Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 13/12/2018

Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur le mal-être des populations amérindiennes en Guyane suite à une nouvelle vague de suicides le mois dernier.

En effet, en à peine un mois, trois personnes amérindiennes se sont suicidées à Maripasoula, un homme de 20 ans, une lycéenne de 16 ans et une femme de 43 ans fille du chef suprême des Wayana. En Guyane, le taux de suicide est de dix à vingt fois plus élevé que dans l'hexagone et touche particulièrement les populations amérindiennes. C'est le résultat d'un mal-être et d'un désarroi profond de ces personnes qui souffrent de discriminations et d'isolation.

En 2015, suite à une précédente vague de suicides de personnes amérindiennes en Guyane, une cellule de crise régionale avait été mise en place mais, faute de ligne budgétaire propre et sans moyens humains, cette cellule n'existe plus. Le 30 novembre 2015, un rapport parlementaire remis au Premier ministre proposait trente-sept recommandations face aux suicides d'Amérindiens en Guyane mais aucune n'a été réellement suivie. Un colloque avait également été organisé au Sénat en novembre 2016 sur ces questions mais sans déboucher sur des actions concrètes.

Elle lui demande comment elle compte agir urgemment pour enrayer ces vagues de suicides et quelles mesures elle souhaite entreprendre afin d'octroyer davantage de moyens et de personnels de santé, notamment des infirmières et des psychologues, dans les villages de Guyane.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 28/02/2019

