Question de Mme LOPEZ Vivette (Gard - Les Républicains) publiée le 06/12/2018

Mme Vivette Lopez attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la recrudescence des vols de métaux actuellement constatée dans le Gard et l'ensemble du territoire national.
En effet, malgré les mesures gouvernementales prises pour endiguer l'ampleur du phénomène en 2011, le nombre de vols de métaux semble repartir à la hausse. L'office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) chiffre ainsi à près de 1 732 le nombre de vols en 2017 et à 1 833 en 2018. Ces vols touchent les autoroutes, déchèteries, entreprises, chantiers et infrastructures (réseaux SNCF, réseaux électriques) et dépendent principalement du cours du cuivre. Les métaux volés ne le sont pas seulement sous forme de matière brute, mais concernent principalement des produits finis (câbles, radars, pot d'échappement…) occasionnant régulièrement des dégâts considérables aux infrastructures dont les collectivités ou les entreprises ont la charge qu'elles se doivent de remettre en état de marche.
Les voleurs se répartissent en deux catégories : une partie de gens isolés et très précarisés qui volent pour subvenir à leurs besoins et une autre partie consistant en des bandes organisées qui proviennent principalement de pays d'Europe de l'Est.
Il semblerait que ce soit tout particulièrement ces vols en bandes organisées qui doivent retenir l'attention, puisque les métaux volés sont revendus en très grande quantité à l'étranger pour éviter toute identification. À cet égard, la limitation des transactions en espèces dans le commerce du métal est un outil qui a montré une grande efficacité pour prévenir la criminalité organisée, mais l'absence d'harmonisation européenne de cette mesure tend à lui enlever toute efficacité.
Aussi, elle lui demande de préciser les intentions du Gouvernement pour tendre à un renforcement de la coordination européenne afin de stopper la hausse des exportations illégales et endiguer cette criminalité.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/09/2020

