcuteries, fromageries, abattoirs ou exploitations agricoles, source de réelles inquiétudes pour les professionnels de la filière agro-alimentaire. Les militants restent encore ultra-minoritaires, certes. Mais le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur.

Entre 2017 et 2018, plus d'une centaine d'actions illégales ont eu lieu partout en France, et notamment dans le département de la Mayenne, terre d'élevage par excellence. En juin 2018, une boucherie de Laval a été victime d'intimidation. À la mi-novembre de la même année, des activistes « végans » ont tourné des vidéos contre l'élevage intensif dans des exploitations.

Les artisans, exploitants et éleveurs mayennais ne remettent aucunement en cause la nécessité de prendre en compte le bien-être animal.

Mais ils souffrent de cette méfiance qui s'installe, alors même que leurs activités, sont, elles, légales.
Ils sont sous-pression et craignent de nouvelles intrusions de militants. Certains barricadent leurs exploitations, installent des caméras pour se protéger.

Il souhaite savoir si elle condamne avec la plus grande fermeté ces actions radicales et il s'interroge sur l'évolution du cadre législatif possible pour protéger concrètement les éleveurs.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Guillaume Chevrollier. Les violences exercées à l'encontre des professionnels du secteur agricole, qu'il s'agisse d'actions d'intimidation, d'intrusions dans des lieux de production ou d'agressions physiques, notamment par des activistes « végans » anti-viande et anti-élevage, sont de plus en plus fréquentes. Ces violences sont inacceptables. Entre 2017 et 2018, plus d'une centaine d'actions illégales ont eu lieu partout en France.

Bien évidemment, je respecte les idées de ces militants, mais eux doivent respecter nos agriculteurs, dont les activités sont, elles, légales. Dans leur immense majorité, nos agriculteurs veillent au bien-être animal.

Compte tenu du poids économique du secteur agroalimentaire et de l'implication des hommes et des femmes qui remplissent avec cœur la mission vitale de nourrir la population, nous avons la responsabilité de défendre nos agriculteurs et nos modèles agricoles. Une prise de conscience et une mobilisation collectives des professionnels et des élus sont indispensables pour dénoncer ces agissements.

Dans mon département, la Mayenne, un observatoire de l'agri-bashing a été mis en place. Il rassemble les services de l'État, les syndicats agricoles et la chambre d'agriculture en vue de lutter contre les intrusions dans les exploitations. Les filières agricoles et agroalimentaires attendent des réponses très concrètes de la part de l'État : une évolution de la loi doit permettre de prononcer des sanctions fermes contre les malfaiteurs qui, par leurs intrusions dans les exploitations, bafouent la propriété privée.

Monsieur le secrétaire d'État, comment mieux protéger, de façon concrète, les agriculteurs en cas d'intrusion et comment lutter, en outre, contre la diffusion numérique de fausses informations sur l'agriculture ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous confirme que la garde des sceaux, que je vous prie d'excuser, le ministre de l'intérieur et moi-même suivons avec la plus grande attention cette question, qui concerne tout notre territoire. Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre les actions violentes que subissent certains professionnels de la filière agroalimentaire.

À ce titre, la direction des affaires criminelles et des grâces a diffusé, le 22 février 2019, une dépêche sur le phénomène des actions violentes de mouvements animalistes radicaux, afin de mobiliser les parquets et de leur rappeler les qualifications pénales pouvant être retenues dans ces situations.

Ces agissements font ainsi l'objet de la plus grande attention de la part des procureurs, qui diligentent systématiquement des enquêtes pénales minutieuses, aux fins d'établir le contexte de la commission des faits, d'en identifier les auteurs et de présenter ces derniers à une juridiction. Ils sont épaulés, à cette fin, par les services d'enquête judiciaire, plus particulièrement ceux de la gendarmerie nationale, qui a récemment créé une cellule nationale spécifique, appelée « Demeter », chargée de centraliser les informations disponibles sur ce type d'affaires et de réaliser des rapprochements en vue de faciliter l'identification des auteurs de ces agissements.

Certains faits similaires à ceux que vous évoquez, qui ont pu avoir lieu ailleurs sur notre territoire national, ont d'ailleurs déjà conduit à des condamnations. Par exemple, en décembre 2018, six personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Roanne du chef de violation de domicile alors qu'elles avaient pénétré sur un site d'abattage sans autorisation ; en juin 2019, le tribunal correctionnel de Paris a condamné deux individus à trois mois et six mois d'emprisonnement pour des dégradations commises dans une boucherie parisienne et des violences sur les personnes d'un boucher et de fromagers.

Ces réponses judiciaires attestent de la prise en compte par les parquets du trouble à l'ordre public inacceptable ou de l'entrave à l'exercice professionnel qu'occasionnent de tels agissements, nécessitant, lorsque les éléments de preuve recueillis le permettent, une réponse pénale ferme et adaptée.

Le ministère de la justice estime que le cadre juridique actuel permet, dans la plupart des cas, de répondre efficacement aux actions violentes subies par les professionnels de la filière animale.

Toutefois, la garde des sceaux a rencontré, il y a quelques jours, les représentants de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Sensible à leurs inquiétudes, elle a chargé les services de son ministère d'engager une réflexion sur une éventuelle adaptation législative de la rédaction du délit de violation de domicile pour lever toute ambiguïté sur le fait que ce délit trouve bien à s'appliquer, y compris en cas d'intrusion dans les locaux professionnels d'une exploitation agricole.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends votre réponse et vous en remercie.

Effectivement, des précisions concernant la notion de violation de domicile sont attendues. Je rappelle que nos agriculteurs, qui sont déjà fragilisés sur le plan économique et dont les revenus ne sont pas à la hauteur de la charge de travail, attendent vraiment un soutien des pouvoirs publics. Ils veulent pouvoir exercer leur métier, être respectés par la société et être préservés des actions de minorités excessivement violentes et parfois radicalisées. Il est important que l'État soit au rendez-vous pour apaiser certaines tensions dans nos territoires, notamment ruraux.

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