Devant l'occurence de suicides de personnes amérindiennes à Maripasoula en novembre 2018, les services de l'État se sont mobilisés pour prendre en charge les proches des victimes et engager des actions de prévention de risques psychosociaux. Ainsi, une réponse sanitaire d'urgence a été coordonnée par l'Agence régionale de santé (ARS) afin de renforcer les effectifs médico-sociaux sur place. Les services d'urgence médico-psychologiques du centre hospitalier de l'Ouest guyanais (CHOG) ont envoyé sur site des praticiens (psychiatres, psychologues et infirmières) pour renforcer le centre médico-psychologique (CMP) de Maripasoula. Ils se sont relayés pendant la période des fêtes de fin d'année pour assurer une continuité de la prise en charge et une écoute dans les villages du Haut-Maroni. La réserve sanitaire a complété le dispositif avec une psychologue, un psychiatre et une infirmière. Ces équipes ont travaillé avec des médiateurs culturels de l'association Actions pour le développement, l'éducation et la recherche (ADER) et une anthropologue de l'INSERM placée auprès de l'ARS. Les équipes du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne (CHAR) ont été sollicitées en renfort du 10 au 14 décembre 2018 et ont dépêché sur place un psychiatre, un psychologue et trois infirmiers diplômé d'État (IDE) pour établir un état des lieux. Suite à cette mission, le CHAR a également proposé la mise à disposition d'un psychologue en cas de besoin. Depuis le début de l'année 2019, les équipes de pédopsychiatrie du CHOG sont envoyées par roulement à Maripasoula. L'ARS déléguera par ailleurs des moyens financiers supplémentaires au CHOG pour intensifier sa présence sur le CMP de Maripasoula. La Maison des adolescents envoie également un psychologue en renfort au collège et à l'internat pour travailler sur la prévention. Les suicides et tentatives de suicides ayant concerné principalement des jeunes scolarisés au collège de Maripasoula, le rectorat a mis en place une cellule d'écoute au collège, composée de trois assistantes sociales et trois psychologues pour accompagner les équipes éducatives et les élèves. À l'avenir, des permanences régulières d'un psychologue au sein du collège seront programmées. Le rectorat a organisé également en janvier une formation à la gestion des crises suicidaires pour les personnels. Cette formation a concerné notamment les encadrants du collège et de l'internat. Un poste de psychologue scolaire a été créé qui reste toutefois vacant faute de postulants. Par ailleurs, le contexte de généralisation des addictions au sein du collège et de l'internat, y compris chez les plus jeunes, a incité le rectorat à solliciter la brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) qui est intervenue en janvier auprès des élèves. Au-delà de ces mesures d'urgence, les services de l'État construisent un projet de réponse durable à ce phénomène. Dans ce cadre, la cellule régionale pour le mieux-être des populations de l'intérieur (CeRMEPI), créée en 2015 et placée en préfecture, va être transformée en cellule de coordination pérenne entre les administrations, les opérateurs et les associations pour améliorer les conditions de vie matérielles des populations de l'intérieur. La cellule de coordination ainsi constituée sera notamment composée d'un coordonnateur, fonctionnaire titulaire de catégorie A. Auprès du sous-préfet aux communes de l'intérieur, elle réunira chaque mois les acteurs d'une thématique spécifique aux communes isolées (accès à l'eau potable, accès au droit, accès aux soins, scolarisation, électrification, transport, traitement des déchets …) et validera un plan d'actions. Les habitants seront étroitement associés aux travaux de cette cellule, par la présence du grand conseil coutumier (GCC), des chefs coutumiers ou des associations d'habitants. Par ailleurs, si les préconisations du rapport parlementaire Archimbaud-Chapdelaine de 2015 n'ont encore pas toutes été mises en œuvre, le volet santé fait l'objet d'une prise en charge active par l'ARS. Le suivi détaillé des réponses des pouvoirs publics à ces préconisations sera mis en ligne par la préfecture début 2019. Aussi, s'agissant de la mise en place d'espaces de consultation en psychiatrie, l'offre spécialisée en psychiatrie du littoral du CHOG bénéficie aux populations de l'intérieur à la faveur d'organisations mobiles et de la présence du centre médico-psychologique (CMP) implanté à Maripasoula. Le CMP se déplace autant que nécessaire sur les communes du Haut-Maroni. Les communautés de l'intérieur accèdent aussi à des interventions spécialisées en addictologie, pédopsychiatrie et psychiatrie de façon régulière dans le cadre d'une organisation de secteur qui intègrent une dimension culturelle portée depuis plusieurs années par le déploiement de médiateurs en santé. Grâce à l'octroi de moyens supplémentaires de l'ARS au CHOG, un pôle santé mentale est en cours de création à Maripasoula au sein d'un nouveau bâtiment situé en face du collège avec trois chambres d'observation. Un psychiatre sera désormais présent à plein temps au CMP de Maripasoula. Par ailleurs, l'ARS Guyane a inscrit dans son programme régional de santé 2018-2022 la création d'un observatoire régional du suicide. S'agissant des actions de santé communautaires issues des communautés autochtones, l'ARS a lancé fin 2017 le programme Bien-être des populations de l'intérieur de Guyane (BEPI) avec un financement d'1,5 million d'euros et un fléchage notamment sur le développement de la médiation en santé publique à Camopi et Maripasoula. Aujourd'hui, environ 80 projets sont en cours d'accompagnement, dont des interventions structurantes, telles que le développement de réseau de femmes relais à Camopi et de la médiation en santé publique sur les deux communes. L'objectif est d'amplifier les activités en les orientant vers la prévention (suicide / alcoolisation / drogues / violences à l'égard des femmes) et de poursuivre l'ancrage de la gouvernance locale en encourageant une autonomisation au niveau local. Enfin, l'ARS poursuit son soutien à l'association ADER (convention pluriannuelle de trois ans (2017-2019) à hauteur de 120 000€/an) pour son programme « Agir ensemble pour vivre sur les territoires isolés ». Les populations concernées sont les habitants et particulièrement les personnes en souffrance psychique des villages amérindiens (Aloiké, Anapaike, Antecume Pata, Elahé, Kayodé, Pidima, Talhuen, et Twenké) et bourgs, commune de Maripasoula (Haut Maroni). L'objectif général est de « renforcer le pouvoir d'agir des acteurs concernés, en particulier les habitants, en vue d'améliorer la santé et le bien-être des adolescents et jeunes adultes des territoires isolés : Haut Maroni et Haut Oyapock » pour la prévention du suicide.

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