Depuis le 1er août 2011, le paiement en espèces des achats au détail de métaux ferreux et non-ferreux est interdit en France, quel que soit le montant des transactions. Cette mesure, qui permet de tracer et d'identifier les vendeurs, a permis de stabiliser ce type de vols en France mais nous constatons en effet une internationalisation de ces trafics. Défendue par l'office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), la volonté de la France est de promouvoir le système « cashless » au sein de l'Union européenne (UE), via différentes instances européennes, EUROPOL notamment et en tant que membre du réseau européen de l'approche administrative de lutte contre le crime organisé. L'union Internationale des chemins de fer soutient également cette position, ainsi que de nombreux partenaires européens. Ainsi, à ce jour, seuls le Royaume-Uni, la Bulgarie et la France ont adopté le « cashless ». En Belgique, l'interdiction des transactions en espèces n'est appliquée que pour les câbles en cuivre (à l'exception des câbles souples issus des déchets électriques, électroniques et électroménagers). L'Espagne autorise les transactions en espèces en deçà de 3 000 euros même si elle a renforcé depuis juillet 2015 les sanctions pénales concernant les vols de métaux et de pipelines. L'Allemagne quant à elle autorise encore les espèces lors des transactions à l'instar de l'Italie. Cette situation réglementaire hétérogène en Europe favorise les vols commis par les groupes criminels transnationaux en France et le recel des métaux dans les pays européens parfois limitrophes. Ce manque et cette nécessité d'harmonisation étaient soulignés dès le printemps 2014. Onze organisations professionnelles du ferroviaire, du transport public, de l'énergie, de l'électricité et du recyclage (« European ferrous recovery and recycling » - Eurometrec - fédération des organisations nationales des non-ferreux) ont lancé un appel commun aux institutions européennes pour améliorer la lutte contre le vol de métaux. Les signataires demandaient alors de renforcer le processus d'identification lors des transactions afin de garantir une meilleure traçabilité. Ils soulignaient également la disparité des règles nationales sur les plafonds de paiement en espèces, qui est une véritable opportunité à tous les trafics et donc la nécessité d'une véritable harmonisation européenne sur la transaction des métaux. Trois ans plus tard, en juin 2017, l'opération « 30 jours d'action » coordonnée par Interpol, démontrait encore que la gestion illégale des déchets ne connaissait pas de frontières, et qu'elle ne devait pas, par conséquent, être appréhendée de façon cloisonnée par chaque pays. En 2018, le conseil national de l'industrie a publié un rapport du groupe de travail « sites illégaux et trafics associés » du comité stratégique de filière des éco-industries dédié à la valorisation industrielle des déchets. L'ensemble des parties prenantes ont participé à ces travaux dont l'Etat, représenté par la direction générale de la prévention des risques, la direction générale des douanes et droits indirects, l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique et l'OCLDI. Parmi les recommandations au niveau européen figurent la définition des priorités communes et l'harmonisation des pratiques européennes afin de faire converger les méthodes de contrôles et éviter tout effet d'aubaine qui favoriserait les pratiques illégales (exportations, stockage, traitement, etc.), à travers la mise en place d'un Forum porté par la Commission européenne, par exemple, à l'instar du forum existant sur la réglementation REACH. Il est également fortement recommandé d'harmoniser les procédures liées aux achats des déchets en espèces au niveau européen et de rendre obligatoire l'identification et la déclaration des vendeurs de déchets, par exemple au travers de registres de police standardisés. Le Gouvernement œuvre désormais à impulser cette harmonisation au niveau européen. La Commission européenne a lancé le 23 janvier 2017 une consultation publique qui pourrait aboutir à une proposition législative visant à une harmonisation efficace de l'interdiction des paiements en espèces au sein de l'UE. Le Gouvernement français demande à inclure dans le futur texte législatif l'interdiction européenne des paiements en espèces pour les transactions de métaux. L'harmonisation européenne demandée en 2018 par la France n'est malheureusement toujours pas d'actualité en 2020. En France, la législation adoptée depuis 2011 vise à décourager les vols sur chantiers et le rachat des métaux ferreux et non ferreux. Ainsi, la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances, interdit les paiements en espèces pour toute transaction relative à l'achat au détail de métaux ferreux et non ferreux. Depuis le 1er septembre 2015 (décret n° 2015-741 du 24 juin 2015), les paiements en liquide en France sont limités à 1 000 euros. Cette limite est portée à 15 000 euros si le domicile fiscal du débiteur est situé à l'étranger et qu'il règle une dépense personnelle au profit d'une personne mentionnée à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier. Depuis le 1er octobre 2018, si le paiement de la dette est au profit d'une personne non mentionnée par l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, la limite est alors de 10 000 euros. Ces règles de plafonnement des paiements en liquide ne sont toujours pas uniformisées dans l'ensemble des pays de l'UE : aucun plafond de paiement en espèces (Allemagne, Autriche, Slovénie, Lituanie, Lettonie, Islande, Chypre et Malte), plafond à 2 500 euros pour les résidents et 15 000 euros pour les non-résidents (Espagne), virement bancaire au-delà de 1 000 euros (Portugal), plafond à 2 999,99 euros depuis le 1er janvier 2016 (Italie), montant maximum limité à 3 000 euros depuis janvier 2014 (Belgique). Cette absence d'harmonisation, demandée par les opérateurs privés, notamment les fédérations professionnelles du secteur, et portée par la France, à l'occasion des élections européennes de 2019, a été une nouvelle fois soulignée dans le rapport interministériel sur « les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine » de janvier 2020. Ce rapport avait été sollicité par la ministre de la transition écologique et solidaire au conseil général de l'environnement et du développement durable et au conseil général de l'économie, par lettre du 18 juillet 2019, afin de lui présenter les pistes les plus prometteuses pour développer le recyclage des déchets en France métropolitaine. Les auteurs de ce rapport préconisent également que « la direction générale des entreprises, la direction générale du trésor, le service de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes portent au niveau européen l'harmonisation des règles de paiement des déchets dans les zones transfrontalières afin de mettre un terme aux filières illégales de collecte de cuivre et métaux ». La réglementation française demeure donc toujours plus contraignante que les réglementations des autres pays européens.